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YOB—Our Raw Heart—À cœur ouvert

YOB—Our Raw Heart—À cœur ouvert

Chapter I : Creeping Death

L’année dernière, aux USA, en Oregon très certainement, un homme s’écroule inconscient au milieu d’un supermarché. Transporté à l’hôpital, il passera six heures sur le billard avant d’être amené dans une chambre où il restera plusieurs jours entre la vie et la mort. Avant cela, cet homme, musicien, avait commencé à composer ce qui devait être le huitième album de son groupe, YOB.

Quelques mois plus tard, en cette année 2017, Mike Scheidt sort de l’hôpital et entame une rééducation qui passe aussi par un réapprentissage du chant. Évidemment, le travail auquel il s’était attelé s’en trouve chamboulé. De même que les thématiques et la tonalité de sa musique.

YOB, trio de l’Oregon, est un peu à part dans le paysage Doom. Si la musique qu’il propose est bien cadrée par les poncifs du genre, exemplaire à ce titre, les textes sont résolument mystiques, évoquant une spiritualité Zen et une quête intérieure profonde. Our raw Heart qui est sorti le 8 juin dernier chez Relapse est plus qu’un album de Doom, il dispense une atmosphère psychédélique, ou au contraire lourde et crunchy, des moments aériens, voir parfois des riffs qui lorgnent vers le shoegaze.

Chapter II :  The Healing

L’expérience vécue par le leader du groupe a sans aucun doute trouvé sa catharsis dans l’élaboration de Our Raw Heart. L’album est traversé par une luminosité paradoxale au genre qui peut se voir comme l’expression de ce fleurt avec la mort, une pulsion de vie. Pourtant, les textes, très lyriques, expriment plus une grande douleur, de la souffrance, aussi bien physique que psychique. Mais ils sont aussi une sorte de road movie intérieur où le chanteur se place au cœur d’un cosmos éternel, infini et indifférent aux aléas de la vie humaine. C’est un parcours initiatique à l’issu duquel il sortira purifié et renaitra à un autre niveau de conscience.

La construction de l’œuvre se dévoile au fur et à mesure de l’écoute, et c’est un chemin de croix suivi d’une rédemption auquel nous sommes conviés. Peut-être mon interprétation est-elle fausse, mais on a l’impression que Mike Scheidt a voulu nous faire vivre et ressentir ce qu’il a vécue. La musique s’occupant de l’aspect physique des choses, et les textes exprimant au plus près ses sensations et ressentis.

Chapter III : The Long And Winding Road

Ainsi, dès l’ouverture, direct, c’est un feu qui brule, comme une douleur intense, au travers de l’incandescent Ablaze. Le titre sonne comme une longue déchirure où le chanteur alterne chant mélodique et grunt hargneux, entre feux de guitares et nappes d’accords solitaires accompagnant la voix qui semble appartenir à une âme en partance pour l’au-delà.

The Screen pose ensuite une ambiance débilitante, à force de répétition, à coup de riff qui devient angoissant de monotonie, lourde, pesante. On nage dans le sludge/doom si particulier de YOB comme dans de la mélasse. Il s’insinue en nous comme un ver malin, un lent poison qui ronge le corps.

Until pain has bled out Out/Out/Ancient poison/Out/Out/Out/Onto the screen/Rise/Rise//Rise/In this moment/Rise/Rise/Rise/Quantum vision

Jusqu’à ce que la douleur ait été expurgée/Dehors/ Dehors/Poison Ancestral/Dehors/Dehors/Passé au tamis /Monte/Monte/À cet instant/Monte/Monte/Monte/Vision du Quantum (la plus petite particule indivisible)

 

Une publication récente dans Science décrivait la progression de la mort d’une cellule, estimant sa vitesse à deux millimètres/heure. C’est un peu l’impression que l’on peut ressentir dans la progression rythmique et harmonique de Lungs Reach. S’enchainant avec le très noir et lancinant In Reverie, les accords de ce très court morceau—pour YOB, cinq minutes, c’est court—posent une ambiance d’attente, comme si leur lourdeur et la mélodie distendue qu’ils égrenaient, mettaient l’album en suspend. Comme si le temps ralentissait, dans l’attente d’un dénouement. Lorsque le chant arrive, les grunts semblent passés au ralenti, la guitare ultra lourde, est soulignée, appuyée par les coups de batterie qui poussent le style dans ses retranchements. Puis, il y a un hiatus.

Arrivé à la moitié de l’album, l’écoute a été une suite d’expériences très physiques, éprouvantes, débordantes d’emotions dont le climax est au cœur de ce Lungs Reach. Aussi, lorsqu’arrivent les arpèges de Beauty In Falling Leaves, longue ballade qui s’étire sur plus de seize minutes, est-on heureux de souffler un peu. Il y a comme une délivrance à l’écoute de ce morceau, une tension qui retombe.

Interlude

On dira ce qu’on veut, seize minutes chez YOB, c’est aussi long que d’écouter un morceau des Ramones. Le temps se dilate sur les disques du trio et il est impossible de ressentir lassitude ou longueur

Chapter IV : Born Again

Et la vie reprend, le cœur se remet à battre sur Original Face dont les accords de guitare sonnent très shoegaze. Mike Scheidt hurle comme un possédé, comme pour mieux affirmer qu’il est passé de l’autre côté, qu’il voit désormais les choses avec plus d’acuité, qu’il n’est que pure conscience. Références bouddhistes (Rigpa) et monstres bibliques (Seraphim) viennent illustrer ce parcours vers la lumière et l’illumination. C’est une renaissance, violente et douloureuse, mais pleine de la promesse d’une vie nouvelle.

Et on aborde le morceau de bravoure qui donne son titre à l’album. Là encore des arpèges s’élèvent doucement après le chaos d’Original Face, et c’est littéralement un homme mis à nu, neuf, né à nouveau qui est connecté au monde entier comme l’exprime le concept d’Ayni, qui se dresse devant nous.

The raw within
/Ayni/Sent reverence
/For what has been given/In this shared life
/The raw within

Ce qui est intrinsèquement brut,pur/Ayni/Respect à/Ce qui a été donné/Dans cette vie partagée/La pureté intérieure

Conclusion : Oroborus

La roue du destin avance inexorablement, emportant les vies, qui se retrouvent prises dans les cycles de réincarnation. Our Raw Heart est l’expression d’une nouvelle vie, d’un autre palier dans la musique du groupe. Une étape a été franchie  et pourtant YOB est toujours YOB. Mais avec un quelque chose de lumineux en plus, un petit éclat qui vient ajouter une certaine apesanteur à un genre qui ne rime guère avec légèreté. YOB rend la spiritualité musicale, palpable, physique. Un grand album d’introspection et de quête spirituelle.

Liens :

https://label.relapse.com/artist/yob/

https://www.yobislove.com/

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