Le quintet anglais Lanterns on The Lake sort, ce 21 Février 2020, son 4ème album, Spook The Herd, chez Bella Union (distribué par PIAS). Si vous ne connaissez pas le groupe, il est grand temps de le découvrir, après 13 ans d’existence et au moins deux albums encensés par une critique unanime.
Des débuts déjà prometteurs
S’il s’agit toujours d’un quintet, seulement 3 des membres fondateurs, originaires de Newcastle Upon Tyne (comme Sting), sont toujours présents depuis 2007: Hazel Wilde, l’incontournable chanteuse, guitariste, pianiste et parolière, Paul Gregory (guitare) et Oliver Ketteringham (batterie/piano). Ils ont été rejoints par Rob Allan (basse) et Angela Chan (vioon/violoncelle) en 2014 après les départs d’Andrew Scrogham (qui lui même avait succédé à Brendan Sykes à la basse) et de Sarah Kemp au violon.
Après deux E.P, leur premier album, Graccious Tide Take me home, en 2011,(déjà chez Bella Union) avait, d’emblée, été salué par la critique, leur permettant de tourner notamment avec Low mais aussi avec « notre » frenchy Yann Tiersen. Ce sont surtout les deux albums suivants, Until The Colours Run, en 2013 et Beings, en 2015, qui vont confirmer la reconnaissance du groupe; Lanterns on the Lake est devenu un groupe avec lequel il va falloir compter, la qualité de sa musique liée au talent de ses musiciens ne faisant plus de doute.
Spook The Herd, nouvelle étape?
Beings, en 2015, c’était 10 titres qui nous emportaient dans des rêves imprégnés de poésie rock indé. Ambiance atmosphérique souvent brumeuse avec quelques parfums de Sigur Ros mais aussi de Hope Sandoval pour la voix pour nous charmer toujours davantage. Ces effluves plaisantes ne sont pas absentes du nouvel album, Spook The Herd, mais l’opus marque un nouveau pas, voire une nouvelle étape. L’album n’a pas été enregistré chez eux, comme les précédents, mais dans un studio du Yorkshire, avec la volonté de sonner le plus « Live » possible. L’album est aussi un reflet de notre époque troublée et, notamment, de ses multiples crises, politique, sociale et climatique. Le titre lui même, Spook The Herd (Effrayer le troupeau) pointe du doigt les stratégies manipulatrices des idéologues et medias de tout poil. Un nouvel état d’esprit prévalait aussi à cet album; Paul Gregory (guitariste mais aussi producteur du groupe) nous éclaire sur l’approche inhérente à ce nouvel opus: « Il y avait une volonté de se libérer en montrant quelle sorte de musique nous étions capables de faire »…avant d’ajouter « L’idée de quelle sorte de groupe nous étions supposés être disparaissait vraiment. C’était super, tu pouvais faire ce que tu avais envie de faire ». Les 9 titres reflètent le monde et notre époque passés sous le prisme de l’analyse de Hazel Wilde. Celle ci n’a pas un style déclaratif ni donneuse de leçons pour autant. Elle nous prouve seulement qu’elle est une parolière au talent rare pour définir ses contours personnels des enjeux contemporains. Hazel Wilde nous livre ainsi des textes engagés dénonçant les désordres de notre société.
Un des albums clés de 2020
Le premier titre, « When it all comes true », vous fait déjà réaliser que l’album est…indispensable! Lent tempo avec guitares (dont l’une jouée avec archet…tiens comme chez Sigur Ros) et violon mélodieux et mélancolique à la fois; la voix de Hazel Wilde est, d’emblée, addictive. Quand elle sussure les derniers mots qui sont aussi le titre avec juste quelques notes de piano, vous êtes déjà emporté très loin!
Le retour à une certaine réalité est immédiat avec le titre plus péchu, « Baddies », où les notes cristallines de guitare accompagnent le chant plus intense et en colère de Hazel Wilde. A propos de ce titre elle raconte d’ailleurs: « Baddies est une chanson sur la montée de la haine et de la colère dans le monde ces dernières années, encouragée par les gens au pouvoir et les influenceurs, dans leur propre intérêt »…Puis elle ajoute »C’est à propos des besoins et défis en tant qu’individu, pour que l’opprimé tienne tête à la pression du pouvoir. Le fait qu’en devenant vous mêmes égoïstes, on devient comme les autres, le baddie (le méchant) de quelqu’un d’autre ».
« Every Atom » renoue avec le tempo entre dream pop et, par moment, presque shoegaze . Encore un titre qui vous fera craquer avec ses cordes et ses guitares déchirantes et plaintives… « but I have to split every atom just to find a trace of you…that’s what I’ll do ». Au sujet de ce titre Hazel Wilde disait: « C’est une chanson sur le chagrin et le temps long que met notre subconscient à accepter la mort de quelqu’un ». Le morceau suivant, « Blue screen beams », débute sur un rythme martelé par la batterie: c’est un titre addictif taillé pour le live (je n’ai pas dit les stades!)
« Before they excavate » est un titre somptueux! Le piano et la voix de Hazel Wilde nous accompagnent seulement au début du titre avant que les autres instruments ne prennent le relais: le titre s’envole alors puis brusquement s’interrompt sur 3 notes de piano, très pures. On repart vers la stratosphère brumeuse avant une nouvelle rupture magnifique et un final grandiose. Dans « Swimming lessons », arpèges de guitare et violon subliment, une nouvelle fois, la voix de Hazel Wilde.
On retrouve un tempo très lent sur « Secret & Medecines » avec piano et voix pour un titre très épuré: un moment de grace et de fragilité pop rock. La fin d’album ne montre aucune faiblesse: « This is not a drill » me fait penser parfois à L.U.H, le groupe de l’ex leader de Wu Lyf, ce qui est, pour moi, une belle référence! (Et L.U.H aussi mêle romantisme et colère!). « A fitting end » clôture l’album de belle manière. Le titre met en valeur encore et surtout la voix de Hazel Wilde, les instruments se faisant plutôt discrets, malgré l’omni présence de la batterie et du violon. Un titre qui, cette fois, ne déplairait pas à Nick Cave et Warren Ellis!
Beaucoup d’artistes, on le voit à travers les albums récents et les interviews que nous réalisons, perçoivent et veulent montrer que le monde glisse vers une issue incontrôlée. Ils veulent ainsi donner du sens à leur musique et c’est ce que nous proposent Lanterns on The Lake: les Lanterns nous éclairent pour rester vigilants, en espérant nous guider vers des jours meilleurs!
Ça sonne bien! Les mélodies sont vraiment séduisantes! Bon article comme d’hab