Le groupe Bärlin (à prononcer « Berline ») a dévoilé le 27 mars son dernier album, The Dust of Our Dreams. C’est à cette occasion que la rédaction weirdsound les a rencontrés, pour vous livrer une chronique éclairée. Nous vous recommandons chaudement l’écoute de l’album à la lecture de cet article, pour cerner la profondeur, la singularité et les émotions brutes de leur musique.
Bärlin, un trio lillois
D’abord, les introductions. Bärlin est un trio lillois, composé de Clément Barbier (chant et clarinette), Laurent Macaigne (basse et chœurs) et Simon Thomy (batterie et chœurs). Alors que Simon et Laurent avaient déjà formé plusieurs groupes ensemble, plutôt pop, ils ont créé Bärlin avec Clément, qui a d’abord été recruté pour le chant. Très rapidement, ils se sont mis d’accord sur un parti pris musical fort. Du rock, influencé par des artistes tels que Morphine ou Nick Cave et porté par ces trois instruments – et seulement trois : La clarinette, la basse et la batterie.
Prendre le temps, une conviction essentielle pour le groupe. De leur collaboration, est né un premier album Bärlin en 2012, puis un second album en 2015 Emerald Sky. Il aura donc fallu cinq années avant de sortir ce nouvel opus, The Dust of Our Dreams, qui sera d’ailleurs suivi d’un second volet dans l’année. Ce premier volet est décrit comme plus accessible, plus atmosphérique que le second, résolument plus incisif et plus rock. Il est aisé de comprendre que le groupe n’a pas une conception linéaire de la production ; certains morceaux datent de 2015 comme d’autres sont plus récents.
The Dust of our Dreams, un album à l’émotion brute
Chaque titre dégage une émotion brute et poétique. Même si leur marque de fabrique reste inchangée, les années, leur vécu et leur parcours ont façonné la création de cet album. Clément nous explique davantage.
Immergeons-nous donc sans plus attendre dans l’écoute de cet album. Nous sommes cueillis par ces trois instruments, dès le long morceau inaugural de dix minutes : Pagan Rituals. Installer une atmosphère sombre et mystérieuse. Discerner un écho lointain. Faire résonner avec la clarinette dès la première minute. Et amplifier le tout avec la batterie et la basse après deux minutes. Un rythme lancinant, interrompu par la voix rauque et marquée de Clément, qui décuple la poésie du morceau. Le morceau s’intensifie et s’accélère avec les chœurs et le mégaphone pour un final en beauté. Et nous nous interrogeons alors, est-ce que cette longueur de morceau est voulue ? Est-ce une marque de fabrique du groupe ? Laurent nous répond de manière très directe, et Simon abonde.
Bärlin bouscule son auditoire
Cette honnêteté et ce refus d’appliquer une convention à leurs titres est une vraie brique de l’identité du groupe. Ils ont choisi cette liberté totale afin de pouvoir livrer des morceaux qui bousculent, se détachent des codes et conventions, et interpellent. Bousculée, je l’ai été, par le morceau suivant : The Dust of Our Dreams. Mon coup de cœur d’entre tous, celui qui m’a donné envie d’écouter le groupe. Si vous avez déjà lu mes chroniques précédentes, vous savez peut-être que mes goûts musicaux peuvent être éclectiques. Mais les albums qui me marquent le plus sont ceux qui ne se laissent pas aimer dès la première écoute. Ceux qu’il faut « digérer ». Qui interrogent et laissent une marque indélébile. Et c’est tout à fait ce que j’ai ressenti pour le groupe Bärlin.
Un album témoin de l’harmonie parfaite du groupe
Revenons à The Dust of Our Dreams. La basse donne le ton d’entrée de jeu, suivie par le chant de Clément et la batterie. Une harmonie parfaite du trio, un équilibre des instruments. En français « la poussière de nos rêves » et c’est peu dire que ce morceau appelle à l’imaginaire. Nous sommes transportés dans un rêve, baigné par la basse et l’émotion du chœur qui entonne « All love is lost / My heart is full of sorrow« . Ici, l’amertume de l’amour perdu et le ravage du chagrin inconsolable. Que vous ayez déjà eu le cœur brisé ou non, que vous parliez anglais ou non, l’émotion est palpable et vous enveloppe. Le morceau finit en instrumental, les coups finaux sont portés par la batterie à laquelle la basse répond doucement. Le résultat est sublime.
La réussite de Bärlin réside dans ce mélange savant d’intuitions et de travail acharné, que Laurent et Simon résument bien tour à tour:
L’importance accordée aux sonorités
S’ouvre ensuite The Feast, plus langoureux, qui laisse la part belle à la clarinette. La basse et la batterie semblent lui répondre, viennent s’amuser avec les partitions. Le chant s’étire, les paroles résonnent sans être intelligibles. Je m’autorise à ce stade une digression, car c’est aussi le cas du morceau de clôture Opium Fields. Le second morceau le plus long, six minutes trente. Une belle introduction instrumentale, lumineuse, presque frivole tant la clarinette étire les aigus. Brutalement arrêtée par le chant au mégaphone. Lui-même adouci par les chœurs, qui entonnent une sublime prose, dont les paroles nous échappent à nouveau. Le sens importe peu, l’émotion demeure entière. Pourquoi ce choix assez drastique, de véhiculer le sens par les sons plutôt que par les mots ? Pourquoi préférer le français à l’anglais ? Clément nous éclaire :
Les morceaux se muent en de multiples compositions, qui se métamorphosent au gré du rythme, opèrent des virages drastiques. La voici cette honnêteté revendiquée par le groupe. Elle ne saurait exister sans l’harmonie du trio, qui est palpable (même en conférence téléphonique !). Simon nous réserve une métaphore pour l’illustrer:
Un rythme lancinant, proche de la transe
Le titre Glasshouses ne fait pas exception. L’entrée en matière est chantée par Clément « I know we’ve left the lives we had », lamentation d’ailleurs répétée pendant le titre. La batterie, la basse et la clarinette à l’unisson répètent leur rythme, de manière cyclique, d’où l’évocation de l’état de transe de certains auditeurs du groupe. Alors que le morceau semble se terminer autour des quatre minutes, la basse poursuit son cours, avec un effet de distance, lointain. Elle étend sa course, comme une magnifique palette de couleurs qui rougeoient à l’horizon.
Si l’harmonie de Bärlin repose sur cet équilibre entre les instruments et chacun des membres, le travail à la basse est d’autant plus marquant que peu de groupes font ce choix d’écarter totalement la guitare. D’où la profondeur et la densité des morceaux, parfaitement illustrées dans le single Black Heart. Le chagrin d’amour y est de nouveau évoqué. Mais, cette fois-ci, c’est la colère qui semble s’y exprimer.
Cette chronique s’achève avec Emerald Sky, dont le titre a servi pour l’album précédent. L’occasion de revenir sur leur process de création:
Bärlin, un groupe à suivre
En résumé, un album maîtrisé de bout en bout, mené par un trio d’artistes accompli. Mélancolique mais avec une énergie profonde et intense qui ne laisse pas indifférent. Je vous mets d’ailleurs au défi d’écouter l’album et de rester indifférent. Impossible. Bärlin devait se produire fin mai aux Petits Bains à Paris pour la sortie de l’album, mais également se produire en Suisse, Pologne, au Portugal entre autres. Nous ne pouvons que leur souhaiter de nouvelles dates, d’aller à la rencontre de leur public et d’en conquérir un nouveau, dont je fais partie.
Mes 3 morceaux préférés: The Dust of Our Dreams / Opium Fields / Glasshouses
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