Once upon a time… il y avait trois individus qui se réveillèrent quelque part dans le multivers¹ dans une chambre du Motel Vanilla. Le premier, John Murdoch (Théo), est décédé suite à sa ruine le fameux jeudi noir de 1929. À son retour à la conscience, au pied de son lit, une batterie. Valoupopoulos (Valentin) plongeur pour une compagnie pétrolière, est attiré par une sirène bien étrange : Litah, guitare de légende. Lorsqu’il revient des profondeurs de la mort, elle est délicatement posée à son côté. Dans la penderie, une collection de robes chamarrées. Nala (Nastasia), fruit des expériences d’un savant fou, meurt écrasée par un diplodocus lors d’un jeu qui tourne mal. Peut-être éveillée par les effluves d’un thé vanille en train d’infuser, fleur qui sort d’un hiver mortuaire, elle s’épanouit à nouveau dans la salle à manger du motel. Leur point commun? Ils/elles² ont travaillé pour ou sont passé.es entre les mains de la société Evilthane.
Immédiatement, ils/elles construisent leurs instruments, s’emparent de ce qui fait l’identité de chacun.e au sein de ce groupe improbable. Valoupopoulos et John Murdoch se disent bien qu’ils peuvent se passer d’un bassiste. Et c’est extraordinaire, car Litah, bénéficie d’une double sortie jack qui permet au guitariste d’émettre à la fois des sonorité graves dans un caisson de basse, et des accords et mélodies médium/aigus qui frétillent dans les baffles de son Fender. Le tout passé au mixeur d’un rack de pédales gonflé aux stéroïdes, le tour est joué.
Pour agrémenter le tout, Nala dont l’ampleur de la voix n’a d’égale que sa délicatesse, se campe derrière deux machines aux sons synthétiques qui nappent le tout et l’enrobent d’un parfum de vanille musical. Thé Vanille est né.
Et ils/elles en ont surpris plus d’un, car à peine sont-ils/elles sorti.es sur le pas de la porte du Motel, que les éloges dithyrambiques pleuvent : « Ah, mais très cher, ils/elles sont extraordinaires! » « Quelle musique pétillante! » « Vous m’en resservirez encore bien une tasse, s’il vous plait? »
Mais attention, rien d’industriel là-dedans, pas de sachet, rien que du vrac. Des idées jetées en veux tu en voilà, et un cocktail énergique, rafraichissant (idéal été comme hiver), au goût toujours surprenant et sans cesse renouvelé. Accueilli au Plessis en résidence artistique, ils/elles craignaient de ne pas trouver le chemin du Motel et de ne pas pouvoir reproduire le mélange explosif des premiers instants. Qu’ils/elles soient rassuré.es, Philémon, qu’ils/elles veulent aussi comme un hommage au dessinateur Fred qui nous a quitté en 2013 (Le corbac aux basket et Philémon), qu’ils/elles ont présenté le soir où nos routes se sont croisées est une réussite.
Kind of guy, ou la preuve que l’on peut réaliser un bon clip avec peu de moyen. Ils font un peu les foufou, quand même!
Rock azimuté et fraiche pop? Si John Murdoch le dit…Ça pourrait faire penser à Deerhoof ? Pourquoi pas. En attendant, le son Thé Vanille ne ressemble à rien de connu, et parvient pourtant à paraitre familier. Les trois musicien.es ont un très haut niveau d’exigence et refusent l’ennui créatif.
Après une balance bien tardive, avec peu de temps pour se préparer et pour manger, ils/elles ont gentiment accepté de me consacrer quelques minutes pour mieux les connaitre. C’est entre les affiches de Lohengrin Papadato, le graphiste qui illustre superbement l’univers du groupe, leur CD et un très joli cadre représentant des perroquets fluo en hologramme, qu’a eu lieu cette interview sur le pouce. Valentin, artiste touche à tout et figure « zappatesque » ( malgré un profil physique comme artistique qui n’est pas sans rappeler le guitariste américain inventeur des Mothers, il n’est pas très familier avec son œuvre), Théo, tout sourire, et Nastasia, mode pile électrique, s’affairent autour de leur merchandising avant de monter sur scène pour ouvrir pour General Eletriks (Hervé Salters avouera d’ailleurs avoir beaucoup aimé leur prestation)³.
Le clip de Wrath en dépit d’une bonne réalisation, peine à traduire l’énergie et la folie joyeuse des concerts du groupe.
Weirdsound : Avant de commencer, une question me tarabuste, Lohengrin Papadato est-il un avatar d’une autre personne, ou existe t’il vraiment?
Valentin : Non, non, c’est bien son vrai nom! C’est lui qui fait tous nos visuels.
Et il y a cette mythologie du groupe où on se réveille tous autour d’un petit déjeuner et le thé vanille est une des premières choses qu’on partage.
Ok. C’est très beau en tout cas. Alors Thé Vanille, on pourrait avoir l’impression que vous avez trouvé le nom en déambulant dans le rayon petit-déjeuner d’un super-marché, non?
Valentin : En fait, il y a beaucoup de choses derrière ce nom, ça renvoie plein d’images. Il y a le côté doux et sucré, pop. Et il y a cette mythologie du groupe où on se réveille tous autour d’un petit déjeuner et le thé vanille est une des premières choses qu’on partage.
Ah oui, alors l’univers est né avec l’idée même du groupe, en fait?
Valentin : Oui, oui, dès le début.
Est-ce que c’est aussi une façon de renvoyer une image de notre société contemporaine? Cette entreprise, Evilthane (alors, c’est le moment où je fais mon « coming out », je ne l’ai pas vu passer, l’anagramme, merci de votre indulgence…) est-elle le symbole des multi-nationales d’aujourd’hui?
Valentin : Non, en fait, bien que nous n’ayons pas une image très, très bonne de notre société, il n’y a rien de politique dans cette histoire.
Théo : il y a vraiment ce concept de vies antérieures. Dans nos vies respectives, aux époques où nous sommes morts, nous n’avions pas fait que des choses qu’on appellerait « bien », de manière manichéenne, et les limbes, la métaphore du Motel Vanilla, nous offrent l’occasion de revenir sur Terre nous rattraper et de faire de la musique pour donner du bonheur au gens.
Thé Vanille en train de distiller du bonheur sur la scène du Temps Machine le 5 avril. Photo Carmen Morand.
Vu que vous êtes morts, justement, si vous étiez la réincarnation d’un.e musicien.ne mort.e, lequel/laquelle seriez-vous?
Théo : John Bonham!
Nastasia : Attends, laisse- moi réfléchir… Je ne sais pas encore. Euh, bon au-delà (c’est le cas de le dire! ndla) de ses « méfaits », Michael Jackson. Il a quand même apporté énormément.
Valentin : Alors moi, les musiciens auxquels je pense ne sont pas morts.
Imaginons qu’ils/elles soient mort.es…
Bon, alors pour remonter un peu, Wagner
Pour le coup, il est très mort lui quand même… non?
Non, oui. Bien sur. Mais c’est pour la dimension opéra. Il avait une vision globale des choses. Il est allé jusqu’à faire construire un bâtiment rien que pour pouvoir donner ses opéra! Thé Vanille c’est un peu ça aussi, c’est se créer son propre espace, nos propres outils, notre propre univers.
Aujourd’hui dans la musique, il faut être dans des cases […] et on n’aime pas forcément ça.
C’était un peu ma question suivante justement, est-ce que cet univers virtuel vous permet de créer un espace plus large que nature dans lequel vous composez à l’abri?
Oui, en fait on se rend bien compte qu’aujourd’hui dans la musique, il faut être dans des cases, être identifié. Et on n’aime pas forcément ça, donc c’est aussi un moyen de jouer avec ces cases et d’arriver à proposer d’autres choses, quitte à créer sa propre case. Et la mythologie, notre matériel, tout ça est fait pour constituer un cocon dans lequel nous pouvons travailler et ensuite le partager avec le plus de monde possible.
Oui, c’est vrai que vous avez un univers très cohérent et original.
Photo Carmen Morand (merci. La prochaine fois, j’aurais mon appareil, promis).
Une dernière pour la route : quelle question ne vous a t’on jamais posée et à laquelle vous aimeriez répondre?
Valentin : Quelle taille de chaussures on fait? Du 44.
Nastasia : Ah c’est une bonne question! (merci)
Théo : Est-ce que vous voulez travailler avec notre label? (rires)
Et ça serait lequel?
Nastasia : Il y en a tellement qui nous intéressent pour des raisons différentes, que c’est dur à dire. On va laisser le destin jouer un peu, tout en le poussant du coude. On verra qui répond positivement.
Valentin : Le problème du label justement, c’est que c’est une case. Et ce n’est pas très naturel chez nous. Après si on trouve quelque chose qui nous convient, on verra.
Merci à vous et bon concert.
Il y a du Beastie Boys dans ce who’s bad? trouvez pas?
Après le show, nous avons un peu échangé, et Valentin m’a avoué qu’ils/elles n’avaient pas eu l’impression d’avoir fait un très bon set. Alors qu’est-ce que ça doit être quand ils/elles font un bon concert!
Vous ne connaissait pas l’histoire de ces trois ressuscités? Précipitez-vous dès qu’ils/elles passent à côté de chez vous pour les écouter vous chanter leurs aventures colorées et (pas toujours) joyeuses. Moi, j’aurais la chance de les revoir à Aucard de Tours et à Terres du Son cet été.
1 Pour de véritables références scientifiques sur la question, consulter l’ensemble des Annales du Disque Monde de Sir Terry Pratchett.
2 Bon, cet essai d’écriture inclusive est assez peu concluant. Peu de chance que je réitère ça.
3 Il n’y aura pas de compte-rendu de General Electriks, je n’ai malheureusement pas pu rester jusqu’au bout… mais les trois premiers morceaux laissaient augurer d’un set très pro et énergique.
https://thevanille.bandcamp.com/releases
Pour en savoir encore plus :
https://www.facebook.com/thevanillemusic/
Merci à Carmen Morand pour les photos :