Dédoublement de personnalité et choc thermique
Il y a quelque chose de schizophrénique à écrire il y a quelques jours une chronique sur Victims et leur album qui résonne comme un cri d’alarme face à l’urgence climatique, pour se rendre ensuite dans un des plus gros festivals métal européens. Devant la débauche de plastique, de kérosène brulé pour faire venir des têtes d’affiche du monde entier, on en vient à s’inquiéter et à se demander quel peut être l’avenir de ce genre de manifestation à moyen terme.
Et oui assister au Hellfest, pour ma part, c’est un peu comme de lâcher l’enfant qui est en moi dans un immense magasin de jouets. En tête d’affiche, pas moins, ce premier jour, que Gojira, King Diamond, Manowar ou Fu Manchu !
Dès la gare, j’ai senti le choc, j’ai changé d’époque, je me suis retrouvé il y a 30 ans, lorsque je portais des clous, des dossards Motörhead et les cheveux longs ! Dans le train qui mène à Clisson (Rock City), des suédois, bière à la main et T-Shirt de Manowar, diffusent du métal à plein tube. Heureusement, la majorité des passagers est, soit un futur spectateur en transit, soit un breton tolérant et compatissant. Les regards et visages sont le plus souvent amusés et l’ambiance bon enfant. Surtout lorsque le haut parleur se met à cracher du… Stevie Wonder.
Entre dans la danse, les soucis n’ont pas de chance!
L’arrivée sur le site achève le dépaysement : on entre en territoire métal, avec le décorum qui va avec. Les deux mainstages, côte à côte, entourées par d’immenses écrans géants, impressionnent par leur taille. Le public est déjà très nombreux, mais, ce vendredi, il est encore possible de circuler sans trop de difficulté dans la foule. Ziggy et votre serviteur, arrivons pour l’entrée en scène des suédois de Graveyard. Leur rock, entre stoner et riffs seventies, chauffe efficacement le public de la Valley. L’inévitable Hisingen Blues est accueilli avec une nuée de bras aux doigts cornus. Les morceaux bien pêchus alternent avec des passages plus calmes—quoique…—, comme Uncomfortably Numb, tenant le public en haleine. Tout en nuance et sobriété, avec une présence indéniable, la musique du quatuor est une entrée en matière qui présage du meilleur pour cette édition 2019 du plus gros festival métal européen, ou peu s’en faut—180 000 festivaliers sur 3 jours en 2018.
Flashback en peau de léopard
Dans le train qui m’emmène de Nantes à Clisson, je pense aux malheureux fans de Manowar qui ne pourront pas voir le groupe sur la scène du Hellfest le soir même. Selon plusieurs sources, ils auraient annulé faute de pouvoir bénéficier d’une scène plus grande-ils avaient la même que Kiss ou Def Leppard, c’est-à-dire la plus grande- et de ne pouvoir dépasser les décibels autorisées. Ils ont donc remballé les tentes de peau, plié les slips léopards et sont remontés sur leur monture, dégainant leurs épées, et ont foncé vers d’autres combats qu’ils estimaient plus glorieux : la bataille finale n’aura pas lieu. Ajoutons qu’ils ont aussi annulé leur concert grec et estonien…caprice de stars?
Irish Rover
Alors qu’Ultra-Vomit et leur métal rigolo hurle Évier Métal à plein poumon et projette des confettis, les roadies installent la 2é scène pour accueillir la bande de bad boys du Massachusetts.
Après la Suède et son rock teinté de Creedence Clearwater, pas de temps à perdre : Irlande is calling. Sur le Mainstage 1 Dropkick Murphys se rue sur les planches, entrant sur Foggy Dew de Sinead 0’Connor. Les gars de Boston balancent leur punk-rock celtique énergique sous un soleil de plomb et une bonne chaleur qui fait suer Ken casey dès les premiers titres. Il faut dire qu’il ne se ménage pas et arpente la —grande—scène de long en large, harangue le public tout en chantant. On entendra les classiques, The Boys Are Back, ou Shipping Up To Boston en clôture, mais aussi des classiques irlandais, un reprise d’I fought the Law (The Crickets, mais popularisé par les Clash). Le show est évidemment aussi assuré par Al Barr, qui, casquette vissée sur la tête, asticote la foule sans avoir trop d’effort à faire pour convaincre : le public est conquis d’entrée, dès les premières mesures de The Boys are Back.
Setlist (merci setlist.fm) :
Intro :The Foggy Dew (Sinnead 0’Connor), Cadence to Arms,The Boys Are Back, Going Out in Style, Blood, Prisoner’s Song, Johnny, I Hardly Knew Ya, Caught in a Jar, The Walking Dead, Don’t Tear Us Apart, First Class Loser, Out of Our Heads, I Fought the Law, Cruel, The Irish Rover, The State of Massachusetts, You’ll Never Walk Alone (Rodgers & Hammerstein cover) , Until the Next Time, I’m Shipping Up to Boston manque Rose Tatoo! qui a été joué mais n’apparait pas dans la playlist…
Back in the Valley
Pas de repos pour les braves, nous nous redirigeons ensuite vers The Valley pour assister au concert épique des Cambridgiens d’Uncle Acid and The Deadbeats. Le son gras et lourd des quatre gars vous prend aux tripes. Leur doom psychédélique, lancinant et répétitif, les riffs repris à la tierce ou à la quinte qui entourent la voix nasillarde—qui prends parfois des accents à la Ozzy—de Kevin Starrs hypnotisent le public. J’avais quelques appréhensions concernant leur musique en live. Sentiment vite balayé. La taille de la salle Valley est vraiment idéale pour profiter à plein des spectacles. Ni trop grande, ni trop petite on reste proche des musiciens tout en profitant- et c’est valable sur l’ensemble des scènes, merci et bravo aux techniciens- d’un son irréprochable.
I’ll cut you down (merci Svetoslav Hristov)
Du lourd, du canard et du skate
Donc, à 23 :00, pas de guerriers nordiques avec épées et peaux de bêtes, mais on reste tout de même dans l’héroique-power-métal avec les gars de Sabaton, qui, après avoir assuré la veille au Knotfest, remettent ça sur le mainstage. Ironie du sort, le groupe, grand fan des anglais était resté pour assister au show. En définitive, ils joueront à la place de leurs idoles. Malgré tout, Joakim Broden, le chanteur, la voix usée par le concert du jeudi, laissera le lead vocal au guitariste.
Pendant ce temps là, à The Valley, entrait sur les planches un groupe dont je vous ai parlé l’année dernière et que j’attendais avec impatience : Fu Manchu.
Sur le site de Clisson Rock City, peut-être par l’illusion du soir qui tombe et l’intimité que crée cette ambiance semi-nocturne, le public s’est fait plus dense. Les torchères-mon dieu, quelle dépense de pétrole !-crachent leurs flammes oranges et éclairent par flash des costumes plus dingues les uns que les autres. Les métalleux sont vraiment des farceurs. On croise des canards humains—clin d’œil à Ultra-Vomit qui a bien fait rire le mainstage 1 l’après-midi ?—des guerriers velus, des barbus en robe rose, des masques d’Eddie (Iron Maiden), des Rainbow Flags, des hommes en kilt ou en robe, bref, c’est la fête, tout le monde s’en fout et on s’amuse. Pas discrimination, des nanas se baladent torse nu ou en string avec des collants sans provoquer plus de remous que cela, des mecs portent des T-shirts hyper graveleux, d’autres arborent des costumes cravates, le tout en bonne entente. C’est ça que j’aime dans ce public, c’est à la fois une vulgarité sans limite complètement assumée, et pourtant une grande classe et des comportements hyper respectueux. Il est bien rare de croiser un public festivalier où chacun se confond en excuses à chaque fois que deux personnes se bousculent. Et oui, les seuls murs que l’ont bâtit ici, ce sont des wall of death (pour ceux qui ne savent pas ce que c’est : ici).
L’accueil réservé aux papys du stoner californien est énorme et leur guitares ultra fuzzées font un bien fou. Les refrains simples et efficaces des California Crossing, King Of The Road ou Mongoose font toujours mouche ! Et les titres des derniers albums, comme Clone of The Universe ou Dimension Shifter (Gigantoid) : c’est du bonheur en barre les gars !
Setlist (setlist.fm) :
Evil Eye, Eatin’ Dust, Clone Of The Universe, California Crossing, Boogie Van, Redline, Coyote Duster, Hell On Wheels, Mongoose, Dimension Shifter, Laserbl’ast!, King of The Road, Szturn III.
Not the end!
Et pour finir en beauté, le méga show des excellents Gojira devant une foule compacte qui remplie le site nous en met plein les yeux et plein les oreilles. On aura l’occasion d’entendre des morceaux de toutes les époques, dont Love, extrait du premier album dédié aux groupes qui les ont influencés et aux potes du rock/métal français. La soirée se termine en apothéose avec un feu d’artifice qui magnifie le superbe The Gift Of Guilt du mésestime L’Enfant Sauvage. Comme toujours avec le meilleur groupe de métal jamais sorti de France (dixit Lamb Of God), le show est énorme et l’émotion à fleur de peau. Merci le Hellfest, merci les musiciens, c’était bon.
Setlist (setlist.fm) :
Oroborus, Backbone, Stranded, Flying Whales, Love, The Cell, Terra Inc. Silvera, L’enfant Sauvage, The Shooting Star, Drum Solo, Blow Me Away You (Niverse), Clone, Vacuity, The Gift Of Guilt
Et puis après, dodo ! Le samedi, sera chaud. Heureusement, c’est Ziggy qui se colle le live report.
*pour ceux qui ne savent pas ce que sont les wall of death :