Christine and The Queens, qui vient de fêter ses 32 ans le 1er Juin, nous propose, en ce Printemps 2020 si atypique, son E.P La Vita Nuova sur le label Because: 6 titres pour une Renaissance autant personnelle qu’artistique puisque l’E.P est aussi accompagné d’une performance, video tournée à l’Opéra Garnier.
Paradoxalement, même si je m’intéresse à la musique d’Héloïse Letissier aka Christine and The Queens depuis ses débuts musicaux et son premier E.P/cd Miséricorde en 2011, et pas seulement car elle est nantaise, notre site weirdsound, créé fin 2015 n’a jamais encore chroniqué ses albums. Je reconnais que si j’avais été séduit par son premier L.P, Chaleur Humaine, en 2014 et avais acquis d’autres productions discographiques comme Intranquillité, double single, et aussi L’E.P, ST Claude, version vinyle américain, en 2015, j’étais resté sur ma faim lors de l’album Chris en 2018. Cet album avait été pourtant élu « album de l’année » par le grand quotidien anglais The Guardian et comportait quelques très bons titres comme La Marcheuse. Aujoud’hui, le nouvel E.P La Vita Nuova dont la version physique vient de paraître, après beaucoup de retard du au Covid, est une réconciliation avec la musique de Christine and The Queens.
La Vita Nuova pour sortir d’une période difficile
Depuis un an, Héloïse Letissier n’a pas été épargnée : il ne faut pas oublier qu’elle était déjà en Californie pour jouer au festival de Coachella, en Avril 2019, lorsqu’elle a du rentrer précipitamment pour le décès de sa mère qui était aussi sa plus grande fan, l’encourageant et croyant en elle depuis ses débuts: c’est elle qui, en 2011, vendait- 5 euros- les premiers cd de sa fille en salle des profs. Ce deuil et une histoire d’Amour compliquée , brièvement mentionnée dans une courte ITV sur RTL, l’ont profondément marquée: c’était vraiment une année qui m’a mise en danger, ajoutait-elle alors, même si elle avait livré un show fantastique au Festival de Glastonbury, fin Juin. J’avais besoin de raconter de façon très imagée un moment très difficile de ma vie, que j’avais besoin de jeter devant moi pour me libérer de quelque chose confessait-elle encore.
La semaine dernière, j’étais en voiture lorsque je tombais sur une autre brève ITV sur France Inter (in Le monde d’Elodie…Suigo, ndlr) où Christine and The Queens nous éclairait un peu plus: quand on a de grands chagrins, la musique devient une façon de pleurer. C’est d’ailleurs la première chanson composée pour cet E.P, People I’ve been sad, qui a déclenché tout le processus de création de La Vita Nuova (La Vie Nouvelle) et le début de la catharsis, confiait-elle à Elodie Suigo avant de poursuivre: La chanson a ouvert la porte sur une tristesse que j’avais du mal à formuler . Je ne m’autorisais pas vraiment à le faire.
La Vita Nuova, catharsis et Renaissance
Dès ce premier titre, People I’ve Been Sad, Héloïse Letissier revient sur son « adolescence contrariée » par… »une solitude folle » mais aussi par « des milliers de remords » alors qu’elle était « prise au piège de quelque chose de fort » dont elle ne pouvait alors sortir . Contrairement au confinement subi ces derniers mois, Héloïse avait alors choisi cet isolement, se trouvant même parfois montrueuse. Musicalement, le titre est superbe. Bien sûr, on retrouve les recettes de base, entre synthpop et électro pop, mais là, Christine and The Queens excelle: beats parfaits, basses vrombissantes des synthés(Michael Lovett aka NZCA Lines sur ce titre, ndlr) qui vous enveloppent et la voix sublime de Christine and The Queens, avec parfois un zeste de vocoder pour rappeller un peu Gone, le titre avec Charli XCX l’an dernier! N’oublions pas les cordes arrangées par Raven Bush, du groupe rock psyché Syd Arthur, pour être presque complet!
Ce premier titre, sans doute l’un des plus beaux écrits par Christine and The Queens, est suivi d’un autre petit bijou, Je disparais dans tes Bras, repris d’ailleurs en anglais en fin de disque. Le morceau, reflet d’un Amour compliqué, nous interroge sur un certain type d’égoïsme de l’autre qui prétend vous aimer pour…?Le refrain est addictif: « Pourras tu m’aimer…Hum ça j’en doute/ Quand tu n’prends que ce que tu veux de moi/ Quand tu n’aimes que ce que tu veux de moi/ Quand tu n’aimes qu’une partie de moi «
Mountains reflète tout autant la sensibilité exacerbée de Christine and The Queens liée à une relation difficile. « Dans des moments de grand chagrin, on a un raport brut au monde, on est presque en train de dire qu’on ne sait plus quoi dire et cette chanson c’est un peu ça » nous éclairait encore Christine and The Queens sur France Inter.Cette sensibilité ne laisse pas indifférent comme Christine and The Queens a pu nous le montrer déjà dans d’autres temps forts de sa carrière musicale: l’un des plus connus est cet hommage rendu à Christophe à travers la reprise des Paradis Perdus mais, personnellement j’adore le clip Jonathan, en 2015, avec Perfume Genius.
Dans Nada, Christine chante, cette fois, en espagnol, avant de chanter, en italien, sur le magnifique La Vita Nuova, chantée en duo avec la new-yorkaise Caroline Polachek. On peut tenir l’un des hits des Dance Floor de l’été 2020, et, de surcroît, un hit de qualité, ce qui n’est pas toujours le cas.On retrouve d’ailleurs aussi Caroline Polachek dans le film tourné à l’Opéra de de Paris.
Une performance… musicale et théatrale
Il faut absolument voir le film qui accompagne l’E.P et qui commence sur le toit de l’Opéra Garnier avec une version raccourcie de People, I’ve Been sad avec Félix Maritaud dans le rôle de La Faune. On se retrouve ensuite à l’intérieur de l’Opéra dans une chorégraphie éblouissante dirigée par Ryan Heffington et sous la direction de Colin Solal Cardo. Alternent alors les moments de grace, de danse y compris où l’on plonge au coeur de l’étreinte torride Christine/Caroline sans oublier, bien sûr, l’émotion toujours palpable; c’est d’ailleurs le constat principal que l’on peut faire: on est embarqué dans une véritable performance, un film très théatral qui laisse une part grande au côté physique, parfois presque animal, autant que musical.
La Vita Nuova apparaît bien ainsi comme une double performance musicale et artistique, traduisant une Renaissance pour Christine and The Queens. Le titre de l’E.p est là pour nous rappeler aussi l’emprunt à la première oeuvre, La Vita Nuova, du poète Dante à l’extrême fin du XIIIème siècle; une oeuvre alternant bonheur et souffrances, hymne à l’Amour glorieux mais aussi brisé. Florence, ville natale de Dante, fut le berceau de la Renaissance italienne: puisse le vinyle transparent rose être un dernier clin d’oeil à la double Renaissance de Christine and The Queens: elle n’est plus Chris, la petite canaille chemise au vent disait-elle aussi il y a quelques semaines sur RFI, elle se dévoile un peu, se libérant et voyant un peu plus la vie…en rose!
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