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Clarys, De Là, un voyage immobile

Clarys, De Là, un voyage immobile

Des titres comme autant de feuilles mortes

Nous sommes un jour quelconque de ce mois de novembre de cette année entre parenthèses qu’est 2020, et je suis accoudé à la fenêtre regardant les feuilles jaunir sur les arbres et tomber doucement. En fond, l’album de Clarys De là, berce tranquillement d’une délicieuse mélancolie cet après-midi d’automne, chaque titre s’égrenant comme autant de feuilles mortes se détachant de l’arbre. Oui, c’est un disque qui donne envie de le respecter pour les émotions qu’il distille à doses homéopathiques, pilules d’un remède à ce bourdon d’automne qui guérirait le mal par le mal. On tombe amoureux des sons purs et de la voix chaude qui nous enveloppe lorsque les notes s’échappent des enceintes. L’envie de partir de là pour aller ailleurs est bien une sensation de ces temps de confinement.

Prévu au début de l’année, la pandémie qui nous isole les uns des autres et nous prive de tant de plaisirs des sens ayant sans doute obligé l’artiste à reculer sa sortie, c’est donc ce 6 novembre que l’on pourra entendre ce bijou dans son intégralité. Suite du projet solo de la chanteuse/compositrice, il est l’aboutissement d’un travail acharné et murement réfléchis. Il présente pourtant toutes les qualités de la fraicheur et ne s’arrange pas de fioritures inutiles. Une musique qui va à l’essentiel.

Le carnet d’un voyage imaginaire

Clarys ne joue pas avec les mots. Non. Elle créé les mots et donne naissance à une autre dimension émotionnelle. Clarys ne fait pas de la musique, mais elle invente un langage musical qui seul pourra accompagner ses phrases d’une poésie sombre et belle. Tout comme elle a appris seule à maitriser de nombreux instruments, elle invente la grammaire qui accompagnera le mieux l’histoire qu’elle va nous conter. Car De Là est un cheminement, un road-movie, un carnet de voyage imaginaire mettant en scène un ou des personnages qui finalement ressemble (nt) beaucoup à… Clarys.

Là où personne/N’a largué les amarres/N’a tracé de sentier, ni chemin dans la plaine/N’a figé sur une carte


De Là

Une production qui privilégie l’émotion

La production de cet album est moins brute que ses précédentes. À la co-réalisation avec la musicienne, un compère avec qui elle travaille depuis quelques années, Boris Boublil qui a, entre autre, œuvré comme arrangeur et musicien sur des tournées de Dominique A, composé et enregistré des B. O. de films et collaboré avec John Parish. L’enregistrement a été réalisé au Black Box Studio avec Jonathan Reig (Magnetix). Le résultat est un son à la fois brut et recherché, des arrangements tout en finesse qui respectent la musique en retenue de Clarys. Ménageant les effets, les deux artistes ont privilégié l’émotion. Pour mettre ses compositions en musique, Clarys est entourée de musiciens et amis de longue date qui ont participé à d’autres projets communs, soit Marion Grandjean à la batterie, Vincent Bourre à la guitare, Boris Boublil à la basse et aux claviers.

Un rock dépouillé et rugueux

De Là est un appel, non pas à refermer les cicatrices, mais à partir des lèvres de ces blessures, urbaines, amoureuses, physiques ou métaphysiques pour aller au-delà, vers un pays plus clair, ou l’air est plus pur et le temps moins anxiogène. Catharsis, ce voyage est une invitation à faire le point sur la distance parcourue, à trouver un nouveau départ. La musique qui porte tout cela est d’une architecture paradoxalement à la fois dure et fragile, mais simple et dépouillée de tout ornement. Clarys est économe en notes, distillant une musique épurée, sur la corde, jouant largement sur les ambiances et les harmonies qui se font et se défont sur ses ambiances rugueuses qui savent aussi se faire suaves.

Un moment sans Répondre est un très beau et très juste texte de Yan Kouton qui survole notre monde désincarné avec un featuring de Peter Milton Walsh (The Go-Betweens, The Apartments dont le dernier album est chroniqué ici par mon talentueux collègue Ziggy). La musique rendue insidieusement bancale par ses mesures paires et impaires est habillée de la voix légèrement voilée du chanteur australien dont l’accent accroit encore l’impression d’étrangeté qui se dégage du titre. En fermant les yeux, je vois des images d’Enki Bilal ou défiler un passage jamais filmé des Ailes Du désir.

lâcher prise dans le désert

Du début à la fin

Tout part de De Là, sorte de (re) naissance, et s’achève sur l’instrumental Memento Mori, comme si l’enchainement des morceaux constituait les pièces éparses du puzzle d’une vie. Rappelle-toi que tu vas mourir. Car Clarys explore des chemins aux couleurs variées qui valent le détour. Sur La tempête et son rythme répétitif, ce sont les désordres du monde contemporain, avec Je Me fais, c’est peut-être elle-même face à un amour devenu impossible et trop douloureux. On croise des préoccupations aux échos très actuels, comme Mal Né et la question de la couleur de la peau. Abordée sous un autre angle dans le déchirant Santiago sur lequel plane l’ombre du commerce triangulaire. Pour Tourner, elle compose un texte hybride en mêlant des mots co-écrits avec le comédien/musicien Rodolphe Auté (C° Vivarium Studio/Little Bob Story, City Kids —quand même!) et de Paul Éluard (tiré du recueil Capitale de la Douleur)

Mais les textes de la chanteuse ne prennent jamais les questions de front. Elle choisit là encore des chemins tortueux. C’est celui de la métaphore et de la poésie, celui de la suggestion et des atmosphères, de ceux qui font se rencontrer des mots qui ailleurs s’ignoreraient. À l’exception peut-être de Santiago qui, au contraire évoque des images précises et convoque l’imaginaire des représentations les plus noires de l’esclavage (sans jeu de mot).

Dans les vapeurs de vinaigre/De l’entrepont, le coeur aux lèvres/Avançaient les navires/La mort compagnon de voyage/Ils voguaient Madone au vent/Vers les indes Occidentales/Maudit royaume où les oiseaux/Ouvraient la route aux vaisseaux/De la Sainte Providence

Santiago

Tout comme son alter ego dont la présence parcours l’album, Clarys ne reste jamais en place. Elle sait faire évoluer sa musique. Toujours en chemin vers de nouvelles expérimentations, de nouvelles rencontres, en quête d’un ailleurs musical, elle poursuit sa route unique.

Il est rare, vous l’aurez peut-être remarqué si vous lisez régulièrement weidsound, que je chronique un album en français. chacun ses blocages. Mais, vous l’aurez également compris, l’album de Clarys m’a profondément touché. À ce que je connais de sa musique malheureusement trop confidentielle, c’est certainement le travail le plus abouti, et aussi accessible, qu’elle ait produit en solo. Un parfait fruit automnal à déguster au chaud, sous un plaid en attendant la renaissance des bourgeonnements printaniers.

Sortie le 6 novembre (Microculture/Kuroneko)

Liens :

https://clarysk.tumblr.com/Discographie

https://www.facebook.com/Clarysmusik

https://clarys.bandcamp.com/

https://www.youtube.com/channel/UCMDUTbBUPzJIF-6EH9gIR_Q

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