Il y a quelques semaines, nous vous annoncions dans nos colonnes la première édition de l’Ocean Festival à Biarritz. L’évènement a vu le jour suite à l’initiative du journaliste Hugo Clément et du producteur Worakls. Le concept est simple, financer une association ou ONG liée à la préservation des océans grâce à un évènement festif et éco responsable. Pour leurs débuts, les organisateurs ont choisi l’ONG Sea Sheperd France, bien connue pour ses nombreux engagements pour défendre la faune et la flore, notamment en Méditerranée. Weirdsound vous propose de revivre cette belle soirée du 31 mars dernier.
Les 4500 places mises en vente sont parties en 48 heures, et on comprend pourquoi à la vue de la programmation de la soirée : Silly Boy Blue, Synapson, Polo & Pan, The Avener, Mosimann, Worakls, Vitalic…Le tout a un tarif abordable. Par ailleurs l’évènement est zéro plastique, et joue la carte du circuit court en faisant travailler des restaurateurs et professionnels locaux.
Place à l’action ! Vendredi 31 mars, après une courte nuit, direction la gare de Nantes pour se rendre à Biarritz. Le trajet ne prend que cinq heures et coute moins cher que le même déplacement en voiture : dès lors pourquoi se priver ? Après de courts arrêts dans les gares de Saint Pierre des Corps et Bordeaux, me voilà arrivé sur place.
La Hall d’Iraty où se tiendra l’évènement est à proximité de la gare, mon hôtel aussi : Quel bel alignement des planètes ! L’entrée se fait à partir de 17H – Je suis le flot de festivalier(e)s rentrant dans l’endroit, le tout est bien organisé et sécurisé, point crucial pour une « première fois ». Après de petites emplettes sur le stand de Sea Sheperd (on soutient la cause comme on peut) j’ai la chance de rencontrer Hugo Clément et Worakls en interview. Une très bonne introduction qui me permet d’apprendre pas mal de choses sur l’évènement, notamment que tous les artistes sont présents à titre gracieux. Les deux interviews seront à retrouver sur le site dans quelques jours, le temps pour votre estimé serviteur de les retranscrire. Je pars ensuite rapidement en direction de la scène, ayant déjà raté les premiers concerts de la soirée, ceux de Linoa et de Silly Boy Blue.
Synapson : Du son et un plaisir pour les synapses
Désolé de commencer sur un titre pareil ! Me voilà donc devant Synapson, un duo que je suis de longue date maintenant, pour nos lecteurs fidèles, je vous en parlais d’ailleurs en 2016 dans un de mes premiers live reports concernant la Nuit de L’Erdre, un autre festival engagé pour la défense de l’environnement. Ce soir, Alexandre est absent (j’aurai l’explication un peu plus tard) : Rassurez-vous Paul s’en sort très bien tout seul, il nous emmène rapidement dans un voyage musical chill et cool, parfait pour ce début de soirée.
Aux origines de Synapson, il y a deux jeunes musiciens plantés aux presque deux bouts de la France : à Paris, Alexandre, pianiste de formation et fana de jazz, et au Sud, Paul, DJ et fan d’électro et de hip hop. Amis d’enfance, ils forment Synapson dès que Paul rejoint Alex à Paris, et créent d’emblée leur son : un mix où le jazz et le rap se vernissent de mélodies soul. Après Haute Couture, un premier EP paru en 2010, Synapson sort en 2015 Convergence, dont le morceau All in You est la figure de proue. En 2018, avec son deuxième album Super 8, le duo continue de plus belle à faire danser les foules sur son électro-pop fluide et planante.
Pendant les confinements de 2020 liés au Covid, les deux musiciens collaborent à distance avec des artistes aux quatre coins de la planète, cela donnera naissance à Global Music Volume.1. Un excellent métissage des genres où la musique électronique sert de ciment à l’ensemble. Global Music Volume.2 vient de sortir, Paul a eu la gentillesse de me l’offrir après son set (encore merci !), un disque dans la continuité du premier volume, qu’on prend plaisir à écouter. Durant notre interview, Paul nous indiquait que le duo avait plein de projets en tête, avec un probable retour aux sources rap/Hip-Hop… Affaire à suivre !
The Avener : Généreux et talentueux
Le temps de faire une courte pause, me voilà de nouveau devant la scène, cette fois ci pour The Avener, artiste que je connais finalement assez peu en dehors de ses morceaux les plus connus. La réputation de Tristan Casara (son vrai nom) n’est plus à faire, aussi je suis ravi de pouvoir prendre enfin le temps de l’écouter une heure durant.
Originaire de Nice, The Avener s’intéresse très tôt à la musique, et notamment au piano, instrument qu’il pratique pendant une dizaine d’années à partir de ses 6 ans. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’il se découvre une réelle passion pour les platines et le métier de DJ qu’il rêve d’exercer à titre professionnel. Mais avant cela, l’adolescent se forme au métier dans des discothèques à la mode de sa ville natale, et se fait rapidement une réputation des plus sérieuses.
C’est l’enregistrement d’un morceau qui le rendra célèbre au-delà de Nice : The Fade Out Line, reprise du titre de Phoebe Killdeer & The Short Straws. La version du jeune DJ, plus moderne et dynamique, fait un carton dans le monde, sous le nom de Fade Out Lines, sorti en janvier 2014. La chanson a changé de titre, et l’artiste aussi change de nom : dorénavant, il se fait appeler The Avener, nom qui, dans la langue de Shakespeare, désigne le palefrenier du roi. Le succès de la chanson en fera en effet le nouveau roi des platines, et ce bien au-delà de sa ville de Nice. En France, mais aussi en Allemagne, en Autriche, en Belgique ou bien encore en Suisse, la chanson trouve son public, grâce notamment au web qui booste le nombre de vues.
Si l’année 2014 a été celle de la révélation au grand public, 2015 sera celle de son premier album. Baptisé The Wanderings of the Avener, le projet a été mené en un temps relativement court. L’album mélange avec succès du funk, de la house, de la soul, et même du piano, lui conférant une sonorité unique. L’album sera ainsi récompensé de plusieurs disques d’or et de platine, en France comme à l’étranger, mais aussi d’une Victoire de la musique électro en 2016. The Avener se voit offrir la possibilité de collaborer avec Mylène Farmer pour l’album Interstellaires pour lequel il produit la chanson Stolen Car (on y retrouve aussi la participation de Sting). Il collabore avec d’autres artistes de renom comme Adam Cohen sur We Go Home, ou bien encore Laura Gibson sur We Belong. En 2018, il sort un rework de Masters of War de l’illustre Bob Dylan, dont il est fan.
Entre collaborations et retours derrière les platines, The Avener ne chôme pas et enchaîne les projets musicaux. Mais celui qui lui tient certainement le plus à cœur est probablement l’enregistrement d’un second album. L’artiste est un perfectionniste et il n’envisage pas d’enregistrer un album qui ne serait pas totalement maîtrisé. La deadline qu’il s’était fixée était fin 2018, mais ce ne sera finalement qu’en janvier 2020 que sera dévoilé le précieux opus nommé Heaven. À l’inverse du précédent album, celui-ci comprend très peu de reprises. Sur une cinquantaine de titres travaillés, l’artiste en a choisi une quinzaine. Au total, ce sont 80 % des chansons de cet album qui sont des compositions originales de The Avener, le reste étant composé pour l’essentiel de reworks.
Présentation un peu longue, j’en conviens, mais ce que n’est que justice pour un artiste peu présent dans nos colonnes : il fallait rattraper le temps perdu ! Pour en revenir à son set durant l’Ocean Fest, c’était parfait. Très attendu par le public, l’ambiance est montée très vite dans la salle de la Hall Iraty ! The Avener réussissant par ailleurs à placer une partie du célèbre discours de Greta Thunberg devant l’ONU durant sa performance. L’heure file très vite, il est ovationné comme il se doit par les festivaliers ; pour ma part je me fais la promesse de réécouter attentivement ses deux albums.
Polo & Pan : Et l’ambiance devient caliente !
Eux aussi ne sont pas des inconnus sur weirdsound : J’ai eu la chance de croiser Polo & Pan lors de l’édition printemps 2019 des Z’eclectiques : comme le temps passe vite ! A l’époque j’avais déjà apprécié la house music des deux compères, qu’on pourrait résumer en deux termes : tropicale et festive.
Derrière Polo & Pan se cachent Paul Armand-Delille et Alexandre Grynszpan, connus respectivement sous le surnom de « Polocorp » et « Peter Pan ». Le premier, passionné de dessin et de musique, a fait des études de journalisme télé avant de se lancer dans la réalisation de clips et le mixage. Le deuxième a une formation classique au conservatoire, où il a joué du piano, des percussions et du violoncelle. Il entame des études de cinéma avant de se tourner finalement vers le mix électro.
Les deux officient chacun en tant que DJ lors de soirées à Paris. En 2012, ils se rencontrent lors d’un événement au Baron, célèbre bar-discothèque. L’entente est immédiate et les deux DJ décident de collaborer. Dès 2013, Polo & Pan sort son premier EP, Rivolta, rapidement suivi d’un deuxième, Dorothy. Les labels Hamburger Records et Ekler’o’shock leur font confiance et signent avec eux pour de futurs singles. En 2015 sort le premier succès du groupe, Plage Isolée. Une ambiance tropicale, des mélodies venues d’ailleurs, un rythme tranquille qui inspire les vacances!
Ce single est suivi de Canopée, avec les voix d’Armand Penicaut et de Victoria Lafaurie. On entend cette chanson résonner tout l’été sur les ondes ; elle parle à toutes et à tous avec ses paroles mystérieuses, sa musique envoûtante de bossa-nova et son refrain qui reste dans la tête. La carrière de Polo & Pan connaît alors un bond fulgurant : il devient le duo de DJ du moment à Paris.
Polo & Pan enchaîne avec les singles Nanã, Bakara et Jacquadi, en duo avec le troublion de l’électro française Jacques. La chanson Cœur croisé, qui relate la légèreté d’une rencontre amoureuse en pleine rue, connaît également un vif succès. En 2017, Polo & Pan sort son premier album studio, Caravelle. Le disque est salué par la critique et rencontre un franc succès (il sera certifié disque d’or). Polo & Pan a réussi à percer en France et à l’étranger, notamment aux USA, propageant ainsi l’image de la french touch électro nouvelle génération.
En 2019, Polo & Pan sort l’EP Gengis, qui comprend deux remixes. L’année suivante, c’est au tour de Feel Good, avec quatre titres inédits. Pendant le confinement, Polo & Pan en profite pour travailler sur son deuxième album studio. Cyclorama sort en juin 2021, porté par le single Ani Kuni. Cette chanson est une interprétation libre d’une prière amérindienne millénaire. Le duo de DJ revisite l’air en y apportant des touches joyeuses et légères. Soucieux du sort des communautés indigènes et amérindiennes, Polo & Pan décide de reverser toutes les recettes de la chanson à la National Indian Child Care Association (NICCA).
Dans le cadre de l’Ocean Fest, leur performance est pleine d’humour et d’autodérision, une habitude chez eux. Les festivaliers leur rendent bien, l’ambiance est au top et c’est un réel plaisir de sentir ces bonnes vibrations se propager et faire danser tous le monde. Un très bon choix de programmation et un passage remarqué du duo de DJ qui m’a donné envie d’approfondir mes connaissances les concernant en préparation de cet article.
Alors que Polo & Pan quittent la scène, Hugo Clément et Worakls viennent saluer le public en compagnie de Lamya Essemlali, la présidente de Sea Sheperd France. L’occasion de remercier les 4500 personnes présentes et de rappeler la cause soutenue par l’évènement. La France ayant aujourd’hui le second domaine maritime mondial, la préservation des espèces vivants dans les Océans est un combat que nous devons nécessairement mener. Cette prise de parole est aussi l’occasion d’annoncer la seconde édition du festival qui se tiendra sur deux jours en avril 2024 : en voilà une excellente nouvelle ! A la fin de l’intervention, Worakls reste sur scène pour relancer la soirée musicale, qui s’annonce sous les meilleures augures.
Worakls : du talent et de l’émotion
j’ai hâte de découvrir Worakls en live, une grande première pour moi. Je fais partie de ceux qui ont beaucoup apprécié son album Orchestra (2019), puis son travail pour la BO du document de Hugo Clément Sur le front des animaux menacés. Au-delà de cette collaboration, Worakls a aussi apporté son soutien à Camille Etienne pour son action contre les projets de pipelines du groupe Total en Ouganda. Durant notre interview, nous avons aussi évoqué les sujets de bilan carbone et d’éthique quand on est artiste. Une discussion passionnante que vous pourrez lire dans quelques jours sur le site, je ne m’étends donc pas sur le sujet ici!
Je le dis d’emblée, si on devait retenir un moment phare pour résumer l’Ocean Festival, cela serait incontestablement la performance de Worakls. Accompagné par la violoncelliste Esther Abrami pendant une partie de son concert, il nous a embarqué dans une magnifique odyssée musicales, rappelant les productions de Thylacine par certains aspects.
Formé au piano (conservatoire de Versailles dès l’âge de trois ans) et à la musique classique, Worakls est un expérimentateur talentueux, capable de passer du bon gros morceau punchy (Crow, titre avec lequel il clôturera d’ailleurs son set) à des moments beaucoup plus contemplatifs voire minimalistes. L’alchimie fonctionne parfaitement sur scène, c’est du travail d’orfèvre musical.
Worakls nous quitte, laissant une fosse à bout de souffle mais qui en redemande. Tendant l’oreille aux commentaires dans la foule des festivaliers, les réactions sont unanimes : c’était splendide. Dire que je vous incite à aller à sa découverte relève de l’euphémisme.
Mosimann : De l’énergie à revendre et un flashback dans les années 90
Après la grosse claque mise par Worakls, difficile de revenir les pieds sur terre ! Pas de répit pour les braves (festivaliers), Mosimann arrive déjà pour prendre la relève. La carrière du monsieur est plus que respectable, quelques recherches sur internet vous sortiront des listes longues comme le bras de collaborations ! Il a notamment remporté la Star Academy en 2008, fait plusieurs participations en tant que coach à l’édition de The Voice version belge, composé les paroles des titres de l’album Mesdames de Grand Corps Malade en 2020… et bien entendu beaucoup tourné autour de la planète en tant que DJ avec de nombreuses récompenses à la clé !
Le hasard (ou la destinée) a fait que j’ai déjà entendu Mosimann il y a quelques mois dans une célèbre boite de nuit nantaise : A l’époque, je n’avais pas été spécialement emballé, mais il faut toujours donner une seconde chance, c’est ce que m’ont enseigné les moines bouddhistes auprès desquels j’ai grandi.
Nous voilà donc partis, et c’est plutôt bien ! Une bonne house des familles efficace et qui fait se trémousser. Surprise, Worakls vient se joindre à Mosimann pour un titre inédit, un petit cadeau pour les festivaliers de l’Ocean Fest. La première demi-heure se passe donc bien. Mais (car il y a un mais), la seconde partie du set dérape vers des remix de titres des années 90/2000 (Eiffel 65, Robin S, Corona et j’en passe…) qui tranchent clairement avec les sommets électroniques que nous avons atteints durant le set précédent de Worakls. J’aurai préféré qu’il soit programmé un peu plus tôt dans la soirée, naturellement cette réflexion n’engage que moi. Je m’éclipse une dizaine de minutes avant le fin, histoire d’aller boire un coup et de revenir reposé pour la fin du festival !
Vitalic : Le maître incontesté et incontestable !
Pas le temps de souffler, voici Vitalic qui arrive sur scène ! Le vétéran de la scène techno française a le privilège de passer en dernier pour clôturer le festival. Si vous nous lisez régulièrement, vous connaissez sans doute ma sympathie pour ce producteur et artiste qui a le don de me surprendre, que ce soit avec Vitalic ou avec ses projets parallèles, comme Kompromat par exemple. Vitalic fêtait ses vingt ans de carrière l’année dernière, sortant pour l’occasion deux très bons disques que j’écoute régulièrement, Dissidence 1&2. C’est peut être la douzième fois que je le vois en dix ans, toujours avec autant de plaisir.
Le moins que l’on puisse dire c’est que pour cette fin de soirée, Vitalic a décidé d’envoyer du lourd ! Nous voilà dans une ambiance à deux doigts de la rave, bien loin de la disco futuriste d’un album comme Voyager. Dans les première minutes, nous entendons le classique et culte Poison Lips (vidéo ci-dessous) avant d’enchainer sur un mix de morceaux piochés à droite et gauche dans les deux derniers albums mais aussi dans les plus anciens. C’est de la folie pendant une heure, après avoir fait quelques photos et vidéos, je me plonge dans la foule des premiers rangs pour en profiter un maximum!
Il est pile deux heures du matin : La musique s’arrête et je rejoins le flot de festivalier(e)s visiblement heureu(ses)x de leur soirée. Cette première édition de l’Ocean Fest est une réelle réussite, tant sur le fond que sur la forme : Un cadre sympa, une programmation qualitative, une organisation bien rodée, une super ambiance et aucun débordement… Sans compter un beau geste pour Sea Sheperd France .
Ce n’est que le début de l’histoire pour l’Ocean Fest, qui s’inscrit d’ores et déjà comme un évènement à suivre. Pour ma part, je suis impatient de connaître le programme de la seconde édition (qui sera donc sur deux jours) en avril 2024, avec le sentiment agréable de donner un modeste coup de main à une cause qui nous concerne toutes et tous !