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« Somebody’s Knocking » : et c’est Mark Lanegan

« Somebody’s Knocking » : et c’est Mark Lanegan

I felt its sound/down to my darkest, deepest root

J’avais la sensation de plonger dans mes racines les plus noires et profondes

Mark Lanegan, Two Bells Ringin At Once

À quoi reconnaît-on un musicien ou un groupe culte ? Un artiste « maudit » ? Talentueux mais pas reconnu à sa juste valeur ? Est-ce cette capacité à passer sous les radars de la critique et du public mainstream tout en marquant de manière indélébile la musique de son époque ? Si c’est cela qu’il faut retenir comme définition, alors, oui, Mark Lanegan est un artiste culte et maudit.  De l’époque grunge à Seattle avec les Screaming Trees, à Queens Of The Stone Age, oui, il a indubitablement marqué la musique sans jamais occuper le devant de la scène. Et sa capacité à durer et se renouveler en fait certainement aussi un artiste culte. Au même titre que certains de ceux qui l’ont le plus influencé : Jeffrey Lee Pierce et son Gun Club pour le côté culte et maudit, Joy Division, New Order, pour l’aspect déterminant dans l’histoire de la musique, pour ne citer qu’eux.

Ma première rencontre musicale avec Mark Lanegan a coïncidé avec la découverte de cette reprise du magnifique Carry Home du Gun Club. Le dépouillement de cette interprétation et la voix rocailleuse du chanteur m’avait bouleversé. Et puis au détour d’un bac de disques, j’avais trouvé Bubblegum, album que beaucoup d’artistes citent aujourd’hui comme référence incontournable (Against Me par exemple). Les multiples vies musicales de Lanegan lui ont donné l’occasion de toucher au rock, à l’électro, à la folk… Seul, en duo ou en collectif, comme avec le Lanegan Band sur cet album qui est sorti le 18 octobre.

Carry Home reprise du Gun Club qui ouvre le très beau I’ll Take Care Of You, magnifique homage à des artistes qui ont marqué le chanteur

Il y a 25 ans, lorsqu’il officiait avec les Screaming Trees, gavé de drogue comme son pote Kurt Cobain, il se posait cet utlimatum :

If I was going to die, I wanted to make one great record.

Si je devais mourir, je voulais faire un grand album.

https://www.gigwise.com/features/3354339/mark-lanegan-interview-about-new-album-somebodys-knocking

Est-ce mieux de marquer et de disparaitre, mieux de brûler et de ne pas rouiller, ou de durer en devenant incontournable à force d’être présent? Somebody’s Knocking semble plutôt constituer la suite logique de l’œuvre de l’homme. Si Blues Funeral avec le ML Band rappelait l’époque où Lanegan co-construisait avec Josh Homme le son QOTSA, Somebody’s Knocking plonge plus profondément au cœur des racines musicales du bonhomme. Scraps At Midnight avait déjà largement révélé le goût du musicien pour le  Gun Club avec ce son et ces guitares claires que n’aurait pas reniées Kid Congo. Mais ce dernier album ressemble littéralement à une plongée dans son passé musical, marquant peut-être encore plus le ressurgissement de ces années 80 dans l’écriture de l’artiste.

Most of my songs are about me [laughs]. And no one would probably ever get it with me but it’s the story of… it’s one version of the story of my existence.

La plupart de mes chansons sont à propos de moi [rires]. Et probablement personne ne le devinerait, mais c’est l’histoire de… c’est une version de l’histoire de mon existance.

https://www.gigwise.com/features/3354339/mark-lanegan-interview-about-new-album-somebodys-knocking

Dans une interview (podcast avec Joseph Arthur), l’artiste parlait de son rapport aux fans et à ce que sa musique leur apportait. Il prenait conscience que celle-ci avait le même effet cathartique sur eux que les musiques qu’il écoutait avait sur lui. On pourrait donc penser qu’inconsciemment, il retourne chercher dans ses influences ce qui l’a bouleversé dans sa jeunesse. D’autant plus qu’il a récemment écrit un livre de mémoires, lequel lui a permis de replonger dans 25 ans de « merdes » (dixit Mark Lanegan lui-même, toujours prêt à se dénigrer).

That’s where my heart is, since I was a little kid I have been listening to Kraftwerk.

C’est là qu’est mon cœur, j’écoute Kraftwerk depuis mon plus jeune âge.

https://www.gigwise.com/features/3354339/mark-lanegan-interview-about-new-album-somebodys-knocking

Ces influences sont assez sensibles tout au long de l’album. Playing Nero a ce petit quelque chose de Joy Division période Atmosphere, ou encore la basse de Radio Silence qui sonne un peu Warsaw… Et Penthouse High avec sa basse, toujours très Peter Hook, qui nous rapproche des premiers New Order. Dark Disco Jag sonne comme un morceau cold wave avec ses guitares chorussées, noyées dans la reverb et sa boîte à rythme très 80. On pourrait encore rapprocher le son de Name And Number de certains Sisters Of Mercy…  Il se dégage une réelle homogénéité des quatorze titres . La voix et le timbre de l’homme y sont pour quelque chose. Mais la production, assez dépouillée au son brut, très low-fi, apporte aussi sa contribution à ce sentiment. Et pourtant, les morceaux ont été écrits avec différents collaborateurs. Rob Marshall, (Humanist)  complice du précédent Gargoyle, est un des artistes qui a peut-être le plus apporté sa touche à ce Somebody’s Knocking. Son admiration pour Martin Hannett (producteur historique de Joy Division et New Order) est certainement un des éléments qui explique la couleur de cette production. Alain Johannes (QOTSA, P. J. Harvey, Arctic Monkeys…),  rencontré à l’époque des QOTSA, producteur et complice depuis Bubblegum (2004), signe aussi des titres avec Mark Lanegan. D’ailleurs, le titre Penthouse High a été écrit à l’époque de Gargoyle. Ne cadrant pas avec les autres morceaux de l’album, il se retrouve donc sur celui-ci, où il a toute sa place.  Martin Jenkins, issu de la scène electronica anglaise qui a permis la rencontre avec Not Waving pour un album expérimental (Not Waving  & Dark Mark, Downwelling), vient aussi poser sa patte sur certains titres. Cette exploration du genre n’est pas nouvelle, l’artiste s’étant toujours revendiqué comme un fan des groupes qui ont fusionné pop et électro (Depeche Mode, New Order…). Pour l’anecdote, on trouve aux chœurs et à la guitare sur Letter Never Sent, Greg Dulli le complice des Gutter Twins exfiltré des Afghan Whigs.

Peter Hook? I have thought about it but haven’t got around to actually making it happen. He’s one of the all time greats, one of my heroes,

https://www.gigwise.com/features/109838/mark-lanegan-and-rob-marshall-discuss-new-album-gargoyle

La musique de l’homme, tout comme lui, est un assemblage bancal et abîmé, qui sonne parfois hésitante, comme si l’artiste n’était pas réellement sur de l’effet qu’il allait produire. Sa musique est une chose précaire, étrange, image du monde dans lequel nous vivons. Et Somebody’s Knocking offre sans doute une des vue les plus sincères sur la musique et production de Mark Lanegan. Un album à ranger parmi ses meilleurs.

Mark Lanegan Band-Somebody's Konocking
Mark Lanegan Band-Somebody’s Knocking et le heurtoir de la porte de l’artiste en couverture

Liens :

http://heavenlyrecordings.com/release/somebodys-knocking/

https://www.marklanegan.com/

En concert le 8 décembre au Trianon

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