Au Printemps 2005 je découvrais Matt Elliott dans notre mythique salle nantaise de l’Olympic remplacée depuis par Stereolux. Il présentait alors ses Drinking Songs, son deuxième album sous son nom et le premier sur le label ici d’Ailleurs. Matt Elliott le bristolien (Comme le groupe DAMEFRISØR récemment chroniqué ici) avait désormais opté pour un side project après 3 albums du projet musical The Third Eye Foundation. Aujourd’hui Matt Elliott sort son neuvième album physique, The End Of Days, toujours fidèle au même label.
Matt Elliott: 30 ans de carrière et un grand virage musical
Pas question de revenir en détail sur 30 ans de carrière musicale! Rappelons juste quelques éléments de son début de parcours. Matt Elliott a compris, dès l’âge de 16 ans, en quittant l’école, que sa vraie passion est la musique et qu’il va y consacrer sa vie. A Bristol, il peaufine aussi sa culture musicale chez le disquaire (Revolver) où il travaille. Disquaire indé culte incontournable à Bristol de 1970 aux années 2000. Tout en étant D.J dans des clubs, il commence aussi à composer et à jouer dans des groupes (Movietone, Flying Saucer Attack…). En 1993, seulement sur K7, paraît ce que l’on peut considérer comme son premier album auto-produit (en quantitité très limitée!); C’est l’album In Psychick Communion With The Stars de son projet The Third Eye Foundation. Comme pour H-Burns, aujourd’hui fan de Cohen et récemment chroniqué ici pour son très beau récent album, on a du mal à reconnaître le Matt Elliott d’aujourd’hui! Musique électronique, expérimentale avec un réel parfum indus. On y croise un peu Coil, Psychic TV-formés par John Balance- et les néerlandais de Psychick Warrirors Ov Gaia.
Ce n’est pas un hasard si l’on vient de retrouver Matt Elliott pour un deuxième hommage à Coil dans le dernier album de The Immortal Coil. Album voulu par Stéphane Grégoire, fondateur boss du label ici d’Ailleurs, paru en Décembre dernier et chroniqué ici. Après un nouvel opus, In Version, sur son propre label Linda’s Strange Vacation paraît Semtex avec l’aide du label Domino qu’il va ensuite rejoindre. Victime d’acouphènes lors de cet album, Matt Elliott va partir sur un nouveau projet musical, sous son propre nom. Un virage progressivement plus folk guitare-chant qui forge son identité et son style peu à peu. Depuis 20 ans il habite aussi Nancy, siège du label ici d’Ailleurs. Dépité-comme beaucoup-par le Brexit, il a acquis la nationalité française depuis l’an dernier.
The End Of Days: la force de….l’émotion
3 ans après le très bel album Farewell To All We Know, on retrouve donc Matt Elliott pour un nouvel opus. Au delà du titre, celui-ci va nous apparaître mélancolique, et ce n’est pas une vraie surprise! On ne peut dire d’ailleurs que le titre du précédent, en plein Covid et confinement, était des plus réjouissants! L’essentiel est dans l’émotion dégagée par cet album, travaillé encore avec David Chalmin, multi instrumentiste et producteur. Au delà de la guitare et du chant que l’on apprécie toujours davantage, l’album offre une nouveauté de taille. Le saxo fait de belles apparitions donnant même parfois une vraie coloration jazzy comme dans le superbe Flowers For Bea. Plusieurs titres font preuve aussi d’une orchestration complexe et riche , même si le ressenti global reste épuré…un vrai tour de force. La voix de Matt Elliott nous fait penser toujours et souvent à Cohen, mais cela n’est pas pour nous déplaire! Elle nous envoûte sur 5 des 6 titres… Eh oui…il y a un instrumental!
The End Of Days, le morceau titre, ouvre l’album. Près de 10 minutes de bien être musical avec une voix qui nous enveloppe telle un cocon où l’on aimerait rester. Le saxo apparaît quasiment au bout de 7 minutes pour nous séduire un peu plus encore. Bon, Ok, le combat écologiste et anti capitalisme sauvage continue…on ne va pas s’endormir pour autant! January’s song nous avait été dévoilé fin Janvier…clin d’oeil évident…..constat un peu désenchanté entre les nuits qui vont progessivement raccourcir jusqu’à l’été tandis que la ronde des saisons et du monde se poursuit au delà de nos-courtes-vies humaines…Belle intro dépouillée entre guitare et quelques notes de piano avant que la contrebasse, le saxo puis le chant ne prennent le relais. Avec Song Of Consolation, on se console comme on peut mais le charme du registre mélancolique ne s’éteint pas pour clôturer la première face du vinyle.
On poursuit avec Healing A Wound Will Often Begin With A Bruise. Construction classique pour un titre seulement instrumental. La seule petite faiblesse du titre est peut-être sa longueur sur la version cd…..bon, à vous de juger! Flowers For Bea a été mon gros coup de coeur immédiat pour cet album…Ok, vous allez peut-être penser, 12’34 c’est long…Non! Le morceau est suffisamment varié et riche pour complètement escamoter cet aspect. L’intro ne déroge pas au style de Matt Elliott , arpèges délicats, notes de piano cristallines et l’on retrouve rapidement la voix magique à la Cohen. Après 3 minutes, c’est le violoncelle et saxo qui s’infiltrent avec tout autant de subtilité. Une guitare électrique vient nous surprendre et la tonalité, au parfum balkanique, devient carrément plus jazzy, même si le tempo évolue peu. La dernière minute, très épurée, nous emmène très loin alors que la voix de Matt Elliott semble peu à peu disparaître dans les nuages à moins que ce ne soit dans des grottes profondes vu l’écho; Unresolved clôt l’album de façon apaisante.