Des blessures encore béantes, des amours brulés trop vite, des rêves brisés ou encore des figures fantomatiques apparaissent au gré des paysages intimes qu’évoque la musique de Norman Would. Résonances d’échos intérieurs qui esquissent des figures convoquant les vastes étendues mythiques de la « wilderness » chère aux états-uniens.
La voix grave, diffusant un spleen langoureux, rappelle le Mark Lannegan du duo avec Isobel Campbell, ou encore H-Burns.
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On entre dans l’album comme dans un cocon rassurant. Le son est chaud, les paroles sonnent comme une confession faite au coin d’une table, seuls au fond d’un bar à la lumière diffuse, à l’issue d’une longue soirée passée à égrener des souvenirs. Les arrangements, d’une simplicité qui n’est qu’apparente («Said and done »), accompagnent magnifiquement ce voyage intime auquel nous sommes conviés. Les équilibres harmoniques parfois sur la corde ( « out of the blue »), viennent comme un soutien inespéré aux fêlures de la voix qui menace parfois de dérailler sous le poids de l’émotion mal contenue. En contre-point d’une guitare et d’une voix qui seraient trop rugueuses et austères sans eux, Le timbre clair d’Hannah Hesse et les plages de violoncelle de Guillaume Latil apportent leur douceur et leur mélancolie, agissant ainsi comme des cataplasmes musicaux («Hangover blues »). Norman Would est le projet d’un seul homme, au talent de songwriter incontestable, qui a su s’entourer pour donner corps à sa création.
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Derrière les manettes, le producteur a su habillement s’effacer pour laisser les mélodies s’exprimer. Si la production de Joshua Hudes donne une belle unité à l’ensemble, le choix du mastering au studio Kramer (Low, Galaxy 500), en Floride, devient comme une évidence lorsqu’on interroge le compositeur sur ses influences.
Quelles sont les musiques ou artistes qui t’ont inspiré pour l’écriture?
J’ai beaucoup d’artistes «référents», mais j’ai souvent du mal à mesurer l’impact qu’ils ont pu avoir sur mes compositions. Certains sont plus évidents que d’autres, comme Mark Lanegan ou Neil Young. D’autres comme Nick Cave, PJ Harvey, Cat Power, Elliott Smith ou encore Nick Drake m’ont clairement influencé à des degrés divers, même si cela peut paraître moins flagrant.
Je trouve les compositions très matures, quel est ton parcours musical?
Je le prends comme un compliment, donc merci ! J’ai commencé à faire de la musique un peu plus sérieusement (morceaux plus aboutis, enregistrement de démos…) il y a presque 15 ans maintenant. J’ai fait partie d’un groupe de rock avec lequel nous avons fait quelques concerts et enregistré un EP en studio. J’ai ensuite vécu aux USA pendant 6 ans environ. A cette époque je continuais à jouer et composer mais beaucoup moins intensément, même si à une période je faisais un set live une fois par semaine dans un bar/restaurant de la petite ville où j’habitais. Je suis rentré en France il y a quelques années et pendant un moment j’ai mis la musique de coté. Et puis petit à petit j’ai commencé à accumuler de nouvelles compositions, jusqu’au jour où je me suis dit que le moment était venu d’enregistrer un album et d’aller au bout d’une aventure musicale.
Tu as donc passé pas mal de temps aux USA, est-ce que le choix de la langue a été comme une évidence pour toi? Pourquoi ne pas l’avoir écrit en français?
Ça a été une évidence en effet. Je ne me suis jamais vraiment posé la question de la langue à utiliser pour écrire mes chansons. L’anglais n’est pas ma langue maternelle, mais ma culture musicale est anglophone, et cela n’implique pas seulement des styles musicaux, mais aussi une certaine utilisation du langage et de ses sonorités. Et puis il y a probablement une forme de pudeur dans ce choix, une distance nécessaire…
Est-ce parce que tu connaissais l’un et/ou l’autre, ou parce que tu les as découvert grâce à des artistes passés chez eux que tu as fait le choix du studio et du mastering?
Pour le studio le choix s’est d’abord fait en ligne sur un site spécialisé, avec des considérations économiques et géographiques, puis il s’est finalisé à l’instinct. Je ne connaissais pas Joshua Hudes – qui a enregistré, arrangé et mixé l’album – mais nos brefs échanges et son profil m’ont «parlé» et convaincu de me lancer avec lui. La suite m’a donné raison.
En ce qui concerne le mastering, j’étais familier sans le savoir avec une partie du travail que Kramer avait accompli pour certains artistes (Low, Daniel Johnston…). Son passé musical et toutes ses références ont évidemment eu leur importance, mais au final c’est surtout sa réactivité et le contenu de nos échanges qui m’ont décidé.
«Out of the blue» me fait immanquablement penser aux paroles de Neil Young sur «Hey, hey, my, my» («Out of the blue and into the dark»). Pourquoi ce titre?
Ce qui est incroyable c’est que je n’avais pas ces paroles à l’esprit lorsque j’ai écrit le morceau qui a donné son titre à l’album, alors que je suis un grand fan de Neil Young et notamment de cette chanson. Ou alors mon subconscient s’est exprimé…
Comme de nombreux textes de l’album, ce titre peut avoir plusieurs significations. Il y a cette notion d’inattendu et de soudaineté qui a caractérisé le lancement de cette aventure. Et puis il y a aussi l’expression du «produit» d’une période spécifique, parfois créative et parfois destructrice, qui est à l’origine de ces chansons.
Tu as un peu répondu à cela dans la question précédente, mais il y a également une grande unité thématique, des images de blessures amoureuses, de regrets… est-ce qu’il y a une volonté d’expurger quelque chose, une période particulière, au travers de ta musique et de cet album en particulier?
Oui je pense que ma réponse précédente couvre au moins partiellement ce sujet. Il a toujours été difficile pour moi de m’exprimer sur des sujets sérieux et intimes, et je ne suis certainement pas le seul. Mes chansons me permettent de le faire à ma manière, pudiquement mais sans tricher.
Comment envisages tu l’avenir de ta musique? Des projets de tourner avec cet album? De passer à autre chose?
Je prépare actuellement la sortie de l’album en version physique ainsi qu’une video ou deux. Je serais également ravi de pouvoir tourner rapidement avec cet album ! J’ai plusieurs nouveaux morceaux à enregistrer mais je vais attendre encore un peu, d’autant plus que j’ai déjà enregistré un EP plus électrique que l’album.
A suivre !
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