Le Hellfest 2024, grand messe metal s’il en est, se prépare tranquillement. La programation montre toujours ce même éclectisme de choix dans la galaxie rock au sens large du terme, et au-delà même, puisqu’on pourra voir Foo Fighters et QOTSA tout comme Machine Head, Metallica ou The Prodigy. Mais au sein de ces presque 200 groupes, il y a des noms, certes connus de certains, mais qui passent souvent sous les radars d’un public certainement amateur mais peut-être moins averti. Alors si nous avons évoqué ici des artistes comme Corrosion Of Conformity, Nebula, Kvelertak, Foo Fighters, ou Brutus, il y a des groupes qui méritent (pas plus que d’autres, le choix est subjectif, je vous l’accorde) que l’on s’arrête un peu dessus. Voici donc un petit tour d’horizons parfois en forme de rappel ou de « tiens, ils existent encore? » de ces formations à (re) découvrir.
1000 Mods
Dans la famille stoner, je voudrais la branche grecque. Formée en 2006, quatre albums au compteur 1000 Mods (du nom de leur ville natale, Chiliomodi, Chillia se traduisant par 1000…), est une formation qui mélange stoner énergique, sons plus lourds, parfois psyché et tendances doom avec des influences plus punks/rock high energy. Le riff de leur titre emblématique Vidage issu du premier album Super Van Vacation, est repris en cœur par les foules dans les stades grecs, signe de l’engouement qu’ils peuvent susciter. À ne surtout pas rater donc. The Valley, jeudi 27.
Alien Weaponry
Du thrash/groove chanté en maori et balancé par des ado métis à peine majeurs? Oui, pour ceux qui seraient passés à côté du phénomène, Alien Weaponry, c’est cela, avec le talent et l’originalité qui vont avec pour en faire un groupe qui sort largement du lot. Autant dire que ça vaut le déplacement. Une énergie communicative, des riffs qui envoies graves (Hatupatu par exemple avec un petit côté Sepultura période Cavalera ou Machine Head première époque pour situer), on est pris dans un maelstrom de bruit et de fureur à la force tranquille. Formé en 2010 par deux frères batteur et guitariste alors âgés de dix et huit ans, ils se sont adjoints les services d’un bassiste en 2013, gagnant ensuite de multiples récompenses. Ils sont déjà apparus sur les scènes du Hellfest, malheureusement à l’époque en matinée, et nous vous en avions un peu parlé ici ou là. Espérons que cette fois-ci ils auront gagné un créneau plus porteur! Mainstage 01 le samedi 19.
Nova Twins
Deux fausses jumelles pour un vrai duo de choc. Nous avions vu avec bonheur (et pris une bonne claque) les deux anglaises de Nova Twins sur la scène d’Aucard de Tours en 2019. Depuis , elles ont fait un bon bout de chemin et gagné leurs galons sur la scène metal/groove metal. Leur musique alterne chant scandé ou rappé, refrains accrocheurs, riffs de basse et de guitare qui révèlent une certaine influence du côté de RATM comme de la scène nu metal ou encore du rap. Tout comme Alien Weaponry, elles avaient déjà été programmées au Hellfest en matinée. Au vu de leurs performances devant les foules, il serait dommage de passer à côté cette fois-ci. Mainstage 01 le dimanche 30.
Clawfinger
Voici un nom qui dira peut-être quelque chose à ceux qui ont vécu la vague fusion des années 90 avec RATM, Urban dance Squad, Infectious Grooves, Dog eat Dog et bien d’autres qui mélangeaient rock, metal, indus, rap pour faire naitre une nouvelle musique. Clawfinger est né à cette période et a marqué le monde du rock et du metal avec un premier album brut, enregistré sans effet, sans fioriture ni concession. Deaf Dumb Blind sorti en 1993 avait effectivement marqué le genre d’une pierre blanche. On s’attendait à ce que le groupe explose et connaisse le même succès que leur cousin de RATM. Et, en dépit d’un passage sous les radars, le quintet de Stockholm n’avait pas rentré les griffes et avait continué jusqu’à leur séparation en 2013. S’ils n’ont pas annoncé de reformation, ils apparaissent depuis régulièrement dans divers festivals. Warzone le vendredi 28.
The Dead Krazukies
Du punk rock français mélodique qui n’a rien à envier aux cousins des US (NoFX, Green day et autres), des BPM qui font exploser les métronomes, des mélodies à vous faire hurler pendant toute la durée d’un show, et qui vous accompagneront encore longtemps après, voilà ce que sont les Dead Krazukies (du nom du résistant proche de l’affiche rouge qui fut ensuite délégué générale de la CGT dans les années 80). Ils ont récemment présenté leur propre interprétation du tube repris par Carpenter Brut, Maniac, sur leur excellent album sorti en 2023, From The Underworld. Du pogo dans l’air et une extinction de voix à prévoir lors de leur passage sur la Warzone le samedi 29.
Therapy?
Vous vous souvenez de Babyteeth ou Trublegum? De Going Nowhere et de son air entrainant? Un des rares morceaux rock à passer à la radio française dans les années 90? Oui? Alors non, ils n’ont pas disparus les valeureux irlandais du nord. Ils n’ont même jamais arrêté et ont sorti un très bon dix-septième album l’an dernier, Hard Cold Fire. Le son et le line-up a évolué au fil de ces décennies, mais ils n’ont rien perdu de leur hargne des débuts, ni de cette propension à sortir des mélodies imparables sur des musiques toujours aussi âpres. J’ai le souvenir d’un très bon concert au Printemps de Bourges il y a quelques (nombreuse) années—quand il y avait encore du rock et du metal au PdB— avec Mudhoney et Headcleaner. Efficacité et présence scénique étaient déjà au rendez-vous. Revenu à la formule power trio avec toujours le membre originel, Andy Cairns (chant/guitare) épaulé par Michael Keegan (batterie), et Neil Cooper (basse), ils seront sur la scène de The Valley le dimanche.
Gozu
Gozu, c’est ce film de Yakuza de 2003 de Takashi Miike, mais c’est aussi un groupe de stoner de Boston formé en 2007 et qui sera sur la scène de The Valley le vendredi 28. Dans la plus pure veine des groupes du genre, les bostoniens assènent des compositions efficaces et énergiques ponctuées d’ambiances lourdes. On pense parfois à Corrosion Of Conformity ou Orange Goblin même si le groupe garde toute sa personnalité. Leurs titres sont bourrés de références cinématographiques éclectiques comme Tom Cruise Control, Rambo 2, Ben Gazzara Loves No One, Manimal ou encore Lorenzo Llamas, (vous vous rappelez, Amour Gloire et Beauté, Mega Shark VS Giant Octopus? Bon, en fait, ce n’est peut-être pas ma peine…). Vous aurez compris que les quatre gars de Gozu—barbus comme il se doit—ne se prennent guère au sérieux. À déguster le sourire aux lèvres.
Green Lung
Leur prestation m’avait largement convaincu lors de leur passage au Bataclan en compagnie de Clutch et Tigercub (groupe dont l’écoute est également vivement conseillée!) en 2022. Entre heavy metal à papa, clins d’œil aux mastodontes des 70’s avec la présence d’un guitariste aux poses de virtuoses et aux envolées solistes flamboyantes, et stoner/doom, les anglais sont devenus cultes en moins d’une demi-douzaine d’années. Le rock occulte de Green Lung (des clips sur Weirdsound ici), peuplé de sorciers.eres, de références à des rites païens plus ou moins fantasmés, trouve à se déployer pleinement sur scène. Ils trimballent leur mysticisme au travers des compositions épiques qui pourraient sans complexe rivaliser avec la meilleure époque de Rainbow (celle avec R. J. Dio, Cozy Powell, Tony Carey et Jimmy Bain). Le 27 sur la scène de The Valley.
Julie Christmas
Toujours sur The Valley, le 29 juin, une artiste dont le nom résonne fortement avec celui de Cult Of Luna, musiciens avec lesquels elle a commis un petit chef d’œuvre en 2016, Mariner. Le registre post-metal/post-hardcore/sludge de la chanteuse s’accordait effectivement parfaitement avec l’univers sombre des suédois. Son chant sait se faire caressant ou, au contraire puissamment agressif, rugueux. Si la newyorkaise ex-Made Out Of Babies et Battle Of Mice n’a que peu produit en solo depuis son deuxième album Coextinction Records 5 en 2011, elle a en revanche multiplié les collaborations (Spylacopa avec d’ex Dillinger EscapePlan et Isis) et a repris la scène depuis cette année, notamment accompagné de Johannes Persson (en personne) de Cult Of Luna. Un single toujours dans cette veine sludge/post, Not Enough, est même sorti sur le label du groupe, Red Creek, en avril 2023. Pour les amateurs d’ambiances sombres et d’émotions fortes, évidemment à ne pas rater.
Chelsea Wolfe
Est-ce vraiment utile finalement de présenter Chelsea Wolfe? Après sa collaboration sur le cinquième LP de Russian Circle (Memorial, 2013), le magnifique Bloodmoon : I avec Converge (2021) et ses onze albums solo, c’est donc le dernier en date, She Reaches Out to She Reaches Out to She qui est sorti ce 9 février et qu’elle viendra défendre en live sur la scène de The Valley (décidément…) le même jour que Julie Christmas, le 29 juin. Celui-ci penche résolument vers un trip-hop sombre qui peut parfois faire penser à l’univers d’un Tricky, comme le suggère le single ci-dessous. Ne boudez pas votre plaisir.
All them witches
Pour les lecteurs de Weirdsound, ce groupe n’est pas inconnu, Fatherubu vous en avait parlé ici. Originaire de Nashville, la musique d’All Them Witches (titre d’un livre de sorcellerie qui apparait dans le film Rosemary’s Baby) est fortement teintée de blues et de psyché. Peut-on parler de stoner? Au sens large peut-être. Ici rarement de gros riffs dévastateurs, mais plutôt des ambiances mélancoliques, bluesies et aériennes qui savent exploser au bon moment sans pour autant donner dans le gros son. Si vous voulez, on pourrait dire qu’ils sont un savant mélange entre Pink Floyd, Queens Of The Stone Age et ZZ Top… Rien que ça devrait vous mettre l’eau à la bouche. Le 27 sur … The Valley (ah, tiens?).
Bon, vous saurez où rencontrer une partie de la rédac de weirdsound une grande partie du festival. Reste une programmation hors du commun qui, comme à son habitude, sort des sentiers battus du métal pour fouler des contrées plus lointaines. Nul doute que nous serons présents devant bien d’autres scènes pour apprécier cette édition qui s’annonce bien plaisante.