Steve Amber : entretien avec un monstre fictif à quatre têtes

Quel plaisir de les revoir après notre première rencontre en janvier dernier ou plutôt découverte, c’était en première partie de Feu ! Chatterton au Théâtre Alexandre Dumas, à Saint-Germain-en-Laye. Aujourd’hui c’est avec Tchaz le frontman et Greg le bassiste que j’ai rendez-vous à la fête de l’Humanité pour un entretien, avant leur prestation sur la scène Zebrock dont ils étaient l’un des finalistes de cette édition.
Plus qu’un personnage fictif, Steve amber est un monstre à quatre têtes, dont le dernier EP From A Temple on the Hill, est un savant mélange de spleen qui découle de leurs émotions respectives. Les cinq titres qui composent cet EP, teinté de folk, nous donne un aperçu des diverses influences qui jalonnent leur répertoire. La machine est bien rodée, le jeu instrumental sur scène un véritable spectacle que les festivaliers de la Fête de l’Humanité ne sont pas prêts d’oublier de sitôt.
Peu avant cette prestation, c’est en backstage qu’on s’est retrouvé pour parler de leur projet actuel, du monde de la musique et surtout de leur prochain album en préparation.
Bienvenue dans l’univers d’un Monstre à quatre tête
Dernièrement vous étiez en résidence à Guyancourt pendant une semaine, comment ça s’est passé ?
Tchaz : C’était pour tester plusieurs détails techniques, broder un nouveau set que nous avions en tête. C’était principalement les mêmes chansons qu’on jouait, on a rajouté un nouveau morceau et changé un peu l’ordre, voire un peu toutes les transitions, De 10 à 18h tous les jours.

W: Steve Amber à la base c’est un personnage fictif, mais vous êtes 4, je pensais qu’il ne s’agissait que d’une seule personne…
Tchaz : Dans le groupe Steve Amber nous sommes 4, dont 3 originaires de Brest. Quand on est arrivé sur Paris on a rencontré Matteo, qui est notre bassiste claviériste. Pour revenir à la question qui est Steve Amber ? C’est le narrateur dans les textes, parce que tous les textes tournent un peu autour de la réflexion existentielle, beaucoup de références à des expériences de pensées en philosophie et en psychologie. Quand on écoutera l’album qui sortira l’année prochaine, il y aura un message global qui sera transmis à travers chaque morceau. On voulait que le groupe sonne comme une seule personne. On est un groupe dans la manière de jouer et de composer.
W: Est-ce qu’au niveau du choix du nom du groupe tout le monde était d’accord ?
Tchaz : Il faut savoir que le nom traîne depuis des années, c’est Greg et moi-même qui l’avions trouvé.
W: Les autres étaient d’accord ?
Greg : L’idée leur convenait et c’était réglé.
W: Votre dernier E.P comporte 5 titres, comment se passe la composition dans un groupe où l’on joue à 4 ?
Tchaz : En général quelqu’un arrive avec une petite idée et elle se fait complètement déformer par les autres jusqu’à ce qu’un morceau en sorte. On va commencer à jouer l’idée ensemble et puis quelqu’un va proposer une deuxième partie, on va écouter, discuter et décider tous ensemble.
W: Vous n’avez donc pas un parmi vous qui écrit ?
Tchaz : Il y a Fred qui je pense est la plus grande force créatrice du groupe. Moi je m’occupe de finaliser les paroles, vu que je suis anglais. Pareil, je ne vais pas prendre de décisions sans l’aval du groupe pour écrire les paroles, et Fred sait très bien que s’il arrive avec un titre, ce sera complètement différent à la fin.

Greg : C’est un gros travail d’équipe. J’aime bien le travail sur le son, pouvoir utiliser les grands diamètres pour avoir un côté tribal et en même temps rester dans une approche assez rock. Toujours essayer de retravailler le kit de batterie standard pour apporter de nouvelles couleurs, comme on est très influencé par la musique de films. De toute façon, la musique psychédélique c’est toujours la recherche de nouveaux sons pour donner un tout assez cohérent qui peut faire penser à un voyage ou à une musique originale d’un film. Il y a toujours ce côté recherche de son et de texture. Les gars le font avec leur pédale de guitare ou Tchaz avec sa voix, moi je le fais avec ma batterie autant en mettant des effets chelous dessus acoustiques qu’en continuant à explorer avec l’utilisation des pédales de guitare.
W: Est-ce qu’à chacun de vos concerts tu joues pareil ?
Greg : C’est-à-dire ?
W: le fait de perdre tes baguettes à la fin ?
Greg : Les parties sont principalement écrites à l’avance…On s’est mis d’accord dans nos sets sur quels moments il faut être carré et à quels moments on lâche les chiens, on fait ce qu’on veut. Par exemple ce que tu as vu à Saint-Germain, le dernier morceau on s’est dit « la fin c’est le chaos, on lâche tout et on verra ce qui se passe ». C’est aussi ça qui est bien dans notre musique, comme est 4 et qu’on commence à bien se connaître musicalement, on sait qu’en s’écoutant on va réussir à créer un truc. Même si nous sur le moment on ne se rend pas compte de ce qu’on fait, les gens viennent nous voir en disant à chaque fois que c’est cool. Je pense que le côté sincère qu’on met à ce moment-là, pas du tout préparé et pas du tout calculé, ça aide à trouver une patte que tu n’as pas quand tout est préparé. On n’aime pas le tout prêt, on aime les moments où l’on ne sait pas où on va et c’est tant mieux, on réussit encore à se surprendre dans ces cas-là.

W: Un groupe de rock en pleine émergence a-t-il besoin de parler de ses influences pour attirer les fans ?
Tchaz : En vrai ça nous dérange un peu, pas tant que ça. Tout le monde à un peu son interprétation, des gens viendront nous voir en disant « vous nous faites penser à tel groupe », alors que d’autres vont nous sortir des groupes qui n’ont rien à voir. C’est très personnel et très difficile pour véhiculer l’esprit de notre musique de nous comparer à d’autres groupes.
Après, parler d’influences, elles sont multiples. Ce n’est pas que la musique qu’on écoute aujourd’hui, c’est aussi tout ce qui nous a martelé le cerveau pendant notre adolescence et fait qu’on voit la musique et qu’on la verra toujours toute notre vie de façon biaisée. Je sais qu’il y a des films que je matais en boucle quand j’étais ados et qui ont forgé ma façon de voir les choses.
Greg : De toute façon je pense qu’on ne peut pas dire qu’il n’y a aucune influence. Il n’y a rien de nouveau, on n’estime pas avoir meilleure influence que d’autres. Tu as toujours ce côté où on est très curieux ; comme disait Tchaz dans la musique de film, chacun puise dedans. Après quand on nous dit que notre musique ressemble à ce genre où a tel artiste, nous on dit ok cool, si toi c’est ce à quoi ça te fait penser ok. Parfois ça colle, parfois pas du tout
Au fond c’est juste de la musique, des styles que les gens aiment bien. Qui dit influence dit goût, qui dit goût parle, forcément de ressenti en termes d’émotions
W: Comment se passe la vie à 4 ?
Tchaz : C’est une aventure particulière, les humains sont des êtres sociaux, on est très fort à tisser des liens.
W: Pour bosser sur votre album, vous vous voyez combien de fois par semaine ?
Greg : Ça dépend des périodes, là on a Matteo qui a un autre groupe qui marche bien, il était en studio la semaine après la résidence, et là, pour la Fête de l’Humanité. Après il part en tournée avec nous en octobre. C’est beaucoup de gestion d’emploi du temps de tout le monde. Une semaine typique c’est deux jours par semaine, on se voit deux fois par semaine, après il y a toute l’organisation à côté pour trouver des dates.

W: Vous vivez tous à paris ?
Tchaz : Oui tous à paris, pour l’instant.
W: Ça risque de changer ?
Tchaz : C’est possible que ça change.
Greg : On verra… C’est un projet à long terme, on a encore beaucoup de choses à faire ici.
W: Comment on arrive à trouver le titre d’un EP ou d’un album ?
Tchaz : Quand on va écrire un morceau il va nous faire penser à une chose… Au bout d’un moment il y a tout qui s’emboite et qui fait qu’avec juste une phrase et un thème le morceau s’écrit tout seul. Souvent le titre est dans les paroles, on va prendre les paroles qui a la fois résument le mieux nos morceaux et qui sera parlant pour les gens. Ce qui est intéressant pour celui-là, c’est qu’on avait une chanson qui sonnait pop et on s’est dit qu’on allait jouer dessus.
https://youtu.be/7qnRbNjl_Yc
W: Pour l’album le titre est déjà trouvé ?
Tchaz : On a des titres pour les morceaux qu’on a, mais qui sont susceptibles de changer parce qu’on a pas encore toutes les paroles. C’est aussi un choix parce qu’on aimerait bien finaliser la fin des paroles par rapport à l’angle des chansons pour avoir un fil conducteur à travers les morceaux. Mais on n’a pas encore de titres pour l’instant.
W : Vous êtes à la Fête de l’Humanité aujourd’hui, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Tchaz : C’est trop cool, super cool, une grosse scène, des gens qui ne connaissent pas notre musique et qui vont découvrir.
Greg : On est super contents.
W: Vous étiez déjà venus en tant que festivaliers ?
Tchaz : Moi j’ai été invité par un groupe d’amis qui jouait là il il y a deux ans, à venir participer à leur intro de concert, j’étais ici (en backstage de la scène Zebrock), je suis même allé sur scène. Et là je joue vraiment avec mes amis et mon groupe.
Greg : C’est un festival qui a des bonnes idées, on s’y reconnaît un peu là-dedans, sans forcément rentrer dans le côté politique, ce côté égalité pour tous, respect humain. Déjà le nom nous parle, ce n’est pas juste un festival, c’est lié aussi avec tout l’accompagnement Zebrock qu’on a eu toute l’année.
Tchaz : Je pense que notre musique plairait plus facilement à des gens de gauche qu’à des gens de droite (rires). On est un peu des hippies, regarde-moi, les cheveux longs…
W: C’est pour quand le premier album ?
Tchaz : Si tout se passe bien ce sera à la rentrée dans un an. On est sur qu’on l’enregistre fin de l’année prochaine, on va louper le nouvel an, on le fêtera en studio. Le temps de faire tous les préparatifs qui vont avec l’album, sans doute fin septembre, début octobre.
W: Vous avez déjà un nombre de pistes ou pas encore ?
Tchaz : Ça variera, minimum 8, maxi 10
Greg : On veut pouvoir choisir les titres qui nous correspondent le plus. Avec l’ambiance et la magie du studio on verra ce que ça donne, peut-être que ça altèrera la totalité de nos choix.
W: Vous êtes partis pour rester dans la même configuration ?
Greg : Pour l’instant oui.
Tchaz : Surtout que d’un point de vue organisationnel, logistique, financier, une personne en plus c’est difficile.
W: Quels sont les retours sur le dernier EP ?
Greg : Ils étaient plutôt positifs, on a vraiment réussi à mettre en avant notre musique et ce qu’on fait. On a tout enregistré en live en deux jours, c’était un peu ambitieux, il n’y a pas une aussi bonne qualité qu’un album vraiment produit, mais c’était notre choix.
Tchaz : C’était un moyen d’avoir quelque chose à présenter.
Greg : Et quand l’album sortira, ne pas partir de zéro avec la presse, parce que ça risquait d’avoir moins de résultats possibles. On bosse avec Yann ( leur attaché de presse) avec qui ça s’est très bien passé et maintenant on sait que la presse nous attend pour l’album, ça c’est chouette.
W: L’accueil du public en festival, est-il toujours chaleureux ?
Greg : Les festivals, on n’en a pas fait beaucoup ses derniers temps
Tchaz : Non, non, on en a fait quelques-uns dans notre carrière (rires)
Greg : Ces derniers temps, un peu moins, mais ça va repartir là, grâce à ce festival. Mais en général, l’accueil est plutôt chouette, on essaie aussi à chaque fois d’évoluer en fonction de ce qu’on a ressenti, d’être à l’écoute et de toujours se remettre en question.
W: Qu’est-ce que le dispositif Zebrock vous a apporté en plus ?
Greg : Déjà une visibilité supplémentaire, l’occasion de montrer notre musique sur de belles scène, avec une équipe vraiment à l’écoute. On a rencontré pleins de gens superbes, grâce à eux le projet avance super bien en dehors de la Fête de l’Humanité. On a eu des rencontres, des formations, des prises de conscience sur la vie de musicien aujourd’hui.
W: Et ça dure combien de temps ?
Tchaz : Plusieurs mois.
Greg : De janvier à juin.
Tchaz : Il y a un certain nombre d’intervenants pour tout ce qui est l’aide à la prestation, ou juste au niveau de la façon de dire bonjour, d’être précis, des conseils d’écriture.
https://youtu.be/zha-oWoK2_s
W: Tchaz, tu es le seul à chanter dans le groupe ?
Tchaz : Pas le seul, mais je suis le chanteur principal et de temps en temps les chœurs. Quand j’ai commencé on m’a donné un micro parce que j’avais un accent anglais, mais je chantais comme une casserole. J’ai pris des cours, après avoir appliqué les techniques dites « Céline Dion », c’est-à-dire technique parfaite, ce qui n’est pas du tout obligé. Kurt Cobain n’avait aucune technique, mais il avait une superbe voix. Je suis obligé d’appliquer une technique si je veux pouvoir bien chanter. Là ça va et l’accent British ça donne toujours du cachet, les gens aiment bien.
Greg : Ça nous aidait aussi à avoir une légitimité pour chanter en anglais, on a la chance d’avoir un chanteur qui est anglais.
W: Vous avez déjà joué en Grande-Bretagne ?
Tchaz : Non pas encore, on a joué dans les pays limitrophes (Suisse, Belgique) pour l’instant.
W: Tu aimerais bien ?
Tchaz : Ce serait cool, mais c’est une organisation supplémentaire qui nécessite une boite de tournée, on attend de faire de belles rencontres.
W: Aujourd’hui est-ce que vous arrivez à vivre de votre projet ?
Greg : Pas encore du projet, on a encore du chemin. Il y a déjà deux intermittents dans le projet, Matteo et moi. Ce qui est bien, c’est que le projet participe à des plus gros événements comme la Fête de l’Huma, on va jouer au festival Made in 93 à la Main d’œuvre à Saint-Ouen le 26 septembre. Ça nous aide à avoir des cachets et nous permet de commencer à envisager d’en vivre, mais il y a encore beaucoup de choses à gérer avant.