Celui qui voit la sagesse chez les autres
Silhouette nonchalante, visage poupin entre Marlon Brando et Johnny Depp, caricature masculine de Marylin Monroe, Jeffrey Lee Pierce affiche ce même charisme ambigu et sulfureux. Figure maudite du rock underground californien, il a toujours évolué en marge des genres et des modes, imposant son chant habité et fragile, naviguant entre cure de désintox et pulsions autodestructrices. Musicien inclassable, ce garçon né d’une mère americano-mexicaine a trainé son blues jusqu’à ce jour de mars 1996 où il s’est écroulé victime d’une hémorragie cérébrale. En octobre 2006, dix ans après sa mort, ses cendres sont dispersées à Kyoto, et un nouveau nom bouddhiste lui est donné : Shaku Chi Ken, Le Bouddah qui Voit La Sagesse chez Les Autres.
Sur les pas de Brando et de Burrough
Après le divorce de ses parents, en 1978-79 sa mère, Margie Pierce, s’installe à Reseda. Jeffrey Lee Pierce qui s’est nourri de la littérature de Conrad ou de Burrough et des écrivains de la Beat Generation, de la musique de Hank Williams, de John Coltrane, Genesis, Sparks…se met à fréquenter avec Stephen Tash, ami d’enfance, les cours de théâtre de Lee Strasberg. L’école perpétue le filon « actor’s studio » après la mort de son fondateur. Le jeune homme qui a commencé à jouer de la guitare à dix ans, rencontre très vite des musiciens avec qui il va former sont premier groupe, The Red Lights. Il commence également à écrire pour le fanzine culte de Claude Bessy, Slash, qui paraitra de mai 1977 à juin 1980 et couvrira durant cette période l’émergence du mouvement punk, plus particulièrement la jeune scène californienne. JLP se reconnait dans cette musique révoltée et urgente. Et, élément important de la construction de l’identité musicale du jeune homme, il nourrit alors une obsession pour le reggae qui a été remis à l’honneur par le punk. Après un séjour à New York où il écrira quelques articles pour des magazines, et non sans avoir approché les rites vaudou à Miami, il part à la Jamaïque. De retour, pour Slash, il interviewra Bob Marley dans le salon de sa mère. Cela fera partie des rencontres qui le marqueront durablement.
Même lieu, même époque. Il va faire plusieurs autres rencontres déterminantes. Tout d’abord, celle avec son complice et ami jusqu’à la fin, Brian Tristan plus connu sous le pseudonyme de Kid Congo Powers. À la suite d’une soirée très arrosée, il propose à son pote qui n’a jamais touché un instrument de musique, de fonder un groupe. Il se charge de lui apprendre la guitare. The Creeping Ritual est né. Puis il croise les gars de Black Flag, dont Keith Morris —aussi Circle Jerks. Celui-ci lui enjoint de changer le nom du groupe et propose The Gun Club. Avec Don Snowden à la basse et Brad Dunning à la batterie, ils sont très vite remarqués par une figure établie de la scène punk/post-punk en la personne de Debbie Harry—Blondie. Il faut dire que JLP est président du fan club et s’est teint les cheveux en blond en son honneur… Malgré des premiers concerts catastrophiques, les performances scéniques du chanteur, très influencé par Marc Bolan ou Brian Ferry, son charisme et l’intensité de son implication dans l’interprétation de ses chansons finissent par fasciner les spectateurs. Pierce est habité par sa musique. Littéralement. petit à petit, les concerts du Gun Club deviennent des moments de transe quasi chamanique pour le jeune métis.
Sueur électrique
Phast Phreddie Patterson, ami rencontré à la fin des années 70, lui fait découvrir son immense collection de musique nord américaine, dont le blues du delta. Ensemble, ils écument les magasins de disques de L.A. à la recherche de la perle rare. On les appelle les « records cruisers ». JLP est fortement marqué par cette découverte à la fois musicale et amicale. Sans batteur et bassiste, Kid et Jeffrey Lee recrutent deux membres d’un autre groupe local, The Bags, en la personne de Terry Graham (batterie) et Rob Ritter (basse). En 1981, la bombe Fire Of Love explose dans les bacs. Comment qualifier cette musique hybride, sensuelle, pleine de sueur, intense? Peu avant la sortie du disque, l’ami Kid Congo est parti rejoindre les Cramps. Sur Fire Of Love figure pourtant le très explicite For The Love Of Ivy (Poison Ivy, guitariste des Cramps).
Sur ce premier album au nom piqué au morceau de Jody Reynolds figurent de nombreux titres essentiels. Tout d’abord l’énorme, le libidineux, le sado-masochiste, vénéneux et sensuel, Sex Beat au rythme viscéral et primaire. Puis Goodbye Johnny, archétype des morceaux du Gun Club, avec sa structure en montée et descente d’intensité qui servira si bien de modèle au Noir Désir des débuts. Cette forme d’écriture a ceci de particulier qu’elle laisse une grande latitude en concert et permet l’improvisation tout en jouant, un peu sadiquement, avec les émotions du public. Enfin, les deux reprises de standard de blues que sont Preaching the Blues et Cool Drink Of Water sont tellement digérées, intégrées, qu’elles pourraient facilement passer pour des morceaux du répertoire du groupe.
Jeffrey Lee tombe facilement amoureux de filles inatteignables ou qui l’ignorent. Régulièrement, il devient obsédé par tel ou tel sujet, s’y plonge à fond, puis passe à autre chose. En parallèle du Gun Club, en ce début des années 80, il se prend d’une passion intense pour Texacala Jones et lance le groupe Tex & The Horseheads qui officiera dans un registre punk/country/blues jusqu’au milieu des années 80 et connaitra un certain succès. On ne saura jamais s’ils furent amoureux, si ce fut une autre de ses illusions amoureuses, mais JLP étant particulièrement jaloux, il leur arrivait de se battre après un concert.
De Miami à Las vegas
C’est Chris Stein le guitariste de Blondie qui se met derrière les manettes et produit le second album du Gun Club, le fulgurant Miami. À l’issue de l’enregistrement à New York, le bassiste, Rob Ritter quitte le groupe. Il est remplacé par une jeune musicienne tout droit exfiltrée des Bags elle aussi, Patricia Morrison. Ritter mourra d’une OD en 1990 après avoir joué dans plusieurs groupes. Une deuxième guitariste les rejoint brièvement, sans que son nom reste dans les annales… Le titre de l’album est choisi par le chanteur pour évoquer le plus grand mourroir des U.S.A.
Le chant de Jeffrey Lee ne ressemble à rien de ce qui se fait. Sa tessiture particulière, sa façon de prendre un couplet à une hauteur et une tonalité souvent inattendue participe de la construction du mythe de l’artiste en marge des modes. C’est aussi cette façon très particulière de chanter qui donne cette impression aux morceaux d’être habités.
Les textes du chanteur sont des évocations d’images telluriques, d’une sensualité sauvage, entre pulsions de vie et pulsions de mort. On y retrouve les paysages du désert auprès duquel il a grandi, mais aussi des thèmes de la culture mexicaine à laquelle il s’attache, comme pour proclamer encore plus haut qu’il est bien ce « misfit » qu’il prétend être. Son look fait de bric-et-de-broc—boots mexicaines pour femme des années 70, chapeau mexicain, bandana, clochettes à la ceinture, maquillage…—n’attire guère les femmes, mais sa présence et son aura de poète maudit, un peu à la Jim Morrison, ne laissent pas indifférent. La tournée Miami amène le groupe en Europe, mais les tensions avec le chanteur instable poussent Dotson a quitter le groupe. La production et l’influence de Chris Stein sur le chanteur seront critiqués et caractérisés de « plus grosse erreur de carrière » par Dotson. Ce dernier est remplacé par Jim Duckworth. Dotson et Pierce ne se reparleront plus jamais.
Faute de moyen, l’album suivant est un E. P., Death Party, enregistré toujours sous la houlette de Chris Stein et avec un line-up tout neuf. Pierce fait la une du NME avec la photo d’Anton Corbijn qui chapeaute cet article. S’ensuit une tournée européenne plus importante que la précédente. Dee Popp, le batteur qui est venu remplacer Graham, et JLP usent et abusent des drogues les plus variées. La tournée en prend un coup. Graham reviendra pour quelques dates. Kid Congo qui a quitté les Cramps les rejoint. Après une tournée en Australie, c’est ce line–up, certainement le plus le plus explosif qu’ait connu le Gun Club avec Powers, Morrison, Graham, Pierce qui enregistre le troisième véritable album, The las Vegas Story. Avec la production de Jeff Eyrich, la musique prend une couleur plus rock en dépit d’une fausse ballade blues/cocktail déglinguée aux chœurs fantomatiques qui fait penser à du Nick Cave, My Man’s Gone Now. L’énergie est toujours là. On y décèle aussi les influences free jazz du moment. En effet, à cette période, JLP, comme à son habitude lorsqu’il trouve un sujet digne d’intérêt, s’est totalement immergé dans cette musique : c’est ce Master Plan, instrumental d’une minute cinquante, hommage à Sanders (Pharaoh, pas Bernie), mais c’est aussi la voix du chanteur qui s’éloigne toujours plus de la ligne d’accords pour se faire plus hurlante, plus sur la corde raide, ou qui aborde le morceau sur une tonalité presque fausse, décalée. Kid Congo et le chanteur essaient en effet de transmettre l’émotion qu’ils ont ressentie en écoutant du free jazz dans des compositions rock. Loin de vouloir transposer ce type de jazz dans le rock and roll, le guitariste parle plutôt de transcrire le « feeling » free dans un langage que les auditeurs du Gun Club comprendraient. Puis, en plein milieu de la tournée européenne, Graham qui ne supporte plus les frasques et les errements de Pierce, quitte définitivement le groupe. Le reste de la bande décide de splitter. Morrison part rejoindre Eldritch et ses Sisters of Mercy, puis les Damned, le Kid va enrichir le line-up des Bad Seeds.
Amour et desespoir
Jeffrey Lee Pierce, resté à Londres, décide de se lancer en solo. Lors de l’ultime date de la tournée à Londres, il rencontre celle qui sera l’amour de sa vie, Romi Mori. Il trouve un certain équilibre, se pose quelques temps avec sa compagne. Ne desépérant donc pas encore, JLP pense a de mutliples projets solo, dont un album de « murder ballads ». Il embarque sa compagne à la guitare, recrute Nick Sanderson à la batterie et Dean Dennis à la basse pour l’enregistrement et la tournée qui suivra Wildweed, son premier album sous son nom. À l’écoute de ce très bon disque, on se rend compte à quel point le Gun Club est Jeffrey Lee Pierce, et Jeffrey Lee Pierce est le Gun Club. Le changement de line-up n’affecte que très peu le style. L’écriture, tendue, entre blues sépulcral et rock hanté reste la même. Les textes portés par cette assurance de transmettre des émotions universelles et d’évoquer des images puissantes trouvent invariablement leur inspiration dans cette culture américaine, de Burrough à Faulkner, celle de Morrison, dans les racines de la culture hispano-américaine et des grands espaces.
Fier de son nouveau line-up, il rappelle Kid Congo Powers à qui il propose de reprendre la guitare et de reformer le Gun Club avec Romi Mori à la basse. Ils partent enregistrer Mother Juno à Berlin, non loin des Bad Seeds et de Nick Cave qui mettent les dernières touches à Let Love In. L’album est très largement inspiré par la jeunesse du chanteur et du guitariste à L.A.. Le son se fait plus rock, plus brut. L’album doit avoir la même texture que les rues de la ville, les titres sont violents, déchirants, beaux, tristes et enjoués à la fois. (Quelques temps après sa sortie, un jeune français de dix sept ans tombe nez à nez avec cette étrange pochette. Assez laide à vrai dire. Mais il a entendu Wildweed et connait Kid Congo grâce aux Cramps. Alors il se dit qu’il a cinquante balles en poche et qu’il ferait mieux d’acheter cet album plutôt que d’aller boire des bières. Heureuse idée : il tombe amoureux de ce groupe et reconnait rapidement son influence sur les étoiles montantes du rock français, Noir Désir.)
C’est Robin Guthrie des Cocteau Twins qui produit l’album et joue sur quelques titres. Il donne une couleur bien particulière, très reconnaissable, aux guitares et à la caisse claire. Des titres comme The Breaking Hands, ballade déchirante où la guitare semble répondre au texte, sont beaux à pleurer. Le disque est d’ailleurs une collection de superbes compositions. Le chant de Jeffrey Lee Pierce n’a jamais été aussi clair et assuré que sur cet album.
C’est peut-être la meilleure période du musicien. Il se désintoxique, maigrit, assure d’excellents shows, totalement sobre. La presse salue l’album et redonne un peu de crédit au chanteur.
Sans aucun doute, tu m’as enterré
Mais rien ne dure jamais. Et Pierce retombe dans l’alcool et la dope. Sa santé décline et on lui diagnostique une cirrhose du foie à 29 ans. Il essaie les Alcooliques Anonymes. Sans succès. Ses relations avec sa compagne se dégradent. Le groupe fait une tournée au Japon avec Barry Adamson remplaçant Mori, malade. JLP s’immerge dans la culture japonaise, part au Vietnam pendant plusieurs mois. De retour à L.A., les choses ne s’arrangent pas.
Et pourtant, c’est certainement la période la plus prolifique pour le musicien. En 1990, The Gun Club sort Pastoral Hyde and Seek, produit par JLP. Les lignes de basse de Romi Mori deviennent des éléments encore plus présents dans la musique. Le chant de Pierce est cependant plus hésitant, la voix se casse un peu parfois, mais les compositions sont toujours aussi bonnes et son jeu de guitare, à force de pratique, s’est grandement amélioré.
Signé chez New Rose, le Gun Club enregistre Divinity en 1991, un L.P. sur lequel la musique se fait complainte. Les titres n’ont plus la sensualité vénéneuse des débuts. Et, en dépit des difficultés de Pierce pour chanter en rythme et alligner les textes lors de l’enregistrement, il y a toujours cette intensité des émotions qui transpire des morceaux, comme sur le magnifique Sorrow Knows. Divinity est en fait un album batard. S’il y a bien quatre titres inédits, la deuxième moitié du disque est composée de remix et de live.
La santé du chanteur décline et les séjours à l’hôpital se multiplient. Pour couronner le tout, Romi Mori le quitte pour Nick Sanderson. Il trouve cependant le temps d’enregistrer un album de reprises de standards de blues avec le guitariste Cypress Groove, Ramblin’ Jeffrey Lee.
Lucky Jim, le chant du cygne
1993. L’ultime album du Gun Club est enregistré à Amsterdam. Peut-être pour faciliter l’accès aux substances dont Pierce a besoin… Toujours est-il que ce Lucky Jim—titre d’après le roman de Kingsley Amis—va passer presque inaperçu. Les sessions sont difficiles, et JLP certainement anéanti par la relation qu’entretiennent désormais son batteur et sa bassiste est de plus en plus renfermé. Si le talent ou le génie peuvent se mesurer, c’est certainement lorsqu’un artiste arrive à produire un œuvre de la qualité de ce Lucky Jim en dépit de son état de santé. Oui, Lucky Jim, disque maudit, ignoré, qui sort dans une quasi clandestinité est un chant du cygne d’une beauté extraordinaire où le talent d’écriture de l’homme n’a jamais été aussi fort. Jamais les influences blues du musicien n’auront été aussi prégnantes que sur ce disque comme en témoigne le très beau Cry To Me. De retour à Londres, en 1994, il ne tarde pas à se faire expulser d’Angleterre après avoir brandi un katana dans un restaurant.
Les moments de lucidité se font plus rares. Il pense à faire un album avec Mark Lanegan, sortir un disque de hip-hop, entame sa biographie pour la maison d’édition d’Henry Rollins. Le Gun Club donne quelques concerts inégaux à L. A.. Diminué, bouffi, les yeux gonflés, il est diagnostiqué avec le VIH et une hépatite. Il part s’isoler chez son père en Utah pour écrire. C’est là qu’il meurt le 31 mars 1996, foudroyé par une hémorragie cérébrale.
Sur la corde raide
Tout n’est vraiment pas idyllique dans le monde de Jeffrey Lee. Non. Son amour du bourbon et de la dope, son égo démesuré et son caractère autoritaire, dirigiste associé à une certaine lacheté lui aliènent certains musiciens du groupe. Souvent, les concerts sont interrompus car le chanteur est ivre et se met à insulter le public… qui n’en redemande pas. Parfois les shows tournent au pugilat et, aujourd’hui encore, parmi les musiciens qui sont passés au sein du Gun Club, certains se demandent comment ils ont pu en sortir vivants. Les provocations du chanteur ne sont pas du goût de tous les publics. Ainsi, il peut un jour arriver sur une scène avec une bible sous le bras, une chaine dans l’autre main, et en frapper le livre saint posé sur la scène. Finalement, toujours dans la provocation, dès que le public pouvait commencer à l’apprécier, il trouvait quelque chose pour retourner l’audience contre lui.
Dès ses débuts, avant même d’initier le moindre groupe, il se construisait un personnage; au travers de son accoutrement, de son attitude « over the edge ». Il puisait dans les livres et dans la vie de ses modèles, des inspirations qui lui renvoyaient l’image idéale du poète maudit. Jeffrey Lee Pierce n’était pas tombé dans l’alcool et la dope. Il y avait plongé la tête la première, comme un des artefacts nécessaires à la construction de son personnage, une tenue à endosser pour accéder à ce statut de star et de légende. Il n’était pas addict par hasard, mais il le voulait car les idoles qu’il vénérait et auxquelles il s’identifiait étaient des junkies.
Premier croyant et adepte de son propre mythe, il ne reculait devant rien, peut-être assuré d’être une sorte de réincarnation d’Elvis, comme aiment à le croire ses anciens musiciens, Ward Dotson et Terry Graham. En 1983, Dotson quitte le groupe,et part former The Pontiac Brothers. Jeffrey Lee se fâchera aussi régulièrement avec Graham, pour arriver à une rupture définitive en 1984 qui durera jusqu’à sa mort, refusant même de le créditer sur le live semi-officiel Live In A Pandora Box.
HIV, cirrhose, addictions multiples, il n’a jamais laissé de repos à ce corps tellement déformé, bouffi. Rejeté d’un peu partout, il « a fini sa vie dans une Amérique qui voulait à peine de lui et qu’il a toujours chantée comme une terre sauvage[…]. Un pays de pierres tranchantes, de pauvres diables et d’animaux éventrés, un pays qui l’avait enfanté, lui et sa musique démoniaque, et vers lequel il ne pouvait que retourner : « Je suis revenu/après tant d’autoroutes et tant de larmes » chante-t-il sur Carry Home, le premier morceau écorché de Miami « écrira Laurent Rigoulet dans Télérama.
L’homme déchiré
Jeffrey Lee Pierce, comme Mark lanegan peut-être, était un acteur de l’ombre de la musique. Un rouage essentiel, inventeur, pilleur, passeur et catalyseur peu visible mais primordial, et à travers qui sont passés des musiciens, autour de qui se sont constitués des courants venus consolider la musique actuelle. S’il fallait construire un arbre, les ramifications autour de JLP, seraient nombreuses. On y trouverait entre autre les Cramps, les Bad Seeds ou encore les Damned, avec Kid Congo et Patricia Morrison. Un peu plus loin, Blondie et Chris Stein. Jeffrey Lee Pierce, c’est aussi cette influence marquée et durable sur Noir Désir, Mark Lanegan lui-même ou encore les White Stripes… Ces personnalités, Pierce comme Lanegan, fortes, clivantes, géniales et maudites, auto destructrices, créatrices, sont autant de bornes sur la route du rock, cachées par la végétation touffue que représentent les média « mainstream » qui n’ont jamais su les mettre en avant. Ainsi, Libération, déjà à côté de la plaque, avait raté la nécrologie de ce perdant magnifique, qualifiant le Gun Club d' »inqualifiable combo », le chant de Jeffrey Lee de « hurlements d’égarés »… En 2009, Cypress Groove ressort de vieilles maquettes et convoque ses amis et admirateurs pour des enregistrements hommages. On y retrouve des interprétations de ces titres par Nick Cave, Deborah Harry, Mark Lanegan, the Raveonettes, Dave Alvin, Kid Congo Powers, the Sadies, Lydia Lunch, and Isobel Campbell. De multiples versions de Ramblin’ Mind, sont enregistrées, dont une superbe par Nick Cave. Cet esprit déchiré, c’est celui de Jeffrey, rongé par l’alcool, la démence et certainement de multiples regrets, des amours à jamais perdus ou jamais vécus…
À sa mort, Blondie écrira Under The Gun, pour l’album Exit, Noir Désir Song for JLP sur 666.667 club. Il laisse derrière lui un héritage musical riche et l’image d’un incompris, torturé, parfois pathétique, touchant, énervant, mais qui avant tout voulait construire son propre mythe. La réalité, qu’il n’aimait pas tant que ça, l’a rattrappé et le mythe est devenu légende.
Sources :
http://bluesagain.com/p_portraits/jeffrey%20lee%20pierce.html
http://jeffreyleepierce.com/Site/Biography.html
https://www.telerama.fr/musique/le-gun-club-brule-encore,135466.php
http://sylviesimmons.com/jeffrey-lee-piece/
Notes de Kid Congo Powers sur la réédition vinyle de The Las Vegas Story
Merci pour cette biographie qui rend hommage à un grand artiste. J’aimais le Gun Club à 25 ans, je l’aime toujours autant 30 ans après, et les morceaux, tellement écoutés, me touchent toujours autant.
Merci pour cette lumineuse remise en forme d’un parcours si chaotique et si riche…. Quand on aime cette musique, on a besoin de savoir QUI fait « ça » et pourquoi ça vibre autant.? Mr Moonlight, vous apportez des réponses précises et et en même temps nuancées sur ce magnifique fantôme du rock.
Merci pour votre commentaire Alexis, ça fait vraiment plaisir à lire!
Merci merci, c’est toujours un grand plaisir de découvrir de nouveaux écrits sur le flamboyant Gun club et ce cher JLP. 25 ans après sa découverte, l’émotion est intacte quand je les réécoute.
Rarement lu un aussi beau papier sur le Gun Club et JLP. Merci;..
Merci à toi Mathieu d’avoir pris le temps de le lire et de faire ce commentaire qui fait réellement plaisir!
Je découvre aujourd’hui ce mangnifique hommage rendu à Jeffrey Lee pierce. Merci Mr Moonlight.
Influences assumées par JLP lui-même avec commentaires.
https://archive.org/details/all-my-favorite-songs-026-jeffrey-lee-pierce
https://images.8tracks.com/cover/i/001/967/114/Brad_Dunning_page-3003.jpg?rect=0,113,849,849&q=98&fm=jpg&fit=max
Merci Zak pour ce commentaire et ces liens!