Pour mon premier article sur Weirdsound, je me suis dit : « Écris sur un classique !» . Raté … Le dernier album de Marylin Manson sorti le 6 octobre dernier chez Loma Vista Recordings m’a pris de cours.
Un petit rappel avant la présentation de cette nouvelle galette, pour les pauvres diables qui ne connaîtraient pas encore le seigneur de l’ombre. Tout commence par un joli matin de printemps où tous les animaux de la forêt se réveillaient le cœur empli de gaieté… Bon ça va, j’arrête. Mister Manson est surtout connu pour son extravagance, son maquillage gothique, ses hurlements, pour les rumeurs autour de sa personne (pervers, blasphémateur, écrabouilleur de poussin, etc…), mais c’est avant tout un musicien d’exception doté d’une voix inégalable et d’un maniement de l’ironie hors du commun. C’est un gamin timide et maladif qui a le bonheur de découvrir toute la collection sexuelle de son grand père en explorant la cave de la maison familiale. Ceci explique cela. En 1989 il rencontre le guitariste Scott Putesky et les deux compères décident de monter le groupe Marilyn Manson & the Spooky Kids, qui sera réduit en Marilyn Manson après l’arrivée du bassiste Twiggy Ramirez, qui a été viré du groupe récemment car il a été mis en examen pour viol (ce qui risque de faire de l’ombre au nouvel album). Les jeunes gaillards réussissent à attirer l’attention de Trent Reznor qui va leur produire leur premier album en 1994 « The Portrait of American Family ». S’en suivent 9 albums plus ou moins réussis mais tous plus provocateurs les uns que les autres comme Antichrist Superstar, Holy Wood ou Smell like children. Le tout baignant dans un univers féerique entre Alice au pays des merveilles (mais avec un gun et qui éclate tout ce qui lui passe devant) et des influences très Burtoniennes. Mais je vois votre question venir mes petits lapins. Pourquoi Marilyn Manson ? Et bien Marilyn pour Marilyn Monroe (actrice) et Manson pour Charles Manson (serial killer). D’après ses dires, choisir ce nom marquait l’envie d’un gamin qui n’avait plus envie d’être celui qu’il était. Un acte chargé de symboles. En bref, Marilyn Manson est un artiste au sens complet du terme. Peintre, plasticien, acteur, musicien et parfois même presque philosophe, il ne donne pas de réponses mais nous oblige à nous interroger. Pourquoi est-il tant controversé ? Parce qu’il sort des codes instaurés par les têtes bien pensantes de notre monde. C’est un artiste complet parce qu’ il nous interpelle. Et comme il le dit si bien : « si ça ne nous fait pas réfléchir, ce n’est pas de l’art ».
Après cette biographie plus que résumée, parlons de ce qui nous intéresse. (Si toutefois ce n’était pas suffisant les amis, Wikipédia est là aussi. Wouahou, ça rime en plus ! Talent quand tu nous tiens.)
Enfin notre dandy gothique préféré est de retour avec un album intitulé Heaven Upside Down. Après The Pale Emperor qui nous réjouissait déjà les tympans, ce dixième opus nous offre 10 titres annonçant un retour aux sources pour le baron. Plus de chichis, ni de mélodies langoureuses pour verser toutes les larmes de notre corps (no comments). Cette fois, on tape dans le dur. Rythmiques bien lourdes, riffs de guitares puissants (malheureusement pas celle de John 5, mais on finira bien par s’en remettre) et surtout cette voix qui hurle plus que jamais. Manson a laissé de côté tout ce qui n’était pas utile. Du coup, une pochette sobre et un album sans livret nous attendent lorsque nous passons devant notre petite caissière qui nous fusille du regard sans un bruit ; mais ses yeux parlent d’eux mêmes. « Sataniste ! » nous crie-t-elle secrètement. Et bien ouais, carrément ma petite dame, pour le nouvel album de Manson ça vaut bien le coup ! J’essuie la bave qui coule de ma bouche en tentant désespérément d’enlever le plastique de protection (personne n’arrive à l’enlever du premier coup, ceux qui disent le faire sont des menteurs !) Le premier morceau commence, et là, miracle ! Manson sait compter jusqu’à 10 ! Outre ses talents de mathématicien, il nous inonde de tout ce que nous attendons de lui. Sex, Drugs & Rock’n roll jusqu’à l’orgasme auditif. L’album tourne en boucle depuis plusieurs jours et je n’en finis pas d’ headbanguer. Malheur à mes cervicales. Quelques très bonnes surprises nous font tinter les oreilles comme des attrapes rêves dans le vent avec en fond une scierie industrielle. Saturnalia nous emporte dans son monde glauque et de plus en plus oppressant, sans jamais descendre en pression. La collaboration entre MM et le producteur et guitariste Tayler Bates qui a déjà fait ses preuves sur The Pale Emperor, se ressent vraiment sur ce titre, avec une approche de la structure musicale propre au cinéma. La structure étant progressive et plus complexe que celle dont se contente généralement le métal indus. Kill4me avec son refrain très synth/pop, drôle et malsain (un peu comme un croisement Mr. Bean – Emilie Simon, sous crack) résonne comme une ode au Glam Rock. L’introduction au piano de Bloody Honey pourrait nous faire penser à un Coma White II tandis que la chanson d’ouverture Revelation #12, elle, sonnerait plus comme la suite de This Is a New Shit avec son riff de guitare surpuissant. Si vous aimez les bonnes sœurs SM, le clip de We Know Where You Fucking Live est fait pour vous. Manson et ses copines viennent décoincer une jolie petite famille américaine à coups de mitrailleuses et de frottages de fesses, dézinguant à tout va (petit retour à la tuerie de Columbine qui avait ébranler la carrière du chanteur ) et en faisant des choses très loin d’être sages (voyons mes sœurs, c’est pas très bien tout ça dites donc!). Le dernier morceau de l’album, Threats Of Romance est un streap tease à la façon Bowie, comme il avait sur faire sur le titre Wow. Il nous présente son personnage, qui lui, n’a jamais changé. Pour parfaire ce jolie petit bijou de musique, le clip de SAY10 est un condensé de l’univers Mansonnien. Des femmes, du sang, du sexe et en special guest un Johnny Depp perché à des années lumières.
Marilyn Manson nous offre avec Heaven Upside Down bien plus qu’un autre album d’ indus ou de métal. Il nous prouve que le prince noir est toujours là. Qu’avec le temps la maturité et bien là et que ça n’empêche pas d’ envoyer du bois. Il nous montre son côté Robert Johnson, isolé au milieu de l’Ohio, à minuit, pactisant avec le diable pour savoir jouer de la guitare comme un dieu. La fatalité de notre fonctionnement, la course à la ruine de notre monde, inspirées de références bibliques ou mythologiques, mais tellement d’actualité. Il nous raconte une histoire, la nôtre. La violence de tous les jours, politique, sociale, économique. Manson nous propose un album abouti en accord avec son temps, auquel il faut accorder quelques écoutes car pour les non avertis, cela peut être déroutant. L’ hétéroclisme de l’album est d’une étonnante cohérence tant les morceaux s’enchaînent bien. C’est un voyage musical plein de sarcasmes et d’humour noir. Du grand MM.
En bref, si vous aimez les riffs ravageurs, le sang, les bonnes sœurs à moitié nues, les gestes blasphémateurs, les voix qui font péter les membranes des micros et que vous n’avez pas peur de vous fritter avec le diable, et bien, cet album est fait pour vous. En attendant de le voir en live (le 27/11 à l’Accor Hotels Arena & le 01/12 au Zénith de Nancy), je vous en prie, chers amis métalleux et autres mélomanes, délectez vous de cet album d’une efficacité malsaine. Et si cela ne vous suffit pas, rien ne vous empêche de sacrifier quelques poussins. En espérant que pour ses passages en France, l’Antichrist Superstar ne subisse pas encore une fois l’attaque de son décor.