Danny Goffey, batteur du groupe Supergrass, revient avec un nouvel album, Schtik. Un album assumé et mature, qui révèle une nouvelle facette de l’artiste. A travers des sujets délicats et complexes, et en y amenant une pointe d’ironie typiquement anglaise, Danny Goffey nous livre un très bel album, qui pourra vous accompagner tout l’été (et au delà!). Weirdsound a eu la chance de pouvoir l’interviewer durant son dernier passage à Paris : rencontre avec ce personnage haut en couleur!
Weirdsound: Après avoir longtemps composé sous le nom de Van Goffey, quel effet ça fait de sortir un album sous son vrai nom ?
Danny Goffey: Ça n’a pas changé grand-chose en réalité, et je n’ai jamais vraiment aimé mon nom et je pense que je dois faire avec. J’aurai aimé m’appeler autrement, un nom qui claque un peu plus ! mais je pense que c’est plus simple pour les gens de me connaitre sous mon vrai nom, c’est important que je montre qui je suis. Après tout la plupart des artistes composent sous leur vrai nom donc pourquoi pas moi.
W: Ton nouvel album Shtik est finalement assez sérieux, tu sembles préoccupé par des sujets plus profonds que sur ton précédent opus, est ce que cet album t’aides a mieux en parler ?
D.G.: Oui complètement, mon dernier album parlait beaucoup de moi et de ma situation de vie, les choix que j’ai pu faire, ce pourquoi je me battais, un genre de mise au point… Il y a des choses qui m’ont toujours occupé l’esprit. La religion par exemple, est quelque chose de tellement imposant et complexe! D’autant plus de nos jours. Le fait que des parents font des enfants en leur inculquant une foi qu’ils ne comprennent pas, et plus tard les croyances se confrontent et donnent lieu a des massacres, et pourtant, je me dis qu’on a tellement appris en si peu de temps… donc pourquoi suivre encore cette voie? [celle de la religion]. Pourtant je sais que la religion peut aussi donner de l’espoir et c’est sans doute ce qu’elle fait de mieux.
W: Tu vivais prêt d’Oxford, est ce que ta chanson buzzkiller raconte ce que tu ressens par rapport à ta vie là-bas ?
D.G.: En fait je vivais plus près de Bath, mais j’ai grandis à Oxford. Buzzkiller c’est surtout l’histoire de mon frère et moi qui nous faisions casser la gueule dans les rues de la ville. Et c’est fou de se rendre compte a quel point un évènement comme celui-ci peut dramatiquement changer la vie d’une personne. Ça peut partir de rien, c’est quelque chose d’au final assez banal mais ça peut détruire une vie.
Ça me rappel un documentaire que j’avais vu, une jeune femme avait regardé par hasard un groupe de rockeur gothiques avec des piercings et des tatouages partout. Le groupe en question n’a pas aimé le fait qu’elle les « regarde » et ils l’ont tabassé à mort. C’est dingue que d’une situation si vide de sens on en arrive à de tels drames. Ça me déçoit terriblement. Mais parfois ça vous donne une idée et ça vous pousse à écrire dessus.
W: Est-ce qu’avec certaines de tes chansons tu essayes d’abolir, d’une certaine manière, la violence présente dans ces quartiers ?
D.G.: Ça serait génial, mais je pense que ça ne va rien résoudre. C’est plus une description de cette fatalité, de ce que je ressens face à tout ça et de pouvoir dire à quel point c’est horrible de battre quelqu’un a mort juste parce qu’il nous a mal regardé. On détruit des vies si facilement pour des choses si bêtes.
W: Ton titre ancient text parle beaucoup de religion et de ce qui l’entoure, quel est le message au-delà de la chanson ?
D.G.: En fait ça parle plus de la destruction et des gens qui perdent la vie pour leur religion. Il y a eu un moment l’année dernière ou on parlait constamment de tout ça aux infos, de tout ce qui se passait en Birmanie avec les rohingyas et aux alentours, des gens qui s’entretuent au nom d’un dieu et qui ne font que blesser ceux qui ne partagent pas leurs croyances… Je pense que les gens se cachent derrière leur religion et tentent de justifier ces horreurs au nom d’un dieu qui n’existe pas. Je ne crois pas en Dieu, je suis plus un humaniste, je crois et je veux continuer de croire en l’Homme. C’est un sujet tellement vaste, peut être que si on privait les gens de leurs dieux ça mènerait à une anarchie, donc d’une certaine manière la croyance religieuse maintient une cohésion dans le monde malgré tous ces drames.
W: Ton clip « sick hollydays » est vraiment marrant, c’est presque impossible de s’empêcher de rire, surtout quand vous perdez Jeff en pleine ville ! Tu pourrais nous parler un peu de comment c est déroulé le tournage et de l’histoire du clip ?
D.G.: Au début on avait interviewé des acteurs pour jouer dedans, et devant la réalité du projet ils nous demandaient « vous voulez que je sois ivre ? ». C’était un drôle de moment pour ma carrière d’acteur… Et du coup on donnait chaque jour à trois types une centaine de livres (sterling) pour qu’ils aillent faire n’importe quoi dans Palma. Moi et deux autres personnes on filmait tout ce qui se passait avec nos téléphones et des toutes petites caméras. On voulait être le plus discret possible pour ne pas attirer l’attention. C’était comme une expérience, un peu glauque certes, mais on voyait ce qu’il se passait quand on donnait une somme d’argent à des gens qui n’ont rien à voir entre eux pour aller picoler.
Et le son collait parfaitement avec l’ambiance : voir un aspect de la culture anglaise, qui tourne en grand partie autour de la picole, dans un contexte décalé, et de faire n’importe quoi. Une fois qu’on a eu l’idée de base on s’est dit qu’il fallait absolument le faire parce qu’on était convaincu que le rendu serait génial même si c’était totalement irraisonnable. C’était tordant à tourner tout ça, ça m’a pris 4 jours pour me remettre complétement de ce voyage ! je me suis même fait tatouer le nom de ma femme sur le doigt, elle s’appelle Pearl sauf que le « l » s’est effacé, du coup sur mon doigt près de mon alliance il y a écrit Pear (une poire) !
W: La vidéo semble importante à tes yeux pour illustrer tes chansons ?
D.G.: Oui surtout quand je peux le tourner moi-même ou du moins imposé mon style et ce que je veux dedans. Une fois j’ai laissé des gens faire mon clip pour une de mes anciennes chansons et ça ne m’a pas plu. Je pense qu’il faut avoir une vraie idée, un projet bien construit qui tient la route et faire en sorte que ça se fasse pour que le rendu final soit celui que j’attendais. Surtout si tu as une chanson avec des paroles fortes ou une histoire à raconter, et que ces paroles peuvent être appuyées par une vidéo qui donnera un impact à ton son, il faut tourner quelque chose. Ce n’est pas obligé mais personnellement j’adore.
W: Ton frère Nick est une vraie pointure dans ce domaine, il a réalisé de nombreux clips notamment pout Supergrass ou encore The Chemical Brothers, aimerais tu travailler avec lui pour une prochaine vidéo ?
D.G.: Oui évidement j’adorerai travailler avec lui à nouveau. Il a fait plusieurs de mes clips, et je pense surtout à ancient text pour lequel on est allé en inde avec l’équipe. C’est une vidéo très simple mais ça nous a permis de découvrir le pays d’aller de ville en ville et de filmer des endroits qu’on ne verrait jamais ailleurs. Mon frère est très bon dans ce qu’il fait, il arrive toujours à me bluffer et ça serait super de refaire quelque chose ensemble. Et puis il y a cette ambiance particulière avec lui, ça fonctionne bien et on arrive à faire ce qui nous plait.
W: La pochette de l’album est vraiment belle à regarder, avec ce coté destroy et vandalisée…
D.G.: C’est le travail d’un artiste très connu qui s’appelle Jonathan Yeo, et c’est un très bon ami surtout. Et un soir où on était complétement bourré il me parlait de son boulot dans lequel il travaille sur la réalité virtuelle. Ils prennent d’abord une image qu’ils modélisent virtuellement et on peut la modifier à notre guise, on peut peindre dessus, la déformer dans tel ou tel sens… Et là je me suis dit « merde ! Est-ce que tu ne ferais pas ma pochette d’album ?! » et il a répondu encore plus ivre que moi « ouais carrément ! ». Et à peine quelques jours plus tard il m’envoie un message en disant « on commence quand ? ». Et donc on a pris une photo de moi sous plusieurs angles avec plusieurs caméras et on a tout modélisé en 3D pour avoir ce rendu. Il a ensuite utilisé sa technique numérique pour ajouter des symboles, de la peinture… Et tout ce travail m’a fait réaliser que j’étais en fait une relique futuriste du passé.
W: Sur ce nouvel album tu invites Brett Anderson, le chanteur du groupe Suede, comment s’est fait la collaboration ?
D.G.: Il ne vivait pas loin de chez moi du coup je lui ai passé un coup de téléphone pour qu’il chante des voix de fonds dans Ancient Text. C’était très sympa il est venu on a bu une tasse de thé et on s’y est mis. Il une sorte de voix très instinctive qui se mariait parfaitement avec ce que j’attendais.
W: Tu es un artiste très rock’n’roll, on le reconnait à tes chansons, mais est ce que ça te plairait d’essayer autre chose ?
D.G.: Je pense que je préfère appeler mon style disco punk ; c’est à la fois dansant mais en même temps assez punk avec un coté qui balance. Mais pourquoi pas le rap, ça me ferait rire de m’y mettre et de pouvoir faire des trucs du genre « yo yo yo ! bienvenu dans mon monde ! » et j’utiliserai un nouveau pseudonyme comme DJ Baggy Trousers. (rires)
W: Tu as fait partie d’un groupe qui est une référence en matière de musique anglaise. Quel regard as-tu aujourd’hui sur la musique, et qu’est-ce que tu écoutes ces temps-ci ?
D.G.: Je n’écoute pas beaucoup de musique en réalité, c’est étrange. Mais il y a deux trois groupes que j’aime bien dont un qui vient de Cardiff et qui s’appelle Junior Bill, ils sont très old school ils essayent de retrouver un genre de musique qui se perd un peu. Mais à part ça je n’écoute pas grand-chose je préfère lire ou écrire ça occupe mieux l’esprit. J’aime la musique, j’aime la composer mais je ne l’écoute pas plus que ça.
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