Heartworms, un nom que nos lecteurs assidus ont pu découvrir déjà, il y a deux mois, dans notre rubrique clips de la semaine. Retributions Of An Awful Life était le deuxième single dévoilé de l’E.P A Comforting Notion qui sort ce 23 Mars sur le label Speedy Wunderground. Un titre, accompagné d’un très beau clip en noir et blanc, qui fut un deuxième coup de coeur immédiat pour cette artiste venue du Nord de Londres. Après avoir notamment séduit l’incontournable Windmill de Brixton, elle a aussi ébloui Dan Carey qui l’a signée sur son label. Un premier E.P à déguster sans modération.
Heartworms: de belles influences musicales
Autant le dire tout de suite: les deux influences majeures revendiquées par Josephine »Jojo » Orme (aka Heartworms) sont P.J Harvey et Interpol. Au jeu de quelques questions/réponses sur le site anglais de Fred Perry, elle s’en explique en adhérant au « partage des paroles de Paul Banks et notamment du titre Leif Erikson » (sur l’album Turn On The Bright Eyes en 2002, ndlr). Au dos de la pochette de l’E.P, Paul Banks fait partie des gens qu’elle remercie. Jojo Orme adore aussi P.J Harvey: « Elle a eu une influence énorme sur mon esthétique et ma confiance en tant que femme auteure-compositrice et est à l’origine de ce que je fais » confie t-elle aussi. Jojo Orme avoue ainsi que la chanson qu’elle aurait vraiment avoir écrite est Working For The Man de P.J Harvey.
Jojo Orme évoque aussi le Punk Gothique des années 80 avec Siouxsie And The Banshees et aime Bauhaus et The Clash. Ils ont tous influencé son style et sa musique. Le style vestimentaire militaire est lui-même aussi ancré dans cette période. Dans ses goûts éclectiques, Jojo Orme n’oublie pas le groupe allemand Kraftwerk et le titre Der Telefon Anruf, « la meilleure chanson à mettre à fond« . Mention spéciale aussi pour le groupe suisse Grauzone et son titre Eisbär (en 1981) dont l’extrait « je voudrais être un ours polaire dans le froid polaire » l’a aussi inspirée. Ajoutons enfin Cure et l’album Ponography , l’un de ses préférés et, peut-être plus surprenant, Chopin. Jojo Orme regrette d’ailleurs que peu de gens (jeunes?) l’écoutent aujourd’hui.
Impossible non plus de faire l’impasse sur les scènes londoniennes qui l’ont marquée et notamment celle du Windmill de Brixton: « Elle a son propre truc qui vous colle à la peau une fois que vous y êtes allés pour la première fois! C’est vraiment très spécial et cela inflience beaucoup de gens » raconte t-elle. Tiens, c’est là que traîne souvent Dan Carey, à la recherche de nouvelles pépites. Sur la video ci dessus, vous retrouverez notamment le morceau titre de l’E.P (à 4’31) et son premier singe What Can I Do (à 20’55). Après avoir signé sur le label Speedy Wunderground-dont elle rêvait-on retrouve Jojo Orme pour quelques vocaux sur le premier album de The Lounge Society, l’été dernier sur ce même label. Autre salle qui compte beaucoup pour elle, c’est The Shaclewell Arms dans l’Est londonien où elle s’est produite en Novembre 2021 et dont elle gardera un souvenir à jamais. Elle jouait alors en première partie de Lice. Très bon concert aussi à l’automne dernier (14 oct très précisément) au Sebright Arms, là encore dans l’Est londonien). Concert à déguster pour les fans!
Quand on l’interroge, enfin, sur les concerts qui l’ont beaucoup marquée, on se doute que-comme pour nous-cela doit être difficile de n’en citer qu’un! Pourtant Jojo Orme mentionne l’un d’entre eux, au Water Rats, à King Cross ( Londres, le 22 Oct dernier, ndlr). Encore une salle londonienne où l’on peut voir de bons concerts à moins de 10 livres. Pour cette soirée, la tête d’affiche était The Jacques (groupe qui a sorti un bon premier album, The Four Five Three en 2020). Mais en ouverture, jouait DAMEFRISØR : « J’ai été impressionnée par le concert de DAMEFRISØR, dont la performance était incomparable, puissante et en même temps rassurante » souligne t-elle. De quoi faire plaisir à votre serviteur qui vous a présenté le groupe et son bel E.P il y a quelques semaines. Un coup de coeur pour moi aussi!
Importance de la poésie et de l’esthétique…militaire
Si les influences musicales sont riches, la poésie occupe aussi une place importante chez l’artiste qui soigne aussi son look. Jojo Orme aime particulièrement Keats, Thomas et Pound. A propos de ceux-ci, voici ce qu’elle déclarait dans une itv au magazine anglais The Quietus, en Octobre dernier.
« La poésie de John Keats est très visuelle et elle a quelque chose de féerique qui me libère. C’est ce que j’aime dans son œuvre. C’est pourquoi j’aime avoir des qualités visuelles fortes dans mes textes. Je ne connais pas très bien son histoire, je suppose qu’Ezra Pound est un poète controversé, mais j’aime la façon dont il sonne. Chaque fois que je lis The Cantos, le célèbre poème qu’il a écrit et qui contient cinq langues différentes, je vais sur YouTube et je l’écoute le réciter. Il y a quelque chose d’étrange chez lui et dans sa voix. Il utilise également des mots et des structures de formulation très étranges. Enfin, j’adore tout ce qu’a écrit Dylan Thomas, certaines de ses œuvres me font pleurer« .
C’est aussi la sonorité de certains mots qui semble envoûter Jojo Orme. »Parfois, je lis un poème et je n’ai absolument aucune idée de ce qui s’y passe. Mais j’aime le sentiment qu’il évoque en moi. J’aime aussi chercher de nouveaux mots dans les poèmes ». On va retrouver ce goût pour certains mots et la façon dont ils sonnent dans ses chansons aujurd’hui. Nous y reviendrons avec le premier titre de l’E.P.
L’histoire militaire fait aussi partie de l’esthétique de Jojo Orme. Elle a même travaillé bénévolement et ponctuellement au musée de la R.A.F à Hendon, au Nord-Ouest de Londres. Elle raconte comment cet intérêt pour l’Histoire militaire lui est venu.
« Mon intérêt pour l’histoire militaire a commencé lorsque j’ai lu The Code Book de Simon Singh et que j’ai découvert l’histoire du décryptage de codes, comme Alan Turing et l’Enigma. J’ai ensuite regardé de nombreux documentaires et je suis tombée sur un film intitulé Spitfire [réalisé par David Fairhead et Anthony Palmer], qui m’a fait vibrer. Je suis immédiatement tombée amoureuse du Spitfire, et c’est à ce moment-là que l’aviation est entrée en jeu et que j’ai appris tout ce qu’il y avait à savoir sur les avions de la Seconde Guerre mondiale. Je suis allée à Fairford avec ma mère pour l’Air Tattoo, ou spectacle aérien, et c’était incroyable. » Jojo Orme collectionne ainsi différents objets de la seconde guerre mondiale, y compris des vêtements. Elle a surpris et fait le buzz, il y a quelques jours au dernier festival SXSW à Austin. Elle a sorti sa propre maquette du Spitfire Airfix. Quelques dizaines de vinyles ont été vendus avec la maquette de cet avion customisé Heartworms. Bon, je n’ai pu acquérir ce collector!
A Comforting Notion: un E.P hypnotique
Jojo Orme a commencé à jouer de la guitare à 14 ans et a écrit sa première chanson à 16 ans. Elle ressemblait beaucoup à du Jeff Buckley rappelle t-elle à The Quietus. Avant ce premier E.P, Heartworms n’avait sorti qu’un single fin 2020, What Can I Do-seulement dispo en version numérique- déjà bien carcatéristique de son style. « Les voix de cette chanson ont été enregistrées dans une armoire de la maison de mon ex petit ami » aime t-elle rappeler. Pour ce premier E.P, Jojo Orme a d’abord écrit ses textes à la guitare et aux synthés , s’accompagnant de rythmes de batterie programmés sur un MIDI. Le son très D.I.Y est au coeur du projet de Jojo Orme. Les morceaux ont été peu retravaillés dans le studio de Dan Carey.
Dès le premier titre, Consistent Dedication, on tombe sus le charme de la voix originale et du son, mélange gothique new wave qui fleure bon les 80’s. Un clin d’oeil aussi à William Burroughs. Aujourd’hui, c’est Jojo Orme elle même qui décrit sa musique comme « dystopique », terme repris dans plusieurs media. Elle n’aime pas que ses chansons soient trop « évidentes ». Il y a des mots qui sonnent mieux que d’autres comme « Man » et « Eyes » qu’elle aime particulièrement. On les retrouve de nombreuses fois dans le refrain de ce premier titre.
Retributions of An Awful Life est le second titre déjà présenté il y a quelques semaines sur notre site. On retrouve là l’influence musicale entre Interpol et Siouxsie. J’aime beaucoup le morceau titre, même s’il peut sembler le plus facile, sans que le terme ne soit péjoratif pour autant! Le dernier titre, 24 Hours, où elle évoque Radiohead, se veut un voyage à travers les conditions de malade de la vie d’adulte. Très bon titre. Je retrouve un petit côté Lily Fontaine de English Teacher -qui vient d’ailleurs de sortir un premier single chez Speedy Wunderground!
N’oublions pas non plus les musiciens qui accompagnent Jojo Orme. Marko Andic (guitare), Elisabeth Walsh(basse), Gian Luca De Gisi (batterie), et Simone Reca(synthés). En live, comme sur l’E.P, ils contribuent à faire de Heartworms un projet musical plus que prometteur!
Peu de dates prévues, pour le moment, hors du Royaume-Uni. Signalons le Festival London Calling d’Amsterdam le 19 Mai et celui de Dour, en Belgique, le 16 Juillet. A la frontière française, à 10 kms de Valenciennes, le Festival de Dour peut-être notamment une occasion de découvrir Heartworms ce Dimanche 16 Juillet 2023 avec Aphex Twin en clôture.