C’est définitivement vrai qu’on ne peut réduire J. C. Satan à un groupe de garage. Ils sont bien plus que cela, un hybride entre un rock simple, brut et direct, et une pop psychée blindée à la fuzz. Toujours entre deux extrêmes—Jésus/Satan, Homme/cheval, pop/garage—le groupe sait distiller une musique énergique et vitaminée qui prend toute sa dimension en live (lire le compte-rendu du concert Born Bad Records au Mars fin janvier à Angoulème : https://weirdsound.net/angouleme-born-bad-records-pete-les-plombs-au-mars-attack-magnetixforever-pavotj-c-satan-au-mars-attack-le-27-janvier/ ). Ce n’est pas pour cela qu’il faut bouder son plaisir sur disque. Centaur desire sorti ce 2 mars en est la preuve.
Le morceau No brain no shame qui accompagne le teaser de la sortie.
Les ingrédients étaient là sur les précédents albums, mais la sauce peinait à prendre. L’étiquette garage qu’on leur collait était surtout due au fait que les moyens de production alloués aux quatre précédents albums n’étaient guère suffisants. On sentait bien que les morceaux avaient ce quelque chose, qu’il y avait une énergie, des mélodies accrocheuses. On attendait plus. Mais faute d’une production à la hauteur, il était difficile d’apprécier pleinement la qualité des compo. Même si au fur et à mesure des sorties, les choses allaient en s’améliorant. Si, comme le dit Paula (chant), « quand tu apprends à cuisiner. Ton premier plat, c’est des pâtes avec du beurre et de l’emmental. Puis progressivement tu ajoutes du citron, du caviar ou des coquilles Saint-Jacques. » alors, avec ce cinquième opus, on entre dans la grande cuisine. Mais attention, celle qui dérange les codes et utilise les épices. Le groupe s’est attelé à la réalisation de cet album avec une volonté évidente de mieux maitriser son univers sonore et musical. Et c’est réussi.
Enregistré pour la première fois avec une batterie alors que les précédents utilisaient une boite à rythme, l’album semble débarrassé des scories bordéliques et fouillies qui masquaient largement les influences plus pop du groupe sur les autres. La production est beaucoup plus puissante, avec un son précis, et, si l’urgence est toujours présente, elle semble désormais maitrisée, ce qui rend les compositions d’autant plus efficaces. Mélodies hypnotisantes qui ne sont pas sans rappeler le Pink Floyd des débuts sur fond de guitares ultra saturées pour Communion, ou encore les premiers Status Quo (Pictures of matchstick men) avec la « balade » Erika. On pense aussi parfois à Ty Segall (Drink, dope and debauchery). Avec des compositions courtes et punchies qui font justement ressentir cette urgence du moment présent, on retrouve dans ces onze titres la quintessence du groupe en condensé. Les arrangements vocaux ont gagné en finesse, et les morceaux surprennent toujours par leur diversité. Les cassures de rythmes sont fréquentes, créant des moment, brefs, de répits comme sur No brain, No shame. Cette maturité est aussi, peut-être, celle du principal artisan derrière J. C. Satàn, à savoir Arthur, le guitariste/chanteur, qui compose et joue tous les instruments sur chaque album (en dehors de la batterie). Le titre éponyme Centaur Desire convoque l’ombre de Queens of The Stone Age avec ses rythmes saccadés, son riff de guitare aigrelet accompagné d’un synthé criard (derrière lequel officie Dorian sur scène). Le texte évoque ce qui pourrait paraître comme un paradoxe, soit l’attrait qu’exerce les hommes macho sur une femme ultra-féministe sur lesquels elle projette son désir de soumission.
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Ce qui fait également le charme de J. C. Satàn, c’est cette franchise sans fard qui transparait dans chaque morceau et qui convainc immédiatement que le groupe s’adresse directement au public, sans artifice, et se livre tel quel, brut. Pas de tentative de séduction chez eux, mais au contraire une candeur et une humilité musicale qui les a fait se lancer sans pudeur dès leurs débuts. Beaucoup ne donnaient pas cher de leur peau lorsqu’ils ont commencé. Et aujourd’hui, après neuf ans, toujours debout, Centaur Desire est enfin à la hauteur des désirs du groupe et transcrit plus qualitativement que jamais le talent de composition d’Arthur. Pour ceux qui n’auraient jamais prêté l’oreille à ce groupe français hors norme, que je considère comme parmi les meilleurs actuellement, il faut absolument écouter ce cinquième L. P. sur lequel on ressent réellement un bon qualitatif depuis le précédent, J. C. Satàn (titre trompeur, puisque c’est leur quatrième).
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Ainsi, c’est une gageure pour les six musiciens que de tenter de donner plus d’intensité à ces morceaux en live. À mon avis, c’est un pari réussi comme en témoigne la prestation du 27 janvier au cours de laquelle ils ont joué une bonne partie des morceaux de cet album. Gaspard, qui les a récemment rejoint à la basse, semble être membre du groupe depuis des années, et la claque qu’ils assènent sur scène peut les rassurer : on n’a pas l’impression qu’ils se foutent de la gueule du public en dépit des déboires techniques qu’ils avaient subis ce soir là. J’en garde le souvenir d’un des meilleurs concert vus au Mars.
Bref, Centaur desire, (deuxième disque chroniqué sur weirdsound.net cette semaine à arborer un centaure en couverture avec Dominique A ! ) est un album jubilatoire, parfois (souvent) sur la corde, jamais attendu. On pense sérieusement à J. C. Satàn pour remplacer Queens of The Stone Age (et à Arthur en démiurge à la Josh Homme) qui ont décidément trop vieilli pour pouvoir encore délivrer un album de cette intensité.
https://www.jcsatan.com/
http://shop.bornbadrecords.net/album/centaur-desire
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