En Février 2017, j’avais déjà consacré un article à Cali, après 2 sets où Cali jouait, en acoustique et dans le décor de sa chambre d’adolescent, des titres qui retraçaient une partie de sa vie et qu’il affectionnait: « L’affiche rouge » de Ferré/Aragon était présente dans son répertoire et ce n’était un mystère pour personne que Cali vénérait Ferré.
Déjà en 2013, Cali livre son respect/amour de Léo Ferré qui l’a souvent inspiré..Richard, Thank you Satan, et parle aussi de Mathieu Ferré…
C’était tout de même un sacré défi , lancé par Cali, que beaucoup ont du trouver très audacieux voire iconoclaste, de chanter Ferré à travers un album de 14 titres qui va paraître le 5 Octobre 2018. L’artiste en convient d’ailleurs lui même en déclarant qu’il se trouvait « face à la montagne, au pied de l’Everest » tant l’objectif pouvait paraître insurmontable! Mais Cali essaie d’analyser cette folie à l’éclairage même de son enfance/adolescence: « J’ai choisi un chemin….j’ai choisi des chansons entendues sur le tourne disques de mon Papa. Je n’étais qu’un enfant, je ne comprenais pas tout, non, mais je devinais déjà..C’était fou..comme le mot Liberté« . c’est sans doute le mot clé, trait d’union entre les deux artistes, qui l’a poussé vers cette expérience si originale et osée. Puis Cali nous en dit davantage: » j’ai choisi des chansons, celles qui m’ont aidé à traverser l’adolescence pétillante , devenir un homme, être un homme » avant d’ajouter » Je mesure la chance de chanter ses mots, ces trésors ».
L’album a été enregistré à Paris, au studio Pigalle, lieu chargé de souvenirs et d’émotions, car c’est là que Léo Ferré y enregistrait ses premiers 78 tours, là, où, en 1950, il a chanté « Le flamenco de Paris », un des titres repris par Cali. Dans ce studio, où il a enregistré pendant 5 jours sous la houlette du « talentueux » Felix Remy, Cali fut aussi très bien entouré: Mathieu Ferré, le fils de Léo qui, alors qu’il a 3 ans, apparaît sur la pochette de l’album de Ferré, « L’espoir » paru en Janvier 1974 et dernier album chez Barclay alors que Ferré va s’installer en Toscane. (« L’espoir » est aussi le titre d’un très bel album de Cali, en 2008, en hommage à cet album et à ce titre de Ferré!).
Mathieu Ferré l’a « conseillé, documenté, encouragé ». Cali se retrouve aussi avec Marie-Christine, la femme de Léo Ferré, et Marie-Cécile, une des 2 soeurs de Mathieu… »Elles sont venues me tenir la main alors que j’interprétais des chansons que Léo avaient été écrites pour elles. J’ai vécu l’ultime émotion de les chanter devant elles ».
L’album « Cali chante Ferré » montre une grande sobriété musicale sur laquelle Cali nous fournit, là aussi, quelques explications: « L’idée était de créer une sorte de laboratoire musical..J’avais en vue de rendre plus accessibles des chansons de Léo avec des arrngements nouveaux qui permettraient de mettre en valeur les mélodies et la poésie sublime du maître ». On trouve ainsi Steve Nieve au piano, déjà croisé avec Cali et lui même grand fan de Ferré; Steve Nieve fut pendant 20 ans, le pianiste d’Elvis Costello et a aussi collaboré avec (excusez du peu!) Bowie, Lou Reed, Sting, Mick Jagger, Bono ou notre français qui célèbre cette année ses 50 ans de carrière avec un nouvel album, Alain Chamfort. A la guitare, « jeune musicien génial et touche à tout » selon Cali, François Poggio, croisé aussi avec Daho ou Lou Doillon.
Cali, avec Steve Nieve, reprend Ferré/Aragon à Bruxelles en 2012.
Que dire de ma perception de l’album?….Que c’est une vraie réussite, même si l’on pouvait craindre une telle audace.
Le type de phrasé de Cali et sa sensibilité à fleur de peau s’adaptent parfaitement aux 14 titres/textes de Ferré. Certains titres, souvent épurés, sont magnifiquement interprétés comme « L’Enfance », « la mélancolie », « Les Anarchistes », « Thank you Satan » ou « La mémoire et la mer »: le piano de Steve Nieve les sublime aussi! « Le flamenco de Paris » est peut-être mon titre préféré.
« C’est extra », le titre le plus sensuel de 1969 ouvre l’album de Cali
Il y aura bien quelques esprits chagrins pour dire que Cali a gâché, voire trahi, Ferré! Qu’importe, l’hommage est là et réussi…La femme et les enfants de Léo Ferré ne se seraient pas prêtés à cautionner une interprétation médiocre de Cali. Le 14ème titre « L’amour dans l’escalier » est aussi un « cadeau ultime » (sic Cali) de Mathieu Ferré puisqu’il a accepté de lire un poème , peu connu, de son père, sur une improvisation magnifique de Steve Nieve et François Poggio.
Cali peut, pour fêter ses 50 ans, être fier d’un double retour gagnant cette année: un livre en début d’année ( » seuls les enfants savent aimer ») où il livre avec émotion et pudeur ses souvenirs de petite enfance et un album où reprendre Ferré pouvait s’avérer être un pari risqué.
Juste après la sortie de l’album (le 5 Octobre) , Cali entreprendra une tournée pour chanter Ferré, tournée qui démarre par Nantes (salle paul Fort) le 4 Octobre 2018.