Mogwaï nous a fait le plaisir le 19 février dernier de sortir son 10ème album studio au doux nom de As The Love Continues. Un album que nous avons eu l’honneur d’écouter en long, en large et en travers à la rédaction de Weirdsound… nous vous faisons donc un premier écho de nos ressentis en vous laissant la possibilité de lancer l’écoute simultanée de l’album pour mieux vous imprégner de l’univers si particulier et unique des originaires de Glasgow.
Molo sur les clichés écossais
Car j’entends déjà les p’tits rigolos au fond s’appesantir sur les clichés écossais… c’est bien trop facile, bandes de p’tits malins. Alors on va mettre les choses au point tout de suite, pour éviter des commentaires acerbes de « haters » sur les réseaux sociaux suite à la parution de l’article…
- Primo, Nessy existe… le doute n’est même pas concevable et je ne tolérerais aucun commentaire de discussion sur le sujet… consommation de whisky préalable ou non.
- Secundo, chaque écossais ne porte pas un kilt (sauf dans son intimité)… et le mystère du « en dessous du kilt », ça relève de l’intimité, ce n’est ni le lieu ni l’endroit pour évoquer le sujet.
- Tertio, l’accent écossais est catastrophique, on n’y comprend pas grand chose, mais, comme à l’accoutumé, Mogwaï privilégie l’instrumental dans ses créations post-rock… donc ce n’est pas non plus un sujet.
- Quatro… les Ecossais peuvent manger après minuit et n’ont donc rien à voir le Mogwaï des Gremlins.
On a fait le tour des idioties… parlons musique maintenant.
Mogwaï, en quelques lignes
Référence du post-rock, écossais de souche (le peuple des Highlands est un peuple rude… rappelez-vous Mel Gibson dans Braveheart, faut pas trop le faire chier), Ex-leader des concerts à plus de 120dbs, le shoegazing est leur quotidien. Les pédales d’effets des guitaristes se comptent en mètre linéaire, les murs d’enceintes se calculent en stère de bois (je rappelle que ce sont des écossais… oui ok j’abuse finalement un peu trop des clichés…) et la batterie martèle tel un véritable métronome. Le tout est accompagné d’un clavier qui rend les morceaux plus atmosphériques, plus vibrants. Du rock lourd, gras mais avec le souci d’une mélodie limpide et pointilleuse. Rien n’est laissé au hasard, il y a du boulot, de l’écoute et ça leur arrive même de pousser la chansonnette. Bref, en concert comme en studio, depuis 26 ans maintenant, on est face à de vrais professionnels, et on les aime.
Leur génie réside dans cette capacité à créer ses petites séquences musicales pointues répétées, répétées, et répétées, encore et encore… en gros, tu connais et tu adhères aux morceaux en 2 minutes montre en main, puis tel un orchestre symphonique, le morceau se complexifie.
Respect et authenticité
Alors autant vous dire que mon objectivité est complètement biaisée vis-à-vis de ces champions du monde du post-rock… je ne compte plus le nombre de leurs live auquel j’ai pu assister (surement une dizaine … entre mon premier live à l’Olympic de Nantes en 2006 où la jauge à décibel était montée réellement à un niveau de 125) ou plus récemment un concert surprise au Primavera Sound 2017… annoncé 15 minutes avant le début, pour la présentation en avant-première mondiale de leur 9ème album Every Country’s Sun… ou encore à Beauregard 2019 (vous savez à l’époque où nous avions encore des festivals de musique…).
Toutefois, j’ai néanmoins le souvenir de ma première écoute d’un morceau de Mogwaï , mon pote Stéphane, à une heure avancée dans son appartement Nantais donnant sur la résidence professionnelle de Jean-Marc Ayrault, me balance le titre de 20 minutes My Father, My King :
C’est simple, mes yeux s’agrandissent… mes oreilles n’en reviennent pas… et il y a eu musicalement dans ma vie un avant et un après cette écoute en 2005. (du coup, Ouais… Stéphane… Merci).
Je me jette dès le lendemain sur l’ensemble de leur discographie… la claque auditive continue et se pérennise d’année en année… difficile de sélectionner les titres les plus oufs.
Mais si vous voulez un rattrapage express, voici mon top 10 all-stars de Mogwaï… car ne parler que de la sortie du dernier album des écossais est bien trop réducteur de l’ensemble de leur carrière…
- Mogwaï Fear Satan – Young Team (1997)
- Two Right Make One Wrong – Rock Action (2001)
- Hunted by a Freak – Happy Songs for Happy People (2003)
- I Know You Are but What Am I ? – Happy Songs for Happy People (2003)
- Auto Rock – Mr Beast (2006)
- Friend of Night – Mr Beast (2006)
- I’m Jim Morisson, I’m Dead – The Hawk is Hawling (2008)
- Rano Pana – Hardcore Will Never Die, but You Will (Music for a Forgotten Future) (2011)
- Hungry Face – Les Revenants Soundtrack (2013)
- Don’t Believe the Fife – Every Country’s Sun (2017)
… et je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans l’ensemble de leur discographie, et d’avoir cette curiosité qui vous fera comprendre le secret de leur longévité.
Cinéphile et sportif
4 ans depuis la sortie d’Every Country’s Sun, nous sommes bien heureux de découvrir As The Love Continues. Ce n’est pas pour autant un véritable abandon des studios dans la mesure où Mogwaï enchaîne les accompagnements de bande originale de films et séries… (leur 2ème grande passion après l’équipe de Foot des Celtic Glasgow). Les Séries Canal Les Revenants et plus récemment Zero Zero Zero sont donc auditivement accompagnées en long en large et en travers par les litanies de Mogwaï.
Ce fut également le cas sur les films documentaires Atomic (2016) et sur Zidane : A 21st Century Portrait (suivi de la légende footballistique en caméra isolée lors d’un match avec le Real Madrid en 2005 dans lequel il délivre une passe décisive… et se prend un carton rouge en fin de match pour un geste d’énervement… je sais pas pour vous, mais il y a un petit gout de déjà-vu dans cette histoire).
Mogwaï a également participé activement à des BO de fiction comme The Fountain (de Darren Aronofsky) ou KIN (de Jonathan et Josh Baker)… enfin que l’on soit clair, sur les films précités ils interviennent sur la quasi-intégralité des morceaux… pas juste un ou deux titres.
As The Love Continues, un 10ème album de haute volée
11 titres, 61 minutes… Mogwaï ne s’est pas trop moqué de nous sur ce dernier album qualitatif. Mais c’est surtout un opus qui nous emmène dans des terres inexplorées jusqu’ici par les Ecossais.
To The Bin My Friend, Tonight We Vacate Earth une introduction lancinante et tout en douceur. Mélodie dense, mais sous un rythme d’une lenteur ou l’on retrouve le talent des Ecossais dans le post-rock… Une incitation à faire table rase du passé « À la poubelle mon ami, ce soir nous quittons la terre » (francisé), en guise d’apéritif-auditif.
Mogwaï nous avait fait le plaisir, au début de notre 2ème confinement, de diffuser le clip et le titre Dry Fantasy… tout en annonçant la sortie de ce nouvel album. Certains évoqueront peu d’originalité dans ce titre par rapport à leurs 25 ans de création antérieure… j’affublerais pour ma part Dry Fantasy d’une capacité à toujours nous surprendre mélodiquement dans un genre musical (post-rock) dont la créativité peut s’avérer limitée. Le riff clavier du multi-instrumentiste Barry Burns, d’une simplicité pourtant déconcertante, fait mouche. On est happé par l’ensemble musical. Ce rock progressif si percutant qui nous émoustille depuis un quart de siècle… continue de nous pulvériser et de nous prendre aux tripes. J’ai un véritable coup de cœur pour ce très beau morceau, entrant directement dans mes 3 morceaux préférés de l’album.
Vocalise contrôlée et incontrôlée
C’est l’une des surprises de cet album… le positionnement de la voix dans de nombreux titres de As The Love Continues.
Autant Fuck Off Money révèle une facette assez classique dans les créations des Glasvégiens : la voix de Barry Burns, sous forme de chœur, passent dans la moulinette d’un vocodeur. Le vocal est très instrumentalisé et « musical ». Il complète la mélodie quasi-symphonique de cet excellent titre entre un drum militaire, une bass granuleuse et la cadence infernale des notes guitaristiques.
L’ajout vocal n’a toutefois rien à voir avec celui de Here we, Here We, Here We Go Forever… une voix (très) autotunée… difficile d’ailleurs de distinguer si c’est un instrument ou non à la 1ère écoute. Mais les montées puissantes et un gimmick drum créent finalement un environnement familier et simple… on retrouve un morceau de Mogwai standard… on n’est pas perdu, mais on ne crie pas non plus à l’exploit.
Toujours assez rare… on le re-précise du coup. Ritchie Sacramento donne lieu à une situation qui en première écoute fait froncer les sourcils de l’auditeur connaisseur… et bien oui… ça surprend toujours : Stuart pousse la chansonnette et sans aucun arrangeur de voix (et donc pas juste un chœur d’accompagnement ou une voix remixée comme pour Fuck Off Money et Here we, Here We, Here We Go Forever cités précédemment ou quelques titres au cours des 25 dernières années).
A ma grande surprise (et surement celle de nombreux auditeurs), le titre s’avère peut être moins complexe, potentiellement tout public, plus pop, bien que porté par une sonorité rock agressive et larsenisée. Je dirais : c’est du Mogwaï sans être du Mogwaï… qu’on soit clair cela s’écoute pourtant bien : la boite à musique est en route… l’album s’intensifie.
Retour en terres connues pour Mogwaï
Drive the Nail est tel un feu d’artifice et une retrouvaille avec le savoir-faire du groupe… l’initiation est classique et en plein milieu du morceau… c’est l’explosion musicale, ce même ressenti que le bouquet final d’un feu d’artifice… transcendant, décomplexé, granuleux… je tombe sous le charme des coups de burins de Martin Bulloch… (comme quoi le titre du morceau est très bien choisi « Enfoncer le clou »). La rythmique est somptueuse et le riff guitare de Stuart Braithwaite fait le reste. Il n’y a plus qu’à vous lancer dans les 7 minutes 14 secondes de Drive the Nail et vous laisser porter.
Dans Ceiling Granny,on retrouve une tendance musicale très tournée rock faisant penser à Batcat de l’album The Hawk is Hawling. La guitare est abrasive, les pédales d’effets sont à l’œuvre. Profitez de la présentation de l’album en live streaming à Glasgow le 18 février dernier pour (re)découvrir les Ecossais à l’œuvre sur scène (même sans public) :
Un final en apothéose selon Saint – Mogwaï
Vous devez vous dire à la lecture de cet album que votre serviteur fan de Mogwaï depuis une grosse quinzaine d’année émet des doutes sur ce nouvel album… qu’il y a du très bon, et du moins bon… hahaha… vous me faites rire… on va démarrer l’écoute des 4 derniers titres, final époustouflant de nos rockers préférés. Et en toute sincérité, le final de As The Love Continues est une conclusion de malade mental… c’est propre, beau, post-rock, symphonique, transcendant… je vous explique ça en détail.
Un démarrage sous des sonorités électro, Midnight Flit dérive très vite vers un triptyque musical alliant somptuosité, symphonique et voluptuosité.
Le violon, peu présent dans les créations de Mogwaï apparait en fond sonore et nous berce. Je dirais sans quasi aucun doute que c’est l’une des plus belles créations de cet album. On y retrouve de l’Ecosse, de l’Islande (très looké Sigur Ros) et du Canada (Godspeed You Black Emperor).
Difficile d’enchaîner sur les 9ème et 10ème titre, Pat Stains puis Supposedly, We Were Nightmares ont donc la lourde tâche de maintenir l’attention de l’auditeur qui souhaite (déjà) se relancer dans l’écoute de Midnight Flit. On y retrouve pourtant le savoir-faire Mogwaï, déjà connu, reconnu : une ritournelle propulsée dans une noirceur mélodique qui nous happe littéralement. Un son clair et une batterie efficace parfait l’écoute enchainée de ces 2 très beaux morceaux.
Je n’attends plus trop rien et pourtant… erreur, sombre erreur… le final nous fait partir au 7ème ciel (dans le bon sens du terme). It’s What I Want To Do, Mum, comme en écho à la paradoxale lenteur de l’ouverture de l’album, a le don de nous faire shoegazer tout seul sous notre casque ou derrière nos enceintes. Mon rythme crânien (à l’intérieur… mais aussi le mouvement de tête incontrôlé) est transcendé par la qualité de composition du titre. J’imagine très facilement ce chef d’œuvre lors d’un futur concert de nos écossais préférés… et je ne vous cache pas que j’ai sacrément hâte de les retrouver.
Un dernier mot, persévérer dans l’écoute de As The Love Continues, comme bon nombre d’album de Mogwaï, quelques écoutes permettent de relever tous les secrets qualitatifs et addictifs.