Ce premier week-end de Novembre 2019, avait lieu, à Nantes, la dernière édition du Festival Soy, festival qui avait régulièrement, depuis près de 2 décennies, illuminé les nuits automnales nantaises. Cette dernière édition a tenu, une nouvelle fois, toutes ses promesses en proposant un programme éclectique à travers une localisation géographique toujours, volontairement, éclatée à travers la ville. Au delà des têtes d’affiche comme Thurston Moore voire Weyes Blood, les belles découvertes furent, une fois de plus, nombreuses (Corridor, Hyperculte et surtout Oiseaux Tempête) et la confirmation du talent de Squid…éclatante!.
VENDREDI 1er Novembre 2019
Le Vendredi soir, le Festival Soy proposait 4 groupes dans la maison de quartier de Doulon, une tradition une nouvelle fois respectée.
HYPERCULTE : l’énergie krautrock dadaïste.
Le duo suisse Hyperculte ouvrait la soirée et n’a pas déçu. Leur Krautrock dadaïste (étiquette synthétique oblige!) est original mais aussi terriblement efficace! A deux, ils font preuve d’une belle énergie et d’une présence remarquable! Vincent Bertholet, le brillant contre bassiste (de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, autre formation à laquelle il appartient) est accompagné de Simone Aubert, batteuse et chanteuse. Je soufflais rapidement à mon voisin qu’elle me faisait penser, dans son style et ses vocalises à Brigitte Fontaine, l’aspect délicieusement délirant compris. Ce fut une belle découverte pour moi, n’ayant jamais entendu parler de ce duo avant la programmation du festival.
DERYA YILDIRIM & GRUP SIMSEK: le revival du rock psyché anatolien.
Je revoyais, un mois après le festival Levitation à Angers, le groupe de Rock Psyché Derya Yildirim & Grup Simsek. Le groupe surfe sur la vague du revival du Rock psyché anatolien des années 60/70 tout comme Altin Gün (vu à Check in Party en Août) voire Gaye Su Akyol, la chanteuse turque qui défend la liberté d’expression. Grup Simsek, le groupe accompagnant la jeune chanteuse germano turque Derya Yildirim, qui joue aussi du saz,est un collectif né d’une rencontre en 2014 au festival New Hamburg. les musiciens français et la batteuse anglaise baptisent leur combo Simsek, ce qui signifie la foudre en turc. Leur set est plaisant , reflet de leur dernier bel album, Kar Yagar, paru cette année. Leur énergie, doublée de bonne humeur est communicative.
OISEAUX -TEMPÊTE: la claque de la soirée!
J’attendais, avec beaucoup d’impatience et de curiosité , le combo Oiseaux Tempête & Friends., qui, sur le papier, affichait une composition des plus séduisantes: jugez plutôt: autour des 4 français, on trouve Jessica Moss ( violoniste de Thee Silver Mt Zion Memoria Orchestra), G.W Sok ( chanteur qui fut le frontman du groupe The Ex pendant 30 ans) et Radwan Ghazi Moumneh (au bouzouki électrique) que j’avais vu, en Juin dernier avec sa réalisation cinématographique musicale Jerusalem in My Heart. Nos 4 français n’en restent pas moins très bons et…indispensables! Le duo parisien fondateur, Frédéric D.Oberland (guitare, sax, flute) et Stéphane Pigneul (basse) est bien complété par Jean-Michel Pirès (batterie) et Paul aka Mondkopf aux claviers.
Une bonne heure de set pour définitivement me convaincre que j’étais passé, jusqu’alors, à côté d’un excellent groupe! Grosse claque de cette soirée, Oiseaux- Tempête a fourni un set qui a su enthousiasmer un public diversifié: le groupe a, bien sûr, surtout joué son dernier album, From Somewhere invisible, paru 10 jours plus tôt. A 62 ans, le chanteur néerlandais (G.W Sok) et son spoken word (sur de longs titres ) fut vivement apprécié (je pensais parfois à Joe Casey de Protomartyr!) : a noter que ces longs titres sont , le plus souvent, des poèmes traduits et adaptés, en musique, par le groupe comme le très beau « we, who are strewn about in fragments » du poète syrien palestinien Ghayath Almadhoun . Le violon, omniprésent, de Jessica Moss (qui poursuit aussi une carrière solo) a alterné douceur et envolées éclair post rock tandis que guitares et batterie se déchainaient pour nous délivrer un ensemble étourdissant et terriblement cohérent à la fois! Ce qui pourrait, parfois, paraître un peu bruitiste sur disque nous subjugue et nous hypnotise en live!
PRIESTS
Après une courte pause bière sandwich bio (dommage, un peu bourratif!), retour dans la salle pour le 4ème et dernier concert de la soirée…il est déjà plus de minuit. Ce sont les américains de Priests, 3 femmes (chant, batterie et basse) et un homme, le guitariste. J’avoue ne pas avoir tenu tout le concert. La blonde chanteuse de ce groupe post punk, Katie Alice Greer, croisement entre Marilyn Monroe et Blondie, dont elle adopte certaines postures, y compris vocales, ne m’a pas convaincu, l’excellent concert précédent ne facilitant pas non plus, sans doute, la transition un peu kitsch…Elle échange parfois son rôle au micro avec la batteuse, qui en rajoute un peu moins et c’est peut-être préférable! des titres énergiques, on ne risquait pas de s’endormir, voilà déjà le côté positif. A revoir, peut-être.
SAMEDI 2 NOVEMBRE 2019
Ehyobro et moi même n’étions plus qu’à un arrêt de Tram du Lieu Unique (L.U), pour aller voir le concert de Soho Rezanejad programmé à 16h30 (et que j’avais très envie de voir!) lorsque mon téléphone sonnait…ah..je ne verrai pas le concert car le groupe Squid, que j’avais sollicité pour une interview, était arrivé en début d’après midi et prêt à nous recevoir…tout de suite! C’était, cependant, une très bonne nouvelle et cette ITV va paraître sur notre site, ce vendredi 15 Novembre, jour de la sortie physique du 2ème E.P du groupe, Town Centre.
Corridor: mieux qu’un apéro musical!
Corridor est encore un jeune groupe dont le 1er E.P ne date que de 2013 mais qui s’est fait remarquer avec son album, Supermercado, en 2017, même si certains lui reprochaient un côté un peu brouillon. Le quatuor de Montréal a signé, en 2018, sur le prestigieux label de Seattle, Sub Pop et vient de sortir, à la mi-Octobre, son 3ème album, Junior, dont j’avais surtout écouté le très bon titre, « Topographe ». C’est en fait un quintet qui se présente en live, au bar du L.U, à l’heure de l’apéro, avec une section rythmique batterie/percus renforcée par un 5ème membre.
Ce sera beaucoup mieux qu’un simple apéro musical dans ce bâtiment indus mythique (Pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas et ne connaissent Nantes, il s’agit d’une partie de la première usine/biscuiterie des familles nantaises Lefèvre Utile, en face du château). Le guitariste et bassiste Dominic Berthiaume et le guitariste Jonathan Robert, tous deux au chant, souvent en alternance, assurent un rythme enlevé à leur set avec des titres rock au parfum psyché tels « Domino » et « Pow » et, bien sûr, « Topographe », même s’il existe, sur leur dernier opus des titres un peu moins speed tels « Grand Cheval », « Agent double » ou le très beau « Bang ». Un rock pop et un groupe à suivre. Ils chantent en français mais ce n’est pas toujours facile….
SQUID: la confirmation d’un réel talent!
20h et quelques minutes…une bonne partie du public qui va remplir Le Grand Atelier du L.U n’est pas encore arrivée que Squid, le groupe originaire de Brighton, va entrer sur scène. C’est le titre « Rodeo » , du nouvel E.P Town Centre, qui ouvre le set : Ollie Judge, le chanteur batteur est d’abord sur le devant de la scène au micro et la batterie attendra la suite du set, c’est à dire le 2ème titre, un nouveau morceau encore sans titre. J’attendais SQUID pour une confirmation de leur talent, après avoir beaucoup écouté, depuis début Septembre leur 2ème E.P qui n’existait qu’en version digitale. Je ne fus, évidemment, pas déçu: le groupe qui a une solide formation musicale, notamment jazzy, fait preuve d’un maturité étonnante à travers des compositions brillantes et quasi inclassables , interprétées avec un réel talent. En plus des très belles versions de « Match Bet » et « The Cleaner », qui figurent aussi sur ce 2ème E.P, nous eûmes droit aussi à « Houseplants », « Sludge » et « Pamphlets » pour un très beau final. L’influence jazzy y est prégnante en début de titre et un parfum de Talking Heads y flotte notamment aussi (on leur a dit parfois et cela les flatte et les fait sourire nous ont-ils avoué dans leur ITV!). Je m’enquerais , auprès de quelques spectateurs, de leur ressenti…S’ils découvraient le groupe, ils étaient unanimes pour me dire que c’était un groupe qui avait un gros potentiel. Nous reparlerons de Squid! (et ITV à découvrir, en exclu sur notre site, ce vendredi15 Novembre)…. en attendantt l’album en 2020!
WEYES BLOOD: voix d’exception pour un set trop clean?
Natalie Mering aka Weyes Blood, que j’avais vue pour son précédent album, Front Row Seat to Earth au printemps 2017 au Fuzz Yon (à La Roche/Yon), venait, en 2019, davantage auréolée d’un statut de quasi star après ses collaborations avec Ariel Pink, Perfume Genius, Chris Cohen (que l’on retrouve, à nouveau, sur son dernier album, Titanic Rising, en compagnie des frères d’Addario aka The Lemon Twigs). L’album Titanic Rising lui a d’ailleurs valu de nombreux éloges et suscité de nombreux articles: ceux ci rebondissaient notamment sur le message politico- écologiste porté, à l’heure de l’inaction de nombreux hommes politiques, à commencer par Trump, alors que notre civilisation sombre, telle le Titanic, vers l’apocalypse climatique. Weyes Blood allait ravir tous ceux qui connaissaient bien déjà sa pop rock folk, à l’instar des Joni Mitchell et Linda Rondstadt, ses muses. Le concert débute avec le 1er titre du dernier album, « A lot’s gonna change » puis, après avoir annoncé « Everyday », elle se ravise pour jouer « used to be »!
Le dernier album fut dignement célébré avec 7 titres joués! Hormis « Used to be », (joué tout de même après « Everyday »), j’eus mes titres favoris de l’album précédent, notamment « Seven Words ». Après un émouvant « Do you need my love », le final fut magnifique avec mes 2 titres chouchous du dernier album, « Andromeda » et « Movies ». Voix exceptionnelle, d’une grande beauté et pureté, set très bien rodé mais peut-être trop « propre »: manquait l’étincelle émotionnelle d’une petite salle (et des 40 personnes du Fuzz Yon). J’ai encore beaucoup aimé, mais je ne sais qu’elle n’a pas conquis tout le public, ce qui est d’ailleurs une mission quasi impossible dans la formule festival!
Thurston Moore: une légende qui privilégie désormais les oeuvres instrumentales.
Une grande partie du public (la salle affichait complet) venait pour l’ultime concert de ce Samedi, la figure légendaire de Thurston Moore: il était capable de drainer encore beaucoup de fans de Sonic Youth mais aussi ceux qui continuaient à le suivre dans ses multiples collaborations et expérimentations musicales de ces dernières années. La question que se posaient beaucoup de fans était Que va t-il nous jouer?Vu son concert à la Maroquinerie à Paris en Juin et les 2 concerts la veille aux Pays Bas et l’avant veille à Bruxelles, il ne semblait y avoir aucun doute: ce serait son dernier album, Spirit Counsel, paru 2 semaines plus tôt, qui devait avoir tous les honneurs! Cet album instrumental, un triple, est composé de 3 titres dont un hommage à Glen Branca, un de ses mentors (voir notre interview à paraître). Quand la batterie, portant le titre de ce dernier opus fut apportée sur scène, le set semblait scellé.
Thurston Moore et son groupe , avec notamment l’ex bassiste, Debbie Googe, du mythique groupe irlandais My Bloody Valentine, jouèrent, effectivement la première oeuvre de cet opus, « Alice Moki Jayne ». Un peu plus de 63 minutes: rythmes répétitifs, boucles et riffs brutaux qui viennent rompre de longues plages plus calmes. Thurston Moore descendit même dans le public, dans la dernière partie du set, guitare brandie tel un étendard pour y produire des sons toujours improbables. Le set semblait avoir satisfait la majeure partie de ses fans, même si certains auraient aimé quelques « vieux » titres, chantés ou non.
MERCI aux organisateurs du festival Soy pour ces 2 belles soirées et à l’asso Yamoy, derrière ce festival depuis plus de 15 ans. L’asso reste et gageons qu’elle nous réserve quelques autres surprises musicales dans les prochaines années, même si ce n’est plus dans le même cadre éclaté de Soy!
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