J’ai découvert Mey, il y a peu de temps, étant passé à côté de la sortie, seulement digitale, de l’E.P With The Lights Off, en Avril 2019. A l’heure où Mey prépare son premier album, j’ai eu envie d’en savoir plus sur cette chanteuse dont la voix sensible, puissante mais aussi combative par les thèmes traités, m’avait séduit immédiatement et intrigué; L’artiste a accepté de nous éclairer longuement sur son parcours, ses influences, son combat et son projet.
Mey et la passion pour le chant
Mey n’est pas tout à fait une inconnue dans l’univers musical d’aujourd’hui. Meryem Barbet aka Mey était la voix du groupe Lost My Name depuis 2012. Retour rapide sur son parcours musical. Mey a grandi en banlieue parisienne « dans une famille pas du tout musicienne » me précise-t-elle tout de suite, mais » J’ai été éveillée à l’art assez jeune et j’ai été prise de passion pour le chant dès l’âge de 7 ans « . Sans frère ni sœur, Mey semble avoir fait du chant et de la musique sa » bulle « , son « refuge « . Après avoir pris quelques cours de chant, elle intègre des petits groupes vers 16 ans, ce qui lui permet « d’élargir (ses) horizons musicaux et (sa) culture pop & rock « .
A l’âge de 20 ans, Mey intègre le groupe Lost My Name, une expérience riche de souvenirs et « une vraie école : c’est avec Lost My Name que j’ai fait mes premières expériences de composition, fait quelques belles scènes (je suis tombé par exemple sur une séquence à la Boule Noire, en 2014, avec les suédois de Dirty Loops, ndlr), des festivals…c’est aussi grâce à cette expérience que j’ai rencontré Julien Portmann (guitariste au sein de LMN) avec qui je travaille encore en binôme aujourd’hui « .
Mey, un nouveau projet musical source d’émancipation
Si, depuis 2016/2017, Mey travaille sur un nouveau projet musical, c’est pour plusieurs raisons sur lesquelles elle nous éclaire: « au fond, je pense que j’étais de nature trop solitaire et trop têtue pour cette configuration de groupe ; j’avais besoin de me retrouver seule, face à moi-même, et de livrer quelque chose de plus personnel. Je sentais que je portais aussi, dans mon histoire, des choses très lourdes que je ne pourrais exprimer qu’en solo « .
Mey précise alors un peu plus encore la genèse de son nouveau projet musical : « J’avais besoin de retrouver un rapport plus intime avec la composition, d’être seule aux commandes, de sortir du rapport de « négociation » qu’il peut y avoir dans un groupe… Je voulais simplement aller au bout de mes idées, sans entrave… avec un peu de recul, le fait d’être une femme a probablement ajouté à mon besoin d’émancipation « . Mey ajoute alors qu’elle avait besoin de « faire ce pas de côté « , seule avec elle même et « seule façon de s’exprimer complètement sans filtre « . On va le constater, bien sûr et notamment avec un titre comme Respect.
Mey, une voix combative pour faire évoluer les mentalités sexistes
Dans une courte biographie du communiqué de presse, j’avais repéré que Mey avait été » biberonnée aux Pop Stars de MTV et à l’omniprésence de figures féminines hyper-glamourisées » (Elle me précisera… Britney Spears, Beyoncé, Christina Aguilera…) et j’avais deviné que cela avait été jusqu’à l’écœurement, vu l’image représentée de la femme : « Absolument, les idoles pop fin des années 90 étaient clairement des femmes objets et, malheureusement, j’ai été confortée dans cette approche de la féminité pendant une grande partie de mon parcours dans la musique… un monde sexiste, dans lequel on attend souvent de la chanteuse de jouer les babies et très dominé par les hommes, notamment aux postes décisionnaires (labels, etc...) « .
J’avais noté que Mey avait déjà choisi, à plusieurs reprises (y compris dans une live session en mode confiné) de jouer dans l’obscurité et au regard du titre de l’E.P, With The Lights Off (Avec les lumières éteintes), j’avais envie de lui demander si c’était une volonté d’échapper ainsi à la pression de l’apparence offerte. Mey acquiesce: « Tout à fait, le diktat de l’apparence est omniprésent dans notre société, à fortiori pour les femmes et le monde de la musique en est un exemple frappant : on exige souvent des femmes qu’elles soient soumises à la beauté et aux aliénations de l’apparence et, en même temps, on se sert de cette aliénation pour entretenir la honte, le mépris et leur renvoyer une image d’elles-mêmes superficielle et creuse « .
C’était donc une « nécessité » pour Mey de « remettre en question ces modèles de féminité » et aussi de s’échapper, elle même, des « diktats pesants « . « Avoir un espace de liberté sur scène pour être autre chose qu’une apparence, c’est reposant pour une femme » ajoute encore Mey. Les premières paroles entendues dans l’intro de l’E.P (version numérique) et qui doivent être interprétées comme un signal d’alerte sont d’ailleurs : « votre apparence est quelque chose de très important pour vous « .
Mey évoque, enfin, la « différence énorme entre les femmes qui dominent les charts mondiaux – engluées dans le stéréotype de la femme objet -(Beyoncé, Rihanna,Taylor Swift, Selena Gomez, Camilla Cabello sont citées par Mey, ndlr) et d’autre part des hommes, totalement libres d’être ce qu’ils sont, jamais réduits à leur corps comme Ed Sheeran, Eminem, Jay-Z, Daft Punk ! » Mey se réjouit, cependant, de constater que la situation est en train de changer avec un certain nombre d’artistes comme Billie Eilish, Christine and The Queens, Anna Calvi même s’il « reste beaucoup à faire » !
« C’est important de montrer qu’on peut être une femme dans la musique sans forcément donner quelque chose à regarder«
Mey pense ainsi qu’il est « essentiel d’apporter à la jeunesse de nouveaux modèles, de nouvelles façons de se présenter au monde en tant que femme, et c’est comme cela que les choses pourront évoluer « .
Des influences musicales éclectiques :
En dehors des Pop Stars précitées qui ont pu bercer son enfance, Mey évoque ses influences plutôt éclectiques et qui, bien sûr, ont évolué au fil de sa jeunesse. Avant qu’elle ne me réponde, je lui disais que, par exemple, je pensais à Hannah Reid (de London Grammar dans Get out Yourself, à Sharon Den Adel dans Respect ou à Janis Joplin dans Hands). A l’adolescence, Mey découvre davantage le « Rock, le néo-métal, le grunge, la pop alternative…un choc pour moi « , citant alors en vrac Nirvana, Muse, Evanescence, KoRn, SlipKnot, Linkin Park, A Perfect Circle, Garbage, des groupes qui l’ont bercée mais aussi « catalysé mon sentiment d’incompréhension, ma colère, mon besoin d’être entendue » précise t-elle.
Il fallait aussi, bien sûr, parler des influences côté chant et, là encore, grand éclectisme, puisque Mey mentionne Stevie Wonder, Björk, Whitney Houston, Melody Gardot, Aretha Franklin, Etta James, Janis Joplin et…Hannah Reid: avec Lost My Name, Mey avait déjà fait une reprise de London Grammar avec Wasting My Young Years.
Des thèmes où la voix sensible mêle l’intime au combat
Dans l’E.P With the Lights Off et dans les nouvelles chansons de l’album à venir, les thèmes mêlent l’intime et le combat traduisant, notamment, cette volonté d’émancipation précitée : « Ma démarche part toujours de l’intime : il y a, dans mes chansons, de l’introspection et une thématique récurrente d’émancipation, avec une part de vulnérabilité mais aussi de la rage. Je parle aussi beaucoup de mes démons, parce que je crois que la musique est un sublime catalyseur pour toutes les émotions négatives, refoulées « .
Mey peut ainsi aller « au bout de l’intensité de (ses) émotions » à travers sa musique et nous dévoiler son hypersensibilité qui l’a souvent un peu handicapée dans sa vie, m’avoue t-elle. Ainsi, pour donner quelques exemples en lien avec les titres de son E.P, Muse évoque cette « échappatoire qu’est la musique…en parlant de fantasme, de quête d’immortalité… parce que je pense que derrière l’idée de créer, de vouloir laisser une trace, il y a toujours un peu de cette peur de la mort « . Spiky Love parle « d’une relation toxique dont on n’arrive pas à se défaire… de désir, de pulsions autodestructrices… bref, de sentiments très lumineux et joyeux ! » (Rires).
Avec Respect, on retrouve « le sentiment profond d’injustice » : « Quand je dis – I promise you, they will RESPECT you -, la première personne à qui je m’adresse, c’est tout simplement ma mère. C’est l’envie de prendre ma revanche pour toutes celles qui ont souffert du patriarcat « . Mey est très fière de ce morceau qui a été particulièrement libérateur à composer ; elle l’a écrit en se remémorant une conversation avec différentes femmes de sa famille et en mettant leur expérience du patriarcat en relation avec la sienne. Ainsi on oublie » des femmes, talentueuses, fortes, brillantes, qui n’ont jamais eu ne serait-ce que la possibilité d’exprimer le quart de leur potentiel, dans une société qui les a toujours opprimées, avec parfois une violence inouïe » ajoute encore Mey. La chanson comme catalyseur et porteuse d’un messages fort à la fois.
Avec la reprise de la chanson de Hozier, Nina Cried Power, qu’elle a chantée en mode confiné, il y a quelques semaines, Mey semble admirer les gens qui se battent pour leurs idées et passent à l’action. Je lui demande alors si elle pense que les artistes, et de façon plus large la culture, ont un rôle de plus en plus important à jouer, vus notamment, les enjeux écologiques et sociétaux actuels. Voici sa réponse :
« Oui, pour moi la culture est un domaine absolument essentiel, vital. Les arts nous permettent de comprendre le monde, d’élargir notre vision, nos croyances, nos horizons… La culture nous imprègne et en ce sens, elle peut nous sauver, nous libérer. Et oui je pense que l’art, contrairement au divertissement pur, est aussi là pour nous bousculer, nous questionner, faire passer des messages, revendiquer. «
Composition et projets
Mey écrit toutes les paroles et, pour la composition des morceaux, elle est, en général, seule au début. Puis Julien Portmann intervient pour les arrangements : cela fait maintenant 10 ans qu’ils se connaissent et Mey apprécie que Julien « sait vraiment se mettre au service des morceaux, de l’atmosphère que je cherche à créer « . Mey s’étend un peu plus alors sur ce processus créatif et le rôle de Julien Portmann :
« Dans le processus créatif, j’écris et compose les titres. Quand je viens le voir avec un morceau, j’ai déjà toujours écrit le texte, composé la mélodie de chant, les basses, et en général j’ai une maquette dans laquelle j’ai déjà bien avancé sur l’atmosphère, les grandes directions de production. Il apporte ensuite ses arrangements, les parties de guitare, et son expertise de réalisateur son / mixeur.
Nos influences se complètent très bien, et il partage mon goût pour l’intensité, les contrastes, le jusqu’au-boutisme… et une certaine forme de radicalité « . Au delà de Respect, pour moi le titre chef-d’oeuvre sur tous les plans, les arrangements sont toujours très réussis! Sur scène, c’est Fabien Louail qui accompagne Mey à la guitare et aux machines.
Un premier L.P est en préparation. Nulle intention de dévoiler aujourd’hui trop de choses, et Weirdsound y reviendra en temps voulu d’autant que l’album ne sortira qu’en 2021. L’album conservera le titre, oh combien important et symbolique, de l’E.P, With The Lights Off. On devrait y retrouver une bonne partie de l’E.P, qui n’était juste « qu’un moyen de commencer à rencontrer mon public » précise Mey. D’autres titres ont commencé à être rodés (et à être joués en session live-mode confiné, ndlr) comme Rat Race ou Still Trying, que j’aime particulièrement déjà et dont j’ai hâte de découvrir les arrangements. Sans doute aussi Le Feu, premier morceau écrit en français: « écrire et chanter dans ma langue maternelle, c’était un peu vertigineux, comme un saut dans le vide » confie Mey.
On ne peut que souhaiter plein de courage à Mey pour peaufiner cet album et nous offrir d’autres belles chansons, en attendant de la voir – non, de l’écouter- en Live! Mey nous a déjà prouvé qu’elle avait le talent et une voix capable de mêler pop, rock, grunge ou hip-hop.
Rendez vous déjà pris pour la sortie de l’album que nous attendons avec impatience!