L’histoire se passe au pays des églises en bois, du prix Nobel et d’Abba. Ce pays est le troisième exportateur de musique derrière les U.S.A. et le Royaume Uni, c’est l’autre pays du Rock and Roll. C’est? C’est? Oui, le pays d’Ingmar Bergman, d’Entombed ou … d’Eagle–Eye Cherry : la Suède. Mais reprenons notre histoire. Elle débute donc il y a seize ans autour de l’immuable duo qui compose toujours une partie du groupe : John Steen (The King), chant/guitare, Tony Samuelsson (The Vicar), batterie, et, à l’époque, seul et unique bassiste, Ulrik Bostedt (Speedo). Les trois adolescents commencent à gratter et taper sur les fûts dans un garage, non pas au pays d’Europe (et oui. Soit dit en passant, ils ont aussi fait d’excellents albums. Si, si!), mais dans le Colorado où ils effectuent un échange scolaire, boivent de la bière et ratent leurs examen. La sauce prend très vite, et, ils sortent un premier E.P., Marvelous, sur un micro label new-yorkais, New York Powerhitters. Mon e-investigation n’a rien donné quant à trouver une trace de ce label ou des enregistrements de l’époque.
Look improbable, mélange de steam-punk, de tenues sado-maso ou de catcheur, le groupe cultive largement le second degré et l’amour de la dérision. Pêle-mêle, on peut citer sans trop se tromper, Kiss, W.A.S.P., Thin Lizzy, Hanoï Rocks (des compatriotes des années 80/90) ou encore Funkadelic/Parliament comme influences. En fait, presque que des gars qui aiment bien se déguiser. On retrouve chez Märvel ce qui fait le délice des fans de rock suédois : l’efficacité, et la mélodie. Trois accords, toujours les mêmes, un riff qui tue par-ci par-là, des solos courts et efficaces et une ligne de chant toujours accrocheuse accompagnée d’un rythme qui ne descend que rarement en dessous des 160 BPM.
En 2005, de retour au pays, le premier album, Five Smell City pose les bases avec un rock encore sous influence irlandaise (traduire Thin Lizzy). Goddess on the Loose en est un bon exemple. Le titre du disque est inspiré du surnom de leur ville natale, Linköping, « la ville aux cinq odeurs ».
Le très « Lynottien » Goddess on the Loose sur Five Smell City, 2005
La Suède offrant de nombreuses opportunités aux groupes de rock pour jouer, ils enchainent les concerts, festivals et tournées. Il faut dire que là-bas dans les supermarchés, on peut entendre Madonna puis Motörhead sans que la mamie ou la ménagère de moins de cinquante ans ne bronche ou se bouche les oreilles. L’autre pays du rock, quoi! (Dans un prochain article, je vous parlerai de Mustasch et de leur dernier album qui va sortir, et, si vous êtes sages, je vous ferai une petite bio d’Hellacopters)
En 2007, c’est Thunderblood Heart qui égraine ses onze titres sur ma platine autant surprise qu’émerveillée et qui, si elle en avait, ouvrirait des grands yeux ravis. Aucune faute de goût sur cet album, du rock en veux-tu en voilà, des hymnes à hurler en fin de soirée et de fin de pack de bière. Que du bonheur! En plus, le disque est accompagné d’un comic-book dessiné par Mats Engesten, illustrateur qui signe aussi la pochette.
L’époque est donc encore aux super-héros et à une musique fortement marquée par les gus à plateform-boots et maquillage noir et blanc ou par le grand échalas métis au manche de basse aussi long que son addiction à l’héroïne. Le trio, Vocalo, The Ambassador et Animalizer, devient néanmoins The King, Vicar et Speedo. Mais ce dernier, Ulrik Bostedt, bassiste originel, ne pouvant plus quitter la Suède depuis quelques années (pourquoi? Mystère et boule de gomme), le line-up évolue de trio en quintet à géométrie variable. En tournée à l’étranger, la quatre cordes est tenue par The Aviator, et, lorsque c’est nécessaire, un troisième vengeur masqué se saisit de la Rickenbaker (ou de la Fender, en l’occurrence pour lui) sous le nom de The Burgher… Mais peut-être n’est-ce qu’un déguisement qui permet à Ulrik de passer les frontières incognito? Va savoir qui se cache derrière ce masque.
Entre 2007 et 2011, le groupe ralenti le rythme et ne sort qu’un single, A Pyrrhic Victory. Le morceau laisse augurer une évolution de style plus personnel, bien que distillant toujours les mêmes ingrédients.
Faut pas les énerver, Märvel, sinon ils montent vite sur leurs grands chevaux! Et parce qu’ils le valent bien (bon, on ne peut pas dire que je trouve ça beau—de cheval— cette pub pour l’auréole en plein cœur de l’article…), il faut suivre les aventures de m. Cheval et de m. Éléphant.
Il faut donc attendre 2011 pour qu’un nouvel album sorte. C’est Warhawks of War sur lequel apparaissent Robert « String » Dahlqvist (superbe et élégant guitariste subitement décédé en février 2017 à l’âge de quarante ans…) de Thunder Express et des Hellacopters, et Dregen ex. et re. Hellacopters, leader des Backyard Babies et guitariste de l’ex. Hanoi Rocks, Michael Monroe. C’est à cette époque qu’Ulrik Bostedt raccroche définitivement les gants et est remplacé officiellement par The Burgher. Le groupe aura tourné en Europe, avec passage par la France et l’album aura été joué vingt-trois semaines sur les radios nationales,
Le premier titre enregistré avec le nouveau line-up pourrait faire penser que le groupe patine, a du mal à trouver sa vitesse de croisière. Metalhead, qui sort en single en 2012 est largement en-dessous de ce que les trois suédois ont produits jusque là. En 2014, ils enregistrent au studio White Light où ils avaient déjà concocté Five Smell City, ce qui sera leur quatrième album, Hadal Zone Express.
Une grande partie des compositions de ce L.P., bien que toujours bonnes, manquent d’énergie et d’entrain en dépit d’une réelle volonté de continuer dans la même veine. Si le son est plus travaillé, des guitares acoustiques se font plus présentes, la recette marche moins bien, et on a parfois l’impression d’avoir les oreilles pleine de mélasse. Reste qu’HZE est un bon disque, mais qui dans la discographie de Märvel ne se situe pas au top. Le clip Danish Rush est l’occasion d’accueillir des caméo de plusieurs figures du rock suédois : Olle Hedenström (de Dead Lord, un groupe qui aura certainement son article dans weirdsound sous ma plume un jour!) prête sa silhouette bedonnante au personnage principal poursuivi par des danois (!?) furieux. On y voit des cameo de Dregen (pressing) des Backyard Babies, d’Anders Lindström aka Boba Fett (clavier des Hellacopters), mais aussi des membres de Gutterview Recorders, Dagger et Teddybears.
La poursuite infernale (après quoi?) à écouter jusqu’au bout pour la version midi du générique.
Heureusement, la reprise est là avec le single suivant qui est… une reprise. C’est certainement un des meilleurs morceaux du combo californien de Blackie Lawless que décide de sortir les trois petits gars fin 2014, accompagné d’un clip qui ne trompe personne : ce ne sont pas eux qui jouent.
Quand Märvel arrange à sa sauce l’excellent L.O.V.E. Machine de W.A.S.P., l’original peut aller se rhabiller.
Il sort sur le mini L.P. The hills have eyes qui démontre que le groupe sait toujours aussi bien faire bouger les têtes et jouer du Rock and Roll. En 2016, le producteur de Killer Cobra ferme son label. Le groupe signe alors chez The Sign Records et décide de produire et d’enregistrer eux même leur septième opus, Märvel at the sunshine factory.
Sorti en octobre 2017, la musique du groupe a retrouvé une certaine fraicheur et surtout gagné en finesse. On retrouve le plaisir des mélodies entêtantes, des morceaux couplet/refrain, des solos à faire baver tout fan de rock et de metal qui se respecte et un plaisir de jouer intact. Pourtant, le disque met plus en avant les influences « West Coast » du groupe, (Byrds, Spirit ou Love). L’urgence des premiers temps est beaucoup moins présente, c’est vrai, les compositions se sont calmées, un côté poppy pointe son nez sur beaucoup de morceaux (The Secret Grand Prix, Smile Mr. Steen—nom de famille du chanteur/guitariste—Monsters Grow In The Dark… ), les guitares ont été débranchées sur d’autres comme Goodluck Sandy qui penche un peu vers le folk (comme Step closer) ou la country—attention, à la sauce Märvel, quand même!—et on y trouve même une balade à la fin : Angela.
En plus de Märvel, la suède nous a donné récemment de nombreux groupes hautement recommandables, tels The Hives, Graveyard ou Royal Republic, pour ne citer qu’eux. Il y a définitivement un son et un style « Made in Sweden » facilement reconnaissable. Et, si j’étais un ersatz mal genré d’Alice, c’est certainement là que j’aimerais trouver mon pays des merveilles… rocks.
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