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Tunng: le superbe Dead Club éclairé par Sam Genders

Tunng: le superbe Dead Club éclairé par Sam Genders

Tunng revient ce 6 Novembre avec l’album Dead Club, 2 ans après le très beau Songs you make at night, toujours sur le label Full Time Hobby. Dead Club, le 7ème album studio en 15 ans, est un concept album autour de la mort. Mais l’évocation n’est pas morbide et l’album se révèle même lumineux et non dénué d’humour. Weirdsound a eu la chance d’avoir l’éclairage de Sam Genders, co-fondateur de Tunng, pour nous parler longuement de ce magnifique album. Grace à cette mise en perspective, vous ne pourrez pas ainsi aborder- et écouter- l’album de façon distraite!

Sam Genders de Tunng… à Tunng

Deuxième titre du deuxième album de Tunng paru, en France, chez Talitres en 2006.

Sam Genders et Mike Lindsay, qui travaillaient à Londres dans le même studio, ont fondé Tunng en 2003. C’est grâce au label Talitres que j’ai connu Tunng car le label bordelais a relayé, pour la France, le 2ème album du groupe en 2006, Comments of The inner Chorus. Sam Genders, chanteur et guitariste compositeur quitte Tunng en 2007 alors qu’est paru le troisième album, Good Arrows, qui fait davantage connaître le groupe et sa folk expérimentale. Si Sam Genders quitte le groupe pour des « raisons personnelles« , il ne veut surtout pas couper les ponts avec ses amis, persuadé « qu’il aimerait à nouveau travailler un jour avec eux » me raconte t-il.

Sam Genders rejoint le groupe folk The Accidental puis mène son propre projet, Diagrams, avec 3 beaux albums entre 2012 et 2017. L’album Dorothy, en 2017, révèle déjà Sam Genders dans un projet audacieux. Il a mis en musique les poèmes, souvent naturalistes, de Dorothy Trogdon, une américaine de 90 ans. Par le biais du crowdfunding, ce magnifique album allait beaucoup plus loin que son album précédent Chromatics qui puisait déjà dans les poèmes de d’Helen Mort, sa concitoyenne de Sheffield.

Mike Lindsay avait apporté sa contribution à Dorothy mais les deux chanteurs guitaristes avaient déjà renoué leur amitié musicale. L’année précédente, 2016, paraissait Throws, l’album éponyme de leur collaboration.C’est d’ailleurs en préparant un second album que Sam Genders fait un constat : « L’album sonnait plus comme Tunng que…Throws. Il semblait comme une étape logique de demander alors au groupe s’il acceptait que je revienne » me précise t-il.

Throws ou les retrouvailles musicales du duo sam Genders et Mike Lindsay.

Sam Genders et le concept album Dead Club: le rôle clé de Max Porter.

Quand je demande à Sam Genders quel a été le point de départ de ce concept album autour de la mort, celui ci me fait une réponse très complète. « J’ai toujours été intéressé par la mort en tant que sujet de réflexion, aussi loin que je m’en souvienne« . Mais cet intérêt n’est « ni obsessionnel, ni morbide » et c’est juste « une partie importante de la vie » qui suscite naturellement sa « curiosité« , ajoute t-il non sans humour. Bien sûr, le livre de Max Porter, Grief is The Thing With Feathers, paru en 2016, a joué un rôle clé. Dans ce livre, La douleur porte un costume de plumes pour la traduction française, un corbeau vient accompagner une famille en deuil.

« Le livre de Max(Porter) a été le point de départ principal du projet car il a circulé à l’intérieur du groupe qui l’a trouvé intéressant et puissant. Dans la culture populaire, les films, la TV, la douleur est souvent représentée comme une tristesse solennelle et tranquillement noble. C’est super que Max Porter montre dans son livre une image aux multiples facettes de la douleur et de la mort, qui englobe la tristesse, la fureur, l’amour, la physicalité mais aussi le ridicule« . Sam Genders ajoute que « ceci est plus authentique que la description d’une vague compilation d’expériences de douleurs par lesquelles les gens peuvent passer« . C’était aussi pour le songwriter une bonne occasion « d’écrire des paroles aussi honnêtes que possible et inspirées par la réalité« .

Un projet plus large qu’un concept album de Tunng

Après en avoir discuté et argumenté souvent dans leur van, en tournée, en 2018, le groupe décide d’aller plus loin dans ce projet, bien au delà d’un simple album. Sam Genders avait déjà réfléchi à cette perspective, notamment au moment de la naissance de sa fille, alors qu’il cherchait différentes manières de travailler. « Nous avons alors enregistré des interviews qui nous paraissaient si intéressantes que nous avons pensé que d’autres personnes pourraient les trouver, aussi, intéressantes« ! « Becky (Jacobs, chanteuse de Tunng, ndlr) a de multiples expériences en tant que productrice radio et elle en fit des podcasts« . Au total, ce sont 8 Podcasts qui ont été diffusés ces dernières semaines.

Comment s’est fait alors le choix des contributeurs au projet-et donc à l’album- demandai-je alors à Sam Genders? « Nous avions lu des livres qui retenaient notre attention et Becky et moi avons envoyé des mails aux auteurs, leur demandant s’ils voulaient échanger avec nous…. Pour être honnête, nous avons seulement parlé avec ceux qui nous ont répondu en disant qu’ils seraient heureux de le faire« . Sam avoue aussi que le groupe aurait été plus en difficulté de devoir faire des choix s’il n’y avait pas eu l’arrivée de la Covid, les obligeant à arrêter ; Tunng allait alors utiliser les podcasts déjà réalisés et prêts. C’était Mike Lindsay qui s’occupait alors des compositions musicales à partir de ce que les uns et autres lui avaient donné.

A Million Colours, sur l’album Dead Club, artwork de Lilias Buchanan et animation de Sam Steer.

L’album Dead Club englobe des extraits de contributeurs variés.

Les Podcasts, mais aussi l’album Dead Club vont faire intervenir des contributeurs de différents horizons. On trouve ainsi le philosophe britannique Anthony C. Grayling sur le 1er titre de l’album, Eating the Dead. Dans SDC, c’est la voix de Kathryn Mannix, médecin et écrivaine, spécialisée dans les soins palliatifs. Dans A Million Colours, on retrouve Ibrahim Ag Alhabib du groupe Tiraniwen, venu parler des traditions entourant la mort chez les Touaregs maliens. Sur The Last Day, c’est « Dame » Sue Black, anthropologue médico-légale et universitaire écossaise. Nous ne sommes pas surpris de trouver le romancier Max Porter sur Man puis Woman, le dernier titre. Juste avant, dans Fatally Human, on croise Derren Brown.

Je m’étonne davantage du choix du mentaliste, star de TV au Royaume-Uni, qui a notamment choqué en jouant à la roulette russe, en direct, avec un Smith & Wesson. Sam Genders me répond sans hésitation: « Derren est vraiment intéressant car ses shows encouragent les gens à mettre la vérité et la rationalité au dessus de la superstition et à se méfier de la manipulation. Son excellent livre, Happy, (paru en 2016 et portant surtout sur la philosophie grecque du stoïcisme, ndlr) comprend aussi une brillante partie sur la mort« , ajoute Sam.

Mike Lindsay a ensuite sélectionné des extraits d’interviews où certaines voix, certaines expressions correspondaient le mieux à ce que racontaient les chansons.

Sam Genders a aussi discuté du thème de la mort dans un Death Café, à Sheffield. On connait peu ce genre de lieux en France où il n’en existe qu’une douzaine. Se retrouvant dans un groupe de six personnes, Sam Genders me parle de cette riche expérience, même si l’une des personnes « était en stade terminal« . Le sentiment général était plutôt « Whah, mon Dieu, on a pu parler de tout cela » avec un soulagement libérateur.

Dead Club, une composition musicale originale non dénuée d’humour.

La composition musicale de Dead Club s’inscrit elle même dans une démarche originale. Sam Genders est l’auteur des paroles, Mike Lindsay, le compositeur principal mais Ashley Bates, guitariste de Tunng est aussi l’arrangeur. Il a proposé une grille d’accords originale, en D.E.A.D (Ré, Mi, La, Ré dans la notation française) qui court tout au long de l’album. « Ces accords sont d’une bizarre étrangeté qui est à moitié sombre et à moitié pleine d’espoir » explique Mike Lindsay et « J’ai trouvé que cela faisait émerger une tonalité« .

Sam Genders reconnait un trait « d’humour » dans ce choix en forme d’acronyme de Ashley mais c’est aussi « une manière de déclencher des idées créatrices« . Puis Sam Genders ajoute: « Mike a voulu les utiliser à des moments où nous n’avions pas d’autres choix de notes et l’effet est parfois très beau…Nous avons aussi introduit beaucoup d’instruments à vocation orchestrale jouant sur cette grille, cordes, clarinette, nous appelons cela le Dead Bed!« .

Briser le tabou de la mort!

Parler de la mort et de la douleur n’exclut pas l’humour que l’on retrouve au travers de plusieurs titres. Ainsi Death is The New Sex délivre, avec humour, un message sans ambigüité. « La chanson a été inspirée en partie par ma conversation avec Kathryn Mannix (rappel, médecin spécialisée dans les soins palliatifs, ndlr) et par son merveilleux livre With The End in Mind. J’ai écrit les paroles avec une fantaisie presque comique par endroits, mais ce n’est pas léger« , ajoute Sam Genders. Il avoue avoir été « frappé par le tabou au sujet de la mort…dans de nombreux contextes modernes, les gens sont plus à l’aise pour parler de sexe que de mort« .

Sa visite au Death Café de Sheffield lui a aussi appris que »le tabou culturel est élevé et vaste mais pas nécessairement profond« . Ainsi la chanson Death is The New Sex veut traduire « la façon dont, en défiant les tabous, nous pourrions arriver à nous rapprocher de la vérité et nous trouver ainsi mieux à même de nous soutenir les uns les autres« . Soutenir, bien sûr, « les personnes qui sont en deuil ou pour planifier la fin de vie pour elles mêmes ou pour un être cher« .

Le titre suivant, S.D.C pour Swedish Death Cleaning, est aussi un bel exemple de réflexion sur la mort sachant manier l’humour. Il s’inspire du livre de Margareta Magnusson, The Gentle Art of Swedish Art Cleaning. En français, cela correspond à l’art de ranger-et trier- pour, notamment, alléger la vie des autres après sa mort. Vider ses placards, trier comme s’il n’y avait pas de lendemain, ce n’est pas forcément morbide. Cela peut vous permettre de mieux profiter de votre vie en ayant moins de désordre et d’encombrement à gérer !

Quand je demande à Sam Genders, si c’est devenu une sorte de philosophie que de vivre sans avoir peur de la mort, il n’en est pas sûr mais confesse que dans cette « expérience », « plus j’ai appris sur le sujet, moins je suis devenu effrayé par la mort« .

Dead Club de Tunng, un album sonnant dans le registre de l’émotion

L’album de 12 titres est magnifique ! Les arrangements sont superbes et reflètent un son différent des autres albums de Tunng. Après maintes écoutes, je fais part de mes remarques à Sam Genders : plus de piano pour plus d’émotion (?), de guitares avec arpèges et de belles basses dans de nombreux titres. Sam Genders m’explique que « Mike (Lindsay) était enthousiaste dès le début en voulant que cet album ait un son différent. Je suis déjà conforté dans ma perception avant que Sam ne poursuive. « Comme Martin(Smith) est un fantastique pianiste classique, le piano apporte une touche d’émotion qui s’adapte à l’atmosphère des chansons et à leur thème ».

Mike Lindsay disait précédemment que le morceau qui « a débloqué le son est le dernier titre, Woman, une des collaborations avec Porter ». Mike Lindsay confirme que c’est « Martin qui a trouvé la solution avec le piano….contribuant à la tonalité de tout l’album ». Il ne faut pas en oublier, pour autant, le rôle des autres musiciens, notamment celui de Phil Winter. Mike Lindsay souligne que « Phil est arrivé, a joué des tas de mélodies à la basse, par opposition aux basses synthé Moog de l’album précédent…Tous ces éléments ont ajouté de la chaleur, c’est devenu un fil conducteur pour le disque ».

Scared To Death, un de mes titres préférés et son parfum de Lennon

Dead Club , 12 titres à déguster sans modération!

L’album Dead Club regorge de richesses musicales tout en étant le fruit d’un travail de recherche minutieux. Du 1er titre, Eating The Dead, référence au peuple Wari du Brésil qui mange ses morts, à Woman, les pépites s’enchaînent. Difficile de trier mais j’adore S.D.C, son rythme enlevé et son humour mais aussi Carry You et sa très belle et douce intro. The Last Day, rythmé par le piano, est magnifique. Scared To Death, son piano et ses chœurs, a un doux parfum de John Lennon.

Fatally Human est, musicalement, très riche ! A Million Colours peut plaire aux fans de Tunng comme à ceux de Divine Comedy voire d’Arcade Fire pour son final après une belle rupture de rythme. Cela ne veut pas dire que j’aime moins les autres titres ! J’apprécie la belle basse dans Death is The New Sex ou la ballade Three Birds ou le spoken word de Max Porter dans Man. Bref…zéro déchet pourrait-on dire pour rester dans l’air du temps.

Le très bel artwork de l’écossaise Lilias Buchanan vient parachever l’album. Chaque main représente un titre de l’album.

Epilogue: Dead Club et la dédicace de Tunng.

Le communiqué de presse soulignait un album contemplatif et festif à la fois. Même s’il s’articule autour du thème de la mort, on peut considérer que Dead Club est pourtant lumineux. Il comporte d’ailleurs une dédicace du groupe : Dead Club is dedicated to anyone who is grieving. Un album dédié à celui qui est dans la peine et qui permet d’envisager la souffrance et la mort d’une manière différente ! Souvent, »nous n’avons plus, comme autrefois, la foi pour nous soutenir. Elle nous aidait à affronter la mort » remarque Sam Genders. Mais nous pouvons »acquérir certaines compétences » et « trouver une approche qui reflète une expérience intrinsèquement humaine…notamment en étant honnête au sujet de la façon dont on vit les choses » ajoute aussi Sam Genders. Un concept album qui ne sera peut-être pas le seul car il avoue qu’il « aime bien cette façon de travailler« . Let’s wait and see ponctue t-il !

A noter qu’une édition enrichie (Bundle spécial !) va comporter, outre les paroles des chansons, des transcriptions des interviews des différents contributeurs.

https://www.fulltimehobby.co.uk/


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