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Avec Fear Inoculum, Tool creuse le sillon

Avec Fear Inoculum, Tool creuse le sillon

Patience et longueur de temps…

13 ans! Il aura fallu attendre 13 ans pour que les Californiens se fendent enfin d’un nouvel album. Certains, dont votre serviteur, n’y croyaient même plus, presque persuadés qu’il s’agissait d’un plan de com ou d’un marronnier des journalistes musicaux afin de faire vendre du papier. Mais non, il est bien là, avec sa pochette au visuel un peu désuet, style  graphisme numérique d’avant-garde des années 90. Comme entrée en matière, on aurait pu faire mieux. Surtout après l’impressionnant show du Hellfest qui nous avait, Ziggy et moi, cloués sur place, autant en termes d’images que de musique. (ici et ici). Le groupe nous avait tout de même gratifiés alors d’un nouveau titre—Descending—qui s’intégrait à merveille dans leur setlist au sein des anciens morceaux. À noter que Maynard James Keenan a opté pour la configuration scénique à la Lo-Pan en restant en retrait derrière ou à côté de la batterie.

La tonalité de l’album avait été ainsi donnée : des morceaux atmosphériques, qui se développent sur une dizaine de minutes, plus dans la continuité de 10 000 Days que dans l’esprit des premiers enregistrements.

Une tambouille qui ne prend pas, ou un plat de gourmet?

À la première écoute, on ressent comme une impression de remplissage : les passages, souvent accompagnés d’une rythmique très tribale comme ils en ont le secret, semblent s’étirer inutilement, sans réellement emmener l’auditeur, ni provoquer de grands frissons comme pouvaient le faire des titres comme Stinkfist (Ænima), ni d’accès de rage ou de violence contenue comme sur l’album Undertow, ou encore le morceau Hooker with a penis (Ænima encore). Mais de longues plages atmosphériques, des instruments et un chant qui donnent l’impression d’avoir été enregistrés et composés dans la longueur, dans un grand fourre tout d’idées, sans véritable intention. Un peu comme on intègrerait des ingrédients dans une recette improvisée au fur et à mesure de l’arrivage du marché… Il est vrai qu’en 2013, on avait pu lire dans Rolling Stone que « Keenan résumait la progression de l’album à l’époque au travers d’une analogie culinaire (wikipédia) » :

Basically right now it’s a lot of ideas. There’s no actual songs…It’s still kind of noodles in a big basket. Lots of noodles, just no dishes.

Fondamentalement, à l’heure actuelle, c’est beaucoup d’idées. Il n’y a pas de morceau… C’est encore un peu comme un plat de nouilles dans un grand panier. beaucoup de nouilles, mais pas de couverts…

Dit comme ça, on pouvait se demander si le groupe ne manquait pas d’inspiration et ne se forçait pas un peu à donner une suite à 10 000 Days. C’était aussi sans compter avec les side-projects qui accaparaient chacun des musiciens, des accidents de la vie (de moto notamment pour Carrey et un des quatre membres), mais aussi une volonté de peaufiner la recette et de cuisiner les ingrédients jusqu’à trouver la bonne saveur.

Des titres qui prennent leur temps : un album de 7 morceaux pour 80mn d’écoute!

Mais c’est aussi sans dire que Tool n’est pas un groupe comme les autres, et la musique que ses quatre membres produisent n’est jamais gratuite, ne veut jamais se laisser enfermer dans un style, préférant créer son propre genre. Et, en multipliant les écoutes, on se laisse prendre au rythme progressif, presque dolent, très particulier du disque. Les riffs et mélodies, telles des compositions répétitives et minimalistes d’un Glass ou d’un Reich (écoutez les premiers accords au violoncelle de Fear Inooculum ou les arpèges de Culling Voices), évoluent lentement, se transforment, se modifient pour accoucher d’autre chose. D’une impression de gloubi-boulga musical, on passe à un sentiment d’écouter quelque chose de profond, d’intense, qui demande toute notre attention. L’inverse de la musique actuelle en somme.

C’est bien ce qui avait fait la force du quatuor lors de la sortie d’Undertow en 1993 qui leur avait valu une large reconnaissance à l’époque et qui fait dire aujourd’hui que Tool avait alors révolutionné le genre jusque dans la façon même d’orienter l’auditeur dans son écoute.

À l’origine, l’album devait se présenter sous la forme d’une seule et unique plage longue de quatre-vingt et quelques minutes, le tout lié par des interludes musicaux dont il ne reste que deux ou trois selon les versions de l’album. Pour ce qui est de Chocolate Chip Trick, sur la version que je possède… bon, quant à savoir si cela apporte réellement quelque chose. J’avoue ne pas avoir beaucoup de regret à zapper ce dernier malgré le très bon solo de batterie de Carey.

Le métal dont Tool est forgé est un alliage de rock progressif (King Crimson, Pink Floyd…) et de rock transgressif (Melvins, Punk…). Il n’est donc pas étonnant d’y retrouver ces ingrédients savamment dosés dans le mélange qui nous est proposé. mais à cela s’ajoute le désir de toujours faire sens, de donner plusieurs niveaux de lecture, d’engager l’auditeur à avoir une véritable écoute qui débouchera sur une réflexion et une remise en cause des ses préjugés, obligeant donc à une lecture attentive de ce qui constitue l’essence de leur création.

Avec le temps vient la sagesse

Comme toujours chez Tool, il faut creuser pour mieux destructurer la musique et les paroles afin d’en ressortir la « substantifique moelle ». La  thématique principale du disque, toujours selon Keenan, en est la sagesse et la connaissance qui viendrait avec l’âge (ça se discute quand on voit celui de l’électorat d’extrême droite…). Ici, c’est le chiffre sept, dont la symbolique chrétienne est la perfection associée à Dieu (le chiffre 5 pour l’homme, 6 pour la Bête et 7 pour Dieu), qui donne le tempo. En effet, et certainement au-delà de toute symbolique religieuse, de nombreux rythmes sont construits sur ces mesures, l’album contient sept morceaux, dont le dernier, intitulé 7empest… Du reste, le chiffre sept ouvre bien plus d’interprétations symboliques qu’uniquement celle du culte chrétien, tellement il existe de significations possible derrière ce chiffre (les sept nains, les sept de table, les sept de vigne… bon, les sept doigts de la main de mon voisin opérateur dans une centrale nucléaire. Ok, j’arrête).

Le jeu des musiciens s’en ressent également. Il y a un je ne sais quoi de plus apaisé, de plus réfléchi et serein dans la manière dont chacun des quatre use de son instrument. Les riffs de guitare rageurs et répétitifs  d’Adam Jones ont peu à peu fait place à quelque chose de plus aérien et épuré, privilégiant l’efficacité sur la virtuosité. Les rythmes de Dany Carey forment une sorte de méditation transcendantale (oui, « careyment! ») rythmique, chaque coup de baguette s’avérant strictement nécessaire, justement placé et effectué avec le geste juste. Cela peut paraitre subjectif, mais en s’immergeant dans l’écoute de l’album, on ne peut s’empêcher d’y entendre un écho spirituel fort, témoin de la personnalité de chacun de ses membres.

Les mélodies de Keenan serpentent dans les conduits auditifs comme des mantra, s’affranchissant de toute typologie pop ou rock, adoptant tantôt des accents arabisants, tantôt un ton monocorde, psalmodiant et répétant des mots comme on réciterait une prière (à la fois, pour ce que j’en sais…). On est plus proche du Keenan de A Perfect Circle que des vocaux rageurs du Tool des débuts.

Les lignes de basse métalliques et lourdes de Chancellor s’enfoncent toujours plus au fond du temps, obligeant par un phénomène de sujétion auditive à bouger la tête de haut en bas de façon répétitive et saccadée. Les riffs de la quatre cordes sont encore et toujours aussi efficaces et savent apporter de la fraicheur mélodique lorsque nécessaire.

Un petit pas pour Tool , un grand pas pour le métal ?

Des sept titres de cet opus, 7empest qui clôt le disque est certainement celui qui résume le mieux l’évolution du groupe en mettant largement en avant les aspects jammés du titre : plus de quinze minutes avec des variations de rythmes, des riffs qui s’installent sur le temps, des soli de guitare (rares chez Tool, ils reviennent sur cet album, tout en sobriété), des effets de voix, des temps forts, des baisses d’intensité et un final en apothéose… Bref, tout ce que l’on peut attendre d’un bœuf (pas bourguignon) réussi.

Fear Inoculum donne l’impression au final que le groupe a repris son chemin là où il l’avait laissé avec 10 000 Days, continuant à creuser son sillon si personnel, à apporter au genre métal (large s’il en est) un air encore différent. Et encore une fois, le groupe repousse ses propres limites et entraine son audience à faire de même en lui offrant une expérience musicale toujours plus complexe et dense qui bouscule les conventions « genresques ».

L'album Fear Incolum de Tool vient de sortir!
L’album Fear Incolum de Tool vient de sortir!

Liens :

https://toolband.com/

 

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