Alors que le rock a pris racine aux USA dans les années 50, cette musique née d’un « crossover » entre bluegrass, country et blues s’est rapidement étendue à tous les pays européens, puis jusqu’en Asie. Le funk et la soul ont percolé dans les pays africains dans les années d’indépendances des anciennes colonies, autour des décennies 60-70. Et aujourd’hui, arrivent sur les scènes internationales, des musiciens de métal du moyen-orient, du rock anatolien, du métal extrême maorie. Et Kristel.
Formé à Madagascar autour de la bassiste chanteuse Christelle Ratri, le groupe se produit tout d’abord sous le nom de Kristel Ratri Band, puis Kristel. Entourée de son mari, Andry Sylvano à la batterie et de son frère, Ben Kheli à la guitare, elle a aussi eu l’occasion de collaborer avec d’autres artistes reconnus de Madagascar. Ses textes, uniquement en malgache, racontent le quotidien des habitants de la grande ile de la cote Sud-Est de l’Afrique. L’ascension est rapide. Après des concerts régionaux, en avril 2017, ils débarquent sur les grandes scènes d’Antananarive, notamment au Libertalia Festival et sortent un E.P. cinq titres en septembre 2017.
La musique du trio oscille entre une afro-pop légère, comme Izy, le premier single, et un rock plus syncopé et pêchu, avec toujours cette couleur spécifique qu’apporte la voix de Christelle qui sait se faire parfois sensuelle, parfois agressive. Dans un pays « où le rock n’est pas tellement tendance »¹, elle a su tracer son chemin et construire une carrière qui commence à avoir des échos internationaux.
Izy, le premier single de Kristel
Il est assez difficile de se figurer ce qu’est le paysage musical malgache vu de la France. La société qui a vu naitre Kristel nous apparait alors de fait plus comme une idée, une représentation faite de clichés et d’approximations. Jusqu’à aujourd’hui, je me représentais la société malgache comme très patriarcale, mais après cet entretien, je suis persuadé que les femmes sont l’avenir de l’homme partout dans le monde. Kristel a accepté entre deux concerts de répondre à quelques questions. Avec beaucoup d’humilité, d’humour et de bienveillance.
Weirdsound :Bonjour Christelle, j’ai l’impression que la société malgache est plutôt patriarcale, comment êtes vous arrivée à vous exprimer musicalement? Comment avez vous commencé la basse?
Kristel : Je ne suis pas certaine que la société malgache soit patriarcale, mais nous, notre objectif est juste de faire parler de nous et de notre musique, autant dans notre pays qu’ailleurs. Je suis issue d’une famille de musiciens (son père est musicien de jazz/blues professionnel, ndlr), notamment ma grand-mère paternelle. Bien que l’instrument de prédilection familiale fut la guitare, j’ai eu un coup de foudre pour la basse en découvrant le grand Jaco Pastorius aux alentours de ma huitième année.
Akao, sorti à l’automne 2017
Du coup, qu’est-ce que jouer en famille vous apporte?
Et bien, plus de sérénité (sourires), de complicité. À mon humble avis, cela fait de nous un groupe plus soudé.
Quelles sont vos influences?
Oh, cela vient de tout genre de musiques, que ce soit actuelles ou du blues, du funk de l’époque qui a bercé notre enfance. La vie aussi donne un apport considérable qui influence beaucoup notre expression musicale. Mais je ne cacherais pas nos petits penchants pour Coldplay, Imagine Dragon ou encore Robert Glasper, Selah Sue ou Lower Than Atlantis… et puis il y a internet et quelques fois des live.
Quelle part de créativité dans votre musique vous semble être un héritage culturel propre, en dehors de la langue?
Dans quelques morceaux, si on est attentif, on peut repérer quelques lignes, quelques touches de traditionnel. Mais pour nous la langue est le plus grand héritage culturel propre qu’on puisse amener.
Justement, de quoi parlent vos textes?
Jusqu’ici, je suis la seule qui écrit dans le groupe, et je suis une personne très sensible. Je m’affecte facilement des gens qui m’entourent, de tout ce qui se passe autour de moi, que ce soit de l’amour, de la haine, de la gentillesse, joie ou espoir, et je ne peux m’empêcher d’en parler. Et tout cela dans une temporalité un peu fictive, presque imaginaire (des fois), pour que le commun soit plus « un commun » et que chacun y trouve sa sauce et puisse s’y identifier. Mes inspirations viennent aussi, que ce soit hilarant ou bouleversant, de certaines choses que j’ai vécues, et évidemment, je ne peux omettre de parler de mon pays, mais souvent sous un jour sarcastique ou ironique afin d’engager une réflexion sur le sujet.
La presse musicale se fait de plus en plus l’écho et le relais de groupes originaires de régions où l’on est peu habitué à voir émerger des artistes rock. Comment interprétez vous ça? Y voyez vous le signe d’une ouverture?
À mon humble avis, chaque pays a ses talents, mais c’est souvent l’opportunité qui manque. Du coup j’en profite pour remercier Libertalia Music Records qui nous en a donnée!
Du coup, est-ce un avantage ou un handicap pour se produire ?
C’est le plus bel avantage pour espérer et réussir à exporter!!
TNM, morceau entêtant. Le mélange réussi entre pop mélancolique et afro beat.
Kristel c’est un groupe, certes, mais c’est aussi une artiste attachante au talent indéniable. Une musique au croisement des cultures qui a cette faculté propre aux réussites artistiques de parler au plus grand nombre.