Chapitre I :
Il pleut sur Aucard comme il pleut sur la ville
Et oui, ce ne sont pas les chaleurs moites de l’an dernier qui caractérisent cette édition, mais un tapis de boue régulièrement renouvelé par un ciel changeant et des températures qui font dire à mon ami Bertrand : « Winter is coming!«
Heureusement, la programmation doit nous réchauffer. Du moins, c’est ce que l’on espère en ce mercredi soir où Weirdsound était présent.
Qu’est ce qu’il y avait à se mettre sous l’oreille ce 5 juin?
Et bien comme tous les ans, l’équipe d’Aucard/Radio Béton avait mis les petits plats dans les grands : ce soir là, on attendait pas moins que les Black Lips et Carpenter Brut. Autant pour leur réputation de show lapins que pour leur musique. Et finalement, les véritables surprises sont venues d’où on ne les attendait (presque) pas.
Tout avait commencé par une froide et pluvieuse soirée de juin où le public semblait vouloir se faire prier pour sortir. D’ailleurs, bon nombre de spectateurs, dont votre humble (ah bon?) serviteur, se demandaient comment ils allaient bien pouvoir ressortir du tas de gadoue parfois profond qu’était devenu le parking. Mais bon, entre l’ouverture à 19h et la fin des hostilités vers 2h, il y avait de l’eau qui pouvait couler sous les pneus.
Comme chaque année, le site du festival sur la Gloriette de Tours devient un lieu convivial, sympa et ludique, avec cette année une thématique complotiste assumée : on nous cache tout, on nous dit rien (merci Jacques).
J’étais venu alléché par les groupes phares de la soirée, espérant comme d’habitude avec Béton et Aucard faire au passage une ou deux heureuses découvertes, mais aussi attiré par le plaisir de croiser des amis avec qui partager ce moment.
Vers 19h30, une Petite Maiz’ (bière locale hautement recommandable) dans une main et un délicieux plat végan du Shanti-Shanti dans l’autre, je déambule sur le site qui se remplie d’une foule impatiente. Certes, au rythme d’une piscine olympique que l’on tenterait de combler avec un robinet de jardin, mais qui, au moment où Francky Goes To Pointe à Pitre entre en scène est déjà assez nombreuse pour emplir le petit chapiteau.
Chapitre II :
merde, nom de dieu, bouge ton cul et vient danser! (Funkadelic, ou à peu près)
Et, comme de coutume à Aucard, le public est partant du moment que le show est assuré. C’est une constante et plutôt une surprise chaque année que de constater que le public du festival fait mentir la réputation de public assez réservé des tourangeaux. D’autant plus que cette année la météo s’acharne sur le festival et que les températures sont loin d’être de saison. Déjà, rappelons-le, en 2016 les inondations avaient obligé les organisateurs à annuler l’évènement. Mais contre vents et marées, « the show must go on« . Donc, malgré l’arrivée de Miguel annoncé hors programmation pour le vendredi soir, l’humeur est bonne et l’ambiance toujours aussi festive et sympa. Les Francky n’ont donc pas trop de mal à réchauffer l’audience qui se prépare pour ces 5 jours de concerts. Leur zouk-rock instrumental fait remuer le popotin des plus réticents. La programmation s’annonce excitante.
Ce premier soir est malheureusement un des deux seuls de ces cinq jours où je serai présent. Je raterai donc pas mal de groupes et certainement de shows mémorables. Toujours est-il que, si le reste de la programmation est à la hauteur de ce que j’ai vu lors de ces deux soirées, on peut dire que comme tous les ans, Aucard réserve à chaque fois de magnifiques surprises, mais aussi des déconvenues qui laissent parfois l’impression d’être passé juste à un poil du sublime. Bien sur, le compte rendu de ces évènements reste tout à fait subjectif et soumis aux humeurs du spectateur que je suis. Et il est donc bien normal que certains lecteurs ne se retrouvent pas dans ces lignes.
Ainsi, après cet échauffement sous le petit chapiteau, je me dirige donc vers la grande scène où doivent se produire les nouillorkais de Underground System. Je le confesse, n’ayant pas écouté le groupe, je n’avais aucun à priori ni aucune attente particulière.
Mené par la très dynamique et sensuelle flutiste/chanteuse Domenica Fossati qui joue le rôle de chef d’orchestre, le groupe commence son set sur un tempo hypnotique et répétitif qui va petit à petit emmener les spectateurs dans un univers chaleureux et coloré, où l’électro-world le dispute au funk et à la musique de Fela dont leur nom est inspiré. Les morceaux s’étirent, se transforment, les rythmes afro-beat font chavirer le public qui se met à osciller tel l’océan sous une douce brise estivale (matin, quelle poésie!). On aura même droit à une version electro-beat-funk de Blue Monday ! Le pied quoi.
Je passe vite les oubliables « I say fuck, you say Yeah! » de Dope Saint Jude, duo de rappeuses venues de Cape Town qui enchainent après les musiciens de la Big Apple sous le petit chap, et fait une pause Maiz’ bien méritée pour aller attendre les Black Lips avec les fans devant la grande scène.
Ouaf ! Quelle attente ! Le public se masse derrière moi et, très vite, la chaleur monte sous le chapiteau. Mais lorsque le combo entre en scène, dès les premières notes, ô, malheur, cruel destin, enfer et damnation ! Le son est absolument exécrable ! Pas de basse (d’ailleurs Jared Swilley doit s’y reprendre à plusieurs fois pour faire sonner son instrument), des voix noyées dans un gloubiboulga (les plus de 40ans apprécieront la référence) sonore. Et lorsqu’enfin on a la chance d’avoir une basse, c’est un déluge de sub qui finit de couler le navire Black Lips. J’ai beau m’éloigner pour tenter de trouver un endroit plus confortable pour mes pauvres esgourdes, rien n’y fait : on nage en pleine bouillie auditive. Même déception chez les amis croisés dans la foule. C’est pourtant le sonorisateur attitré du groupe qui est aux manettes ! Désolé, dépité, je me résous à quitter le grand chap’ pour rejoindre la petite scène.
D’autres personnes ont d’ailleurs eu la même idée et celui-ci est déjà assez rempli. Sur scène, deux musiciennes font la balance. Ce sont les Nova Twins de Londres. Je n’avais prêté qu’une oreille distraite au duo sans m’y attarder. Erreur ! Ça défonce grave, ça envoie du bois ! À côté de moi, mon pote Matthieu, armé de son moyen format argentique me fait « Wouah, ça rappelle de bons souvenirs, de l’époque des Rage Against the Machine ! ». C’est vrai qu’il y a de ça dans la musique des deux blacks anglaises. Des riffs répétitifs bien balancés et un flow rappé intense et agressif. Et franchement, malgré un larsen insupportable au bout de 2mn de show, c’est vraiment une nouvelle bonne surprise de cette soirée. Le public ne s’y trompe pas, et il est bientôt impossible de rester devant la barrière sans être broyer par la foule qui pogotte furieusement. Mais quel show ! On reparlera d’elles puisqu’elles sont également au programme du Hellfest cette année.
Les places sont chaudes devant la scène du grand chapiteau avant l’arrivée de la tête d’affiche de la soirée. La tension monte, et, lorsqu’elle est à son comble, les lumières s’éteignent, ne laissant qu’une phrase en led rouges, écrite dans une langue inconnue. Les fumigènes dégueulent leurs vapeurs toxiques, et, alors que les trois musiciens entrent en scène devant un écran diffusant des visuels style séries Z et une rangée de spot agressivement dirigée vers le public, les stroboscopes se déchainent. Flash en contre-jour, sub bass noyant toute nuance et à la limite du supportable, même physiquement, guitare absente du mix, stroboscopes incessants. J’attendais certes un show grandiose, qui en mettrait plein la vue, mais je ne m’attendais pas à friser la crise d’épilepsie. Bref, au bout de deux morceaux, j’ai la nausée, je suis sourd, et je me casse ! Et je ne suis pas le seul. Nouvelle et cruelle (j’exagère un peu) déception ! Il faudra que je sorte du site pour pouvoir entendre les notes de synthé et reconnaître au loin quelques mélodies. J’espère bien revoir le groupe rapidement dans de meilleures conditions.
Après avoir invité Jésus lui même sur le site pour conjurer la colère divine des cieux, les concerts ont finalement pu se dérouler sans trop de perturbation le vendredi soir. Ouf! Kiddy Smile qui avait du renoncer l’an dernier suite à un problème de santé a donc pu se rattraper.
Chapitre III :
Et le samedi alors, c’était comment ?
Bah c’était ‘achement bien ! Au commencement (c’est à dire à 19h30, après le boulot, grosso-modo), au fin fond de la galaxie, il n’y avait rien—enfin juste un peu de Dub et un sound system. Puis, est arrivé celui que David Bowie lui-même jalousait, j’ai nommée Johnson Concorde ! À 20h, la fusée inter-glam-actique décolle et c’est un live extra-terrestre auquel nous avons droit (clin d’œil au culte de l’huitre bleue en passant). Le rock show du groupe tourangeau, rodé, est à la hauteur de leur concept album. C’est loufoque, péchu, scéniquement au point et, pour ne rien gâcher, les mélodies du LP « Galactic Taboo » fonctionnent à merveille en live. Ça commençait bien ce samedi soir !
Vint ensuite le moment de la migration rituelle vers le grand chapiteau pour aller écouter les basques espagnols de Belako. Belako ? Kesako ? Et bien, mes très chers frères, mes très chères sœurs Belako, c’est THE méga claque de la soirée ! Pas de chichi, pas de paillettes, jeans, basket, un batteur, un guitariste, une bassiste et une chanteuse. Et une musique qui pioche allègrement chez Sonic Youth, Cure, Siouxsie, U2 (première époque), Blondie, You Say Party We Say Die, Nirvana et une voix toujours sur la corde raide qui dispense une émotion d’une puissance rare. Non, non, je n’exagère pas. Le public est rapidement conquis, et le groupe quittera la scène sous un tonnerre d’applaudissements et de hurlements. Je suis soufflé, mon voisin aussi : il me fait un clin d’œil et lève le pouce en acquiesçant. Ouais, je suis d’accord.
Autant dire que le challenge est dur pour Agent Side Grinder qui succède aux espagnols. Et ce qui est bien avec Aucard, c’est l’effet douche écossaise. Ah oui, Agent Side Grinder si vous ne connaissez pas, c’est un peu DAF, Orchestral Maneuvre In The Dark et Joy Division. Boite à rythme, synthés et chant caverneux. C’est à dire à peu près l’opposé de Belako. En dépit de la musique froide et de l’ambiance glaciale des spotlights bleus, le trio s’en sort très bien et offre un superbe concert au dessus duquel plane l’ombre de Ian Curtis.
Sur le site, les festivaliers sont vraiment très nombreux ce samedi soir, et lorsque la Ruda entre sur scène, le grand chapiteau est bondé ! Dès les premières notes, le public est déchainé et il devient rapidement impossible de rester vivant au premier rang ! Je migre vers le fond. Les gars de Saumur ont toujours une pêche d’enfer et leurs morceaux survitaminés me font dire à la fin du set : « c’était dingue ! ».
Plus foufou, c’est possible ? Quand on a des Belges au programme, il faut s’attendre à tout. La Jungle nous vient du pays de la Chimay et brasse une musique peu commune à coup de boucles de guitare, de voix, de rythmes épileptiques. À deux, ils font le bruit de dix ! Un grand guitariste moustachu dégingandé, aux allures du capitaine Blake pris de la danse de Saint-Guy, et un barbu (Mortimer?) qui tape fort et semble sans cesse s’étonner des sons qu’il produit. Un noise/math/rock je ne sais quoi qui vous embarque dans des convulsions que votre corps ne maitrise pas. Encore un grand merci à Aucard d’avoir fait venir ces loufdingues ! Une bonne suée et une bonne dose de non sens musical qui aère les oreilles.
Bon, je fais mon coming out : je n’accroche pas sur Boy Harsher. Oui, il y a pourtant des sonorités qui rappellent sans doute Sisters Of Mercy, il y a du New Order, mais non. Je tente quelques morceaux, mais j’avoue que cela me laisse froid. Le son est bon, le light show parfait, mais rien n’y fait : ça ne fonctionne pas sur moi. Reste un bon concert que j’ai tout de même délaissé au bout de quatre/cinq titres.
In the end
Il faut saluer l’équipe d’Aucard qui, tous les ans, défiant tempêtes et inondations, monte ce festival qui sait offrir des artistes de grande qualité, qui propose de partager ses coups de cœur, mélange les genres, invite des têtes d’affiches importantes tout en gardant un festival à taille humaine. Et il faut monter, démonter, gérer les musiciens, les incidents, les imprévus… Bref, chapeau et merci ! À l’année prochaine. J’espère cette fois être là tous les soirs et, comme lors de la précédente édition, rencontrer les groupes, les interviewer, déambuler sur le site et profiter de cette ambiance unique qu’il y a à Aucard.
Merci à Enzo, Martin, toute l’équipe de Radio Béton et d’Aucard, aux bénévoles, aux barmaid/man toujours souriants, à la P’tite Maiz’, au Shanti-Shanti et à tous les artistes que j’ai pu voir ainsi qu’à tous ceux que je n’ai pas pu voir. Merci aux photographes et aux amis pour leur présence.
Liens :
https://www.radiobeton.com/aucard/