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Tachycardie : Que dit le cardiologue ?

Tachycardie : Que dit le cardiologue ?

Rencontre avec JB Geoffroy, maître d’oeuvres de Tachycardie (voir chronique), à l’occasion de son premier album solo grisant, original et audacieux, à la lisière de la musique improvisée : « Probables ».

C’est ton premier projet solo ? 

A vrai dire non, j’ai déjà joué seul pendant un temps. C’était il y a dix ans, le projet s’appelait Magic Barbecue : batterie / synthé / voix. Un projet plutôt débile dans l’approche. Le lâcher prise… J’ai sorti deux cassettes de ce truc. Puis un autre projet électronique tout juste sorti chez Transcachette, Kick5ive, tout aussi débile. Mais pour celui-là, pas de live pour le moment, juste du fun devant un ordinateur.

Ce nouveau projet, c’était plutôt un défi ou un besoin ?

Tachycardie, c’est un bon mix des deux. Un mix entre le défi et le besoin de faire maintenant un projet qui représente une bonne partie de mes affections musicales actuelles. Ce disque est aussi né de l’envie du label Un Je Ne Sais Quoi de réaliser un album de Tachycardie, projet mort-vivant depuis pas mal d’années finalement, qu’ils ont (je les en remercie) réveillé, et qui a pris bien plus d’importance pour moi que je ne le pensais.

Tachycardie, c’est en partie une pièce orchestrale d’un batteur qui n’a jamais écrit de partition. La Colonie de Vacances, c’est la composition, en live et en quadriphonie, de quatre groupes. Pneu, c’est un duo guitare-batterie qui se donne visiblement pour but de remplir le plus d’espace possible. As-tu besoin de contraintes pour laisser libre cours à ta créativité ?

Je ne sais pas trop si je peux dire que j’aime particulièrement les contraintes. Ce qui est certain, c’est que le dispositif d’un projet, solo, duo, coloniesque ou orchestral, amène automatiquement ses limites, mais avant tout ses avantages. L’outil est là, et la composition se fait en fonction de lui. C’en est presque un jeu, creuser au maximum les capacités d’un dispositif. Pour la Colo, c’est tout à fait ludique et infini. Pour un solo, c’est à deux doigts d’être la même chose, sauf qu’il n’y a pas dix autres personnes qui t’arrêtent pour te dire que tu délires. A y réfléchir, les possibilités sont beaucoup plus vastes pour un solo, tant que tu n’as pas définitivement ancré ton dispositif. Il faut se mettre des limites pour garder une cohérence, si cohérence on attend !

Probables est clairement divisé en deux parties opposées. « Mille Fois Bonjour Depuis Le Vignemale » occupe toute la face A. C’est une pièce orchestrale qui prend le temps de s’étirer, de changer de forme progressivement, et auquel ont participé de nombreux musiciens. Comment as-tu conçu ce morceau de bravoure ?

Bonne histoire. Le Temps Machine (espace musiques actuelles de Tours, NDA) m’a demandé il y a quelques années de composer une pièce pour une école de musique avec qui ils faisaient des ateliers. J’ai trouvé la proposition plutôt sympathique, quoique étrange, dans le sens ou je n’ai aucune notion d’écriture ou de lecture de la musique. Je me suis donc attelé à ça, et une version de la première partie de la pièce s’est mise en place. C’est une partie très simple à jouer, dans laquelle la notion de hasard et de décision de chaque instrumentiste donne une certaine forme au morceau. Je voulais que ces (très) jeunes élèves d’école de musique se confrontent à autre chose que des partitions figées.

Puis quelques années plus tard, en défrichant toutes les pistes que j’avais emmagasinées pour le disque, les copains de Un Je Ne Sais Quoi ont trouvé ce morceau bien intéressant. Je l’ai donc amené dans des contrées qui me plaisaient plus, et l’ai augmenté de deux autres parties. La composition s’est faite assez instinctivement, avec des instruments virtuels, le vrai challenge était de découvrir ce que cela avait à raconter une fois joué par un orchestre d’ami-es.

Ce morceau évoque à la fois la musique sérielle de Terry Riley et la musique tribale, percussive, instinctive. Je dis une connerie ?

Tu ne dis pas de connerie. Mon mode de composition est tout à fait instinctif, je n’ai rarement d’idée établie de ce qui va arriver. Je me répète, mais pour moi le dispositif est le maître de ce qui va se passer. C’est vraiment le cas en ce qui me concerne. L’aspect Terry Riley est bien là aussi, dans cette première partie écrite à la base pour les enfants, qui fait écho à la méthode de jeu de « In C« , le tube FM de la musique minimaliste.

La structure répétitive de ce morceau peut étonner, de la part du batteur de Pneu, Le Groupe Qui Te Maintient En Éveil . “Mille Fois Bonjour Depuis Le Vignemale” m’a mis en transe.  

La répétition me tient particulièrement à cœur, je l’ai réellement découvert avec notre projet F.U.T.U.R.O.S.C.O.P.E. C’est tellement riche et à la fois subjectif, j’aime particulièrement le fait que lors d’une écoute (ou d’une pratique instrumentale) d’une musique répétitive, le temps, aussi bien que la perception même de la musique, ne se déroule pas de la même façon pour tout le monde. Ça rend cette musique très attrayante à mes yeux.

Le beau teaser de « Probables », réalisé par Funken. Ce qu’on entend, c’est un extrait de « Tarir », le dernier morceau de l’album.

À l’opposé, la face B est composée de trois morceaux où tu joues seul. « Aunir, Forcer », « Vesprir » et « Tarir » sont centrés sur la seule batterie. Ces morceaux ne sont pas linéaires et jouent sur la variété sonore de cet instrument.

Figure-toi qu’il n’y a pas de batterie à proprement parler sur ce disque. Juste des toms sur la face A, et un kit floor tom, caisse claire et hi-hat sur la face B. Pas de grosse caisse ! Pour cette face, je me suis appuyé sur cette idée que j’ai du dispositif, comme je t’en parle plus haut. J’ai défini un « instrument », et je suis allé voir ce que je pouvais faire avec. 

Et puis j’ai passé du temps à motoriser certains instruments (cymbales, caisses claires, guitares…), ou certains objets (coquilles d’huître, vaisselle cassée…), pour obtenir des timbres et des patterns que mes bras et mes mains ne peuvent créer.

« Motoriser » ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

En fait je me suis servi de moteurs miniature vibrants, de minuscules moteurs très légers. Avec la vitesse, ils vibrent très rapidement. Pour la caisse claire et la guitare sèche, j’ai mis ces moteurs sur des baguettes chinoises, et les baguettes vibraient à leur tour en rebondissant sur l’instrument. Pour les huîtres, le moteur venait directement frapper la coquille en vibrant. Et je contrôlais tout ça avec une pédale.

J’ai donc fait une base de données avec tout ça, agrémentée de field recordings, et j’ai monté le tout, toujours aussi instinctivement, plus ou moins sans idée préconçue. L’aspect imprévisible de certains éléments a tout de même une logique à mes oreilles, des distances plus ou moins longues à parcourir entre chaque événement, des sonorités qui en reflètent d’autres.

Finalement, les deux faces du disques se répondent, dans une certaine mesure.

Le travail de Brice Kartmann est remarquable : le son des percussions est incroyablement fin et riche. Il m’évoque très précisément celui de Matmos, notamment sur Civil War. Que peux-tu me dire sur la production de cet album, sur sa texture sonore ? 

Je ne connais pas bien Matmos, j’écoute Civil War en ce moment-même, pour voir.

Et oui, Brice travaille extrêmement bien, j’avais complètement adoré la production, notamment des percussions,  qu’il avait fait sur le disque de Pang Pung, son superbe trio.

La production du disque est plutôt simple, brute. Brice a enregistré les percussions et autres objets motorisés, puis j’ai ramené cette bibliothèque à la maison, et j’ai enregistré les synthés et autres field recordings au calme, en prenant le temps d’aller là où il me semblait bon de me rendre.

Il est difficile de savoir quelle est la part de l’électronique dans ton album. 

Les sons de synthèses sortent tous du synthétiseur Féérique Mancini « Ultrultron », fabriqué sur mesure et de mains de maître par Frédéric Mancini (Deux Boules Vanille). Ce synthé semi modulaire est l’une des bases de mon dispositif d’enregistrement, et maintenant live.

Certains sons, comme ces percussions frénétiques à la fin de « Tarir », sont complètement non identifiables.

Les sons de la fin de Tarir, c’est « simplement » le tom bass qui déclenche le synthétiseur Ultrultron, et qui joue donc ces séquences percussives avec moi.

Pour toi, la musique est-elle liée à l’image ? Je te demande ça, parce que Probables me semble apporter beaucoup de soin à la stéréo, à la construction d’un espace par le son. 

En plein dans le mille. Comme tout le monde, j’ai eu ma période adolescente pendant laquelle j’achetais certains disques en fonction de leur pochette, avec plus ou moins de succès. Aujourd’hui j’ai toujours du mal à acheter un disque que j’aime beaucoup et dont le visuel me déplaît, mais bon, je le fais quand même..!

L’image sonore me parle aussi. Je rêverais d’avoir un outil matériel permettant de randomiser la stéréo en live, pour vraiment faire vivre les sons dans l’espace. Sur le disque, j’ai pu pousser cet aspect-là par moments, c’est toujours un endroit de la production que je trouve grisant.

Et puis c’est toi qui as réalisé le clip de « Vesprir »… 

Eh oui, j’ai réalisé la pochette ainsi que le clip (que Julien Sénélas, aka Funken, a monté). J’ai toujours fait beaucoup de pochettes de disques, pour les projets dans lesquels je joue, pour notre label Cocktail Pueblo, pour des amis. Puis un peu de dessin, de la sérigraphie… C’est comme si ça faisait partie du même jeu que celui de la musique : choisir un outil, voir jusqu’où on peut aller avec, et savoir s’arrêter au bon moment.

Le clip de “Vesprir”, réalisé par JB et monté par Funken.

Un concert de Tachycardie, à quoi ça ressemblera ? 

Eh bien il y aura deux versions du live à venir. Une version « orchestre », qui consistera à jouer “Mille Fois Bonjour Depuis Le Vignemale”, et une version solo.

La partie orchestre est assez excitante. Nous serons un noyau dur à nous déplacer (6 musiciens), et dans chaque ville où nous jouerons, nous demanderons à la personne qui nous programme de trouver entre 4 et 10 musicien-nes à qui on apprendra la pièce rapidement. Donc un instrumentarium différent à chaque date, et donc une version du morceau évolutive.

Pour le solo, je ne jouerai rien du disque, des choses s’en rapprocheront fortement, mais j’avais envie d’un vrai dispositif live, qui est donc mon instrument du moment. Il y aura des similitudes avec le disques, mais aussi de nouvelles envies.

https://unjenesaisquoi.bandcamp.com/album/probables

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