Cette maxime de Nietzsche pourrait aisément s’appliquer aux dublinois de Kid Karate. Alors qu’ils sortent d’une période de turbulences qui a vu partir un des membres fondateur,après des remises en question sur la direction musicale, le trio irlandais annonce qu’il entre en studio début avril.
Kevin Breen et Steven Gannon le duo guitare/batterie fondateur de Kid Karate font leurs armes à Dublin en 2009 ou 2010. La date de leur début reste flou, même pour eux (en fait, octobre 2009 pour le premier concert). Il est assez facile de comprendre pourquoi lorsqu’ils racontent comment leur est venu le nom Kid Karate. C’est en moulinant des bras, pratiquant une sorte de successions de katas (exercices d’enchainements théoriques de figures d’art martial) improbables sur un dancefloor, sous l’influence d’une drogue quelconque, mais certainement illégale (ne reproduisez pas ça chez vous), que Steven inspira aux deux potes ce nom sans aucun rapport avec l’Irlande et pas trop avec le rock. Les concerts débridés qu’ils donnent leur valent une bonne réputation de déjantés dans la presse régionale et nationale. Ils sont rejoints quelques années plus tard par Ian Mc Farlane (Squarehead, à découvrir également) à la basse et aux claviers. En début d’année 2018, ils annoncent l’arrivée d’un nouveau batteur en la présence de Oisin Mc Mahon Trench (ex Ennemies autre groupe intéressant du coin).
Pêle-mêle, ils citent Led Zeppelin, The Doors, Talking Heads, LCD Soundsystem,et , Darkside, Ray Charles, du vieux blues, Dr. Dre ou encore Snoop Dogg comme influences. En fait, rien de ce à quoi ressemble leur musique finalement. Car K. K., c’est plutôt de l’énergie brute, du crié, du hurlé, de la guitare qui arrache, pas trop de fioriture et un chant qui vous tape à la gueule, comme un bon retourné façon Shaolin. On irait plutôt chercher du côté de King Krule, White Stripes, Arctic Monkeys, Shame ou même de The Fall, que chez le Kid de Minneapolis ou l’électro-rap de Darkside.
Il y a sept ans, deux gamins sages (?) fan de skate.
En 2015, Microsoft choisit un de leurs morceaux pour illustrer un « trailer » de lancement de la X-Box One. C’est Louder.
Un chant de possédé, une guitare acérée, une musique directe qui fait penser à un bon coup de savate dans la g…le. C’est la recette Kid Karate. Louder
Two Times, skate et infidélités au menu de ce morceaux d’une efficacité radicale.
Après un E.P. de cinq morceaux, Lights Out, en 2013, c’est Kid Karate (2016), un L. P. de onze titres qui enfonce le clou et hurle sa rage à la face du monde. On y découvre un rock parsemé d’électro, des ballades (hum, si on veut) arrosées d’orgues saturés sur lesquelles des petites mélodies de synthé/piano entêtantes et doucereuses tentent d’adoucir la voix de Kevin Breen qui semble toujours en révolte (Heart) et qui clame à qui veut l’entendre que s’il « avait un cœur il serait capable de t’aimer ».
Mais loin de se conforter dans un rock brut, le groupe explore bien d’autres horizons variés, et leur musique se nourrit d’influences pop, électro. Et, parfois, le temps d’un morceau, le chant de Kevin se calme quelque peu. Début 2017, ils sortent un single, No Way, où des sonorités et des accents des années 80 s’invitent sur une composition qui m’évoque vaguement Depeche Mode ou Tears Fof Fears (mais là, on entre dans des domaines que je maitrise mal…).
Les derniers morceaux postés sur Soundcloud laissaient augurer d’un changement d’orientation musical plus pop, plus accessibles et main stream. Intrigué par la reprise de Childish Gambino (alias Donald Glover, l’acteur) et de Christmas is the time to say I love you de Billy Squier, ainsi que par le relatif silence du groupe suite au départ de Steven Gannon, j’ai voulu en savoir plus. C’est Kevin Breen qui a gentiment accepté de répondre à des questions. Joint par internet, nous avons donc échangé sur les passages difficiles que le groupe a connus, sur la scène musicale dublinoise et autres sujets.
Ok, allons y :
Weirdsound : Tout d’abord, merci de prendre du temps pour répondre à ces questions. On commence avec une peut-être difficile et directe : j’aimerais que tu nous dises un peu d’où tu viens, dans quel contexte, environnement as-tu grandi, tes engagements politiques si il y en a, comment tout cela affecte votre musique?
Kevin (Guitare/chant) : Merci pour les questions, je vais faire mon possible pour y répondre du mieux que je peux. Je suis né à San Fransisco et suis venu m’installer en Irlande à l’âge de cinq ans, sans mon père, américain, que je n’ai jamais connu. C’est ma mère m’a élevé. J’ai grandi à Dublin dans un quartier appelé Ballymun Flats. C’est un endroit plutôt sinistre, mais rétrospectivement, je trouve ça assez chouette et je suis très fier de venir de là-bas. Il parait que Glen Hansard (auteur compositeur qui a notamment joué le guitariste dans The Commitments d’Alan Parker. ndlr) et Bono ont aussi grandi dans le même coin. Je viens d’une famille de musiciens, tous les hommes jouaient d’un instrument et toutes les femmes chantaient. Nous nous retrouvions pour des anniversaires. Nous passions également du temps avec mon grand-père qui a été pour moi un peu comme mon père. Il a été l’influence principale concernant l’apprentissage musical au sein de la famille. Il jouait du banjo et m’a appris la mandoline quand j’étais enfant.
Le batteur originel avec qui tu as formé le groupe, Steven Gannon, ne fait plus parti du line-up. Comme il est assez difficile de trouver des interviews et des informations sur Kid Karate sur le net, je n’ai aucune idée du pourquoi du comment. Pourrais-tu nous en donner la raison?
Il n’était pas vraiment fait pour faire parti d’un groupe. C’est assez difficile pour moi car j’ai perdu un super ami. Notre nouveau batteur, Oisin Trench qui jouait avant dans Enemies—il faut les découvrir!— est monstrueux!
Sinon, comment expliques-tu qu’avec une musique aussi pêchue et excitante (ça me fait parfois un peu penser aux premiers The Hives), avec le morceau Louder comme bande son d’une pub pour la X-Box One (au fait, merci les gars pour les paroles, j’ai mis deux minutes à les mémoriser!) vous n’êtes pas plus connu? Vous le mériteriez, alors est-ce un choix de rester underground ou des accidents de parcours?
Eh, merci mec. j’adore The Hives! C’est toujours sympa de découvrir les groupes auxquels on peut nous comparer. Sérieusement, tu as entendu comment on chante? Nous avons fait des choix un peu différents avec la musique, peut-être pas pour le meilleur… Nous avons rencontré des difficultés, un management qui ne nous suivait pas vraiment, mais d’une manière ou d’une autre nous avons continué, mais avec le départ de Steve, il y a eu des moments assez durs. Mais dernièrement les choses se sont bien arrangées, et nous entrons en studio le deux avril pour enregistrer un nouveau cinq titres, quelque chose de bien costaud et hargneux.
Au fait, comment trouvez vous le milieu de la musique actuellement?
Bien sur, il y a des bons et mauvais côtés, mais c’est quand même un sacré truc tout ce business.
Est-ce que vos reprises récentes Redbone et Christmas is the time to say I love you augurent d’un tournant musical?
Nous essayons de changer constamment de style, mélangeant les genres pour créer quelque chose de nouveau. Redbone, c’était plutôt pour le fun, et Christmas… était pour notre label (Spirit Music avec, entre autre, Bass Drum Of Death, Belle And Sebastian, Snow Patrol… ). Nous avons une dizaine de reprises sous le coude. Nous les enregistrerons peut-être ce week-end.
Quand vous ne tournez pas, ne répétez pas, n’enregistrez pas, bref, quand vous n’êtes pas Kid Karate, quelle est votre vie? Comment est la scène musicale à Dublin?
Nous sommes constamment en répétition, écriture, jam. Ian et moi-même vivons au-dessus de notre studio (vous pouvez découvrir des images du studio sur le compte instagram de Kevin avec le lien en fin d’article). Nous avons la chance de pouvoir vivre de la musique. La scène musicale de Dublin? Pas mal de groupes sympa, mais peu de lieux pour les voir jouer. Il y a Fontaines D.C. qui déchire pas mal en ce moment, Girl Band aussi, et il y a plein de super groupes qui répètent dans notre studio, The Hot Sprockets, Melts, Squarehead, Loah, moi et puis aussi mon chien, parmi d’autres.
Qu’est-ce qui va se passer pour Kid karate en 2018?
Et bien, comme je te le disais, nous entrons en studio début avril et allons tourner en Irlande durant l’été et voir comment ça se passe. Si tu veux qu’on vienne jouer par chez toi demande à ton agent local de nous faire venir en chair et en os.
Ok, et une dernière pour la route,: où trouvez-vous les idées pour les lyrics?
Ça vient plutôt de mes relations avec les autres, mais j’essaie aussi parfois tout simplement de conjurer une émotion, et j’utilise alors les mots pour aller de l’avant, parfois c’est autobiographique, mais je peux juste vouloir passer un sentiment, une humeur. Certaines paroles sont plus signifiantes que d’autres et portent plus d’émotions.
P.S. : est-ce que vous pensez sortir vos L.P. et E.P. en vinyle?
Et bien, ce n’est pas encore le cas pour les précédents, mais j’aimerais bien que cela le soit pour notre prochain E.P. Si c’est le cas, je ne manquerais pas de t’en envoyer un.
Merci encore pour l’interview, c’était vraiment sympa d’y répondre.
Vraiment merci à Kevin pour sa gentillesse, sa disponibilité et la patience dont il a fait preuve. On attend avec impatience les nouveaux enregistrements. En attendant, pour ceux qui seraient passés à côté du Kid, allez-y, écoutez, c’est du bon!
(Et merci à Paul de m’avoir fait découvrir Kid Karate)
https://kidkaratemusic.bandcamp.com/releases
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