Au Printemps 2019 paraissait le 1er album, Dogrel, de Fontaines D.C. L’album, encensé par la critique, avait suscité l’engouement pour la tournée du groupe aux quatre coins du monde et notamment passée aussi par Nantes Stereolux (voir notre article). En cette fin Juillet 2020, nouvel album de Fontaines D.C., A Hero’s Death, paru chez Partisan Records et nulle déception. L’album reflète la confirmation du talent réel du quintet. La diversité musicale et les harmonies vocales font sortir Grian Chatten et sa bande du post punk dans lequel on les avait étiquetés voire cloisonnés un peu vite.
Confirmation du talent dans la diversité
Bien sûr (et surtout vu le laps de temps relativement court entre les deux albums), on pouvait s’interroger sur le fameux deuxième album du groupe qui devait confirmer le talent ou le côté hype du premier. La lassitude du groupe à l’automne, à la fin d’une tournée épuisante, nourrissait aussi des doutes. Les premiers titres parus au printemps, dont le titre éponyme, A Hero’s Death, nous rassuraient immédiatement : le deuxième album s’annonçait aussi bon, voire meilleur diront certains, que Dogrel et montrait surtout la capacité du groupe à se renouveler. Loin de rester figé dans un pseudo post punk, étiquette que le groupe d’ailleurs refuse, Fontaines D.C. sait aussi nous délivrer de belles ballades fragiles où notre poète frontman Grian Chatten sait nous émouvoir.
Un double symbole fort…
Le titre de l’album, A Hero’s Death, et la pochette pouvaient laisser penser que l’Irlande et Dublin seraient à nouveau au cœur du deuxième album. Le titre est, en effet, emprunté à une réplique d’une pièce de Brendan Behan, écrivain dramaturge irlandais mort en 1964 après avoir sombré dans l’alcoolisme. Membre très jeune de l’I.R.A, il avait été arrêté dès l’âge de 16 ans alors qu’il voulait faire sauter les docks de Liverpool !
La pochette de l’album représente Cu Chulainn, statue en bronze sculptée en 1911 par Olivier Sheppard, que l’on ne peut éviter si l’on va à la poste centrale de Dublin. La statue représente Cu Chulainn, à la genèse mi-humaine mi-divine dans la mythologie celtique. Séadanda a été rebaptisé Cu Chulainn, littéralement le chien de Culann, après avoir tué, à l’âge de 5 ans, le chien de garde du forgeron Culann. Dès lors, Cu Chulainn symbolise la force surhumaine du guerrier qui a notamment défendu l’Ulster dans de nombreuses batailles. La statue est aussi un double symbole car la poste de Dublin a été le siège de l’insurrection des Républicains irlandais contre la monarchie anglaise à partir du Lundi de Pâques 1916.
A noter que The Pogues (une des références et influences majeures de Fontaines D.C.) ont écrit le titre The Sick Bed of Cuchulainn en 1985 et que Cu Chulainn est aussi un titre du groupe suédois de Death Metal Therion.
…et des influences plus diverses
Hormis ce double symbole fort lié à Dublin et à l’Irlande, l’album A Hero’s Death n’est plus rattaché aux seules ville et vie Dublinoises. Le groupe a beaucoup voyagé en 2019 et a élargi ses horizons et cela a peut-être contribué à une des différences majeures entre les deux albums. Dans une interview à l’excellent Magic, numéro 222, Conor Deegan III, bassiste claviériste, parle d’un album davantage » tourné vers l’intérieur, évoquant des sentiments universels « , un opus qui » parle d’incertitude, du fait de s’accrocher à ce que l’on pense des choses et sa vue romantique du monde alors que tout change vite « .
Les influences musicales sont ainsi plus diverses dans ce nouvel album. Le groupe évoque les Beach Boys pour certaines harmonies vocales et non pour le surf et les plages californiennes ! Grian Chatten cite Leonard Cohen (influence dans Love is The Main Thing), voire Lee Hazelwood et Sinatra. Dans I Was Not Born, on peut aussi déceler un parfum hommage (?) au Velvet et dans No un zeste d’Oasis (là, je vais faire bondir, en les provoquant, certains lecteurs !).
Un album nostalgique mais non dépressif!
L’album Dogrel reflétait déjà une certaine nostalgie en même temps qu’une vision sociale critique de Dublin et une dégradation des conditions de vie. Si le groupe continue à avouer sa nostalgie, les influences diverses précitées contribuent à ne pas en faire un album dépressif. Ainsi le titre éponyme lui même n’est pas dénué d’optimisme mêlé d’humour : la phrase « Life ain’t not always empty » est répétée… pour nous en persuader !? Dans la même interview précitée (Magic n°222), Conor Deegan III revendique d’ailleurs ce « mélange d’optimisme et de tourmente » qui semble faire partie de l’A.D.N du groupe, » un mélange de masculin et de féminin, de noirceur et de lumière… comme chez Lou Reed « .
Ainsi, l’album A Hero’s Death nous fait naviguer entre tensions et moments de rupture, temps calmes ou faussement calmes. Les riffs rocks sont toujours présents et, au delà du titre A Hero’s Death, Living in America séduira et incitera aux pogos endiablés, avec ou sans masques lors des prochains Live. Les ballades seront appréciées de ceux qui aiment la poésie fragile de Grian Chatten : ainsi You Said mais surtout Oh Such A Spring, le titre le plus court, sont des moments de grâce, juste au milieu de l’album.
Une diversité faite de tensions et de ballades
L’album s’ouvre sur I Don’t Belong et Grian Chatten nous rappelle sur ce très bon titre « Je n’appartiens à personne « . D’autres titres pêchus vont rassurer tous les fans du 1er album, de l’excellent Televised Mind à Living in America en passant par Lucid Dream et, bien sûr, A Hero’s Death. Grian Chatten en a écrit les paroles » à une époque où je me sentais consumé par le besoin de produire autre chose, pour apaiser la peur de ne jamais donner de suite à Dogrel « . Puis il ajoutait : »Il s’agit d’une bataille entre le bonheur et la dépression, des problèmes de confiance qui peuvent se former entre ces deux sentiments « . Grian Chatten y chante « Asseyez-vous sous une lumière qui vous convient et attendez avec impatience un avenir meilleur « .
Il faut dire qu’en réaction au succès foudroyant de Dogrel et à l’épuisante tournée, Grian Chatten avait même laissé entendre qu’il n’y aurait peut-être pas de deuxième album, préférant se consacrer à un nouvel ouvrage de poésie.
L’album s’achève sur deux ballades dont No, un peu désabusée et pleine d’amertume : Grian Chatten chante « S’il vous plait, ne vous enfermez pas, appréciez simplement le gris ». Est ce de l’humour, avec un brin d’optimisme tout de même ?
Epilogue
A noter enfin que l’album est produit par Dan Carey, que l’on a déjà croisé avec Black Midi, Squid ou Bat For Lashes.
Un bien bel album à savourer pour cette deuxième moitié d’été. On retrouvera, si la situation sanitaire ne se dégrade pas, Fontaines D.C. au festival Levitation, à Angers, le 9 Octobre, pour leur seul concert donné ces prochains mois. Ils seront bien entourés avec, entre autres, Shame, Squid et Sonic Boom ! Croisons les doigts pour que le festival ait lieu!
https://partisanrecords.com/artists/fontaines_dc
Ce disque est une pépite !
Petite coquille dans le paragraphe « …et des influences plus diverses » : « Grian Chatten III, bassiste claviériste ». Il s’agit de Conor Deegan III.
Merci pour la lecture attentive…eh oui même après relecture, on ne lit que… ce que l’on veut voir! Heureusement quelques lignes plus tard, je n’avais pas à nouveau fait l’erreur!