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Roy Harper: un brillant songwriter folk peu connu en France

Roy Harper: un brillant songwriter folk peu connu en France

Roy Harper, le songwriter folk anglais, va fêter ses 80 ans dans quelques mois. Avec 22 albums studio en un peu plus de 50 ans de carrière, Roy Harper est déjà une légende qui a influencé de nombreux artistes et groupes souvent très connus. Son album Stormcock, qui fête ses 50 ans, est notamment une œuvre culte et une référence souvent citée et incontournable. Paradoxalement, Roy Harper reste relativement méconnu en France. Retour sur un parcours brillant qui passe par mon premier grand choc musical londonien, en 1971.

Roy Harper, le poète musicien folk aux influences éclectiques.

Legend, un des très beaux titres du premier album de Roy Harper en 1967

Né dans la banlieue de Manchester, Roy Harper commence, dès l’âge de 12 ans, à écrire des poèmes alors qu’il vit à Lytham St Annes. C’est une petite station balnéaire du Lancashire, à 30 kms au NW de Manchester et au sud immédiat de Blackpool. Blackpool, un des titres du premier album de Roy Harper est plus célèbre sur le plan touristique. La ville est liée à de nombreux musiciens anglais, de Robert Smith à Andy Summers en passant par le groupe Jethro Tull, Graham Nash, Chris Lowe ou Nick MacCarthy de Franz Ferdinand ! A 13/14 ans, Roy Harper commence aussi à jouer de la musique, formant même un groupe avec ses deux frères.

A 15 ans, rêvant de devenir pilote de chasse, il intègre la R.A.F mais n’en supporte pas la discipline. Il doit simuler la folie pour pouvoir démissionner après une électro thérapie. Il raconte cette expérience dans le dernier titre, Commited, de son premier album, Sophisticated Beggar en 1967. A noter que sur ce titre, enregistré en 1966, on retrouve, avec sa Gibson 335, un certain Ritchie Blackmore. Il n’ adopte sa mythique Fender Stratocaster qu’ensuite, avec Deep Purple. Entre 20 et 23 ans Roy Harper voyage entre Europe, Afrique du Nord et Londres.

Dès son plus jeune âge, Roy Harper est marqué par le folk, celui de Woody Guthrie. Il aime aussi le folk blues de Leadbelly et le blues de Big Bill Bronzy et de Josh White. Il ne dédaigne pas pour autant le jazz, appréciant surtout Miles Davis ou la musique classique de Sibelius. Poète dans l’âme et éclectique, Roy Harper aime particulièrement Shelley, Keats et Kerouac.

Roy Harper, un folk moderne atypique

Sur le 2ème album de Roy Harper, un titre clin d’oeil aux Beatles?

En Octobre 1965, Roy Harper joue son premier concert à Londres, au sous sol d’un restaurant de Greek Street, à Soho. C’est là que Roy Harper était en résidence musicale. Les Cousins, dont le nom était inspiré par le film de Chabrol, avait ouvert quelques mois plus tôt. Il allait devenir un lieu central de l’univers folk jusqu’à sa fermeture en 1972. Roy Harper joue alors en même temps qu’Alexis Korner ou Paul Simon avant d’y retrouver John Martyn, Al Stewart ou Nick Drake…Un très beau live de Roy Harper, enregistré fin Août 1969 dans ce club a été édité en CD en 1996.

Beaucoup de beau monde a fréquenté et joué chez Les Cousins, de Sandy Denny à Van Morisson, en passant par Donovan, John Renbourn et l’incontournable pilier du lieu, Bert Jansch, le fondateur du groupe écossais Pentangle. Certains soirs on a pu croiser Jethro Tull, Mick Jagger, Brian Jones et même Bowie. Ce dernier souhaitait jouer mais n’avait pu car trop de musiciens étaient prévus ce jour là ! C’est dans ce club Les Cousins, que Roy Harper est repéré par le label Strike Records. Celui ci produit son premier album, Sophisticated Beggar. C’est un album composé de poèmes et chansons de Roy Harper. Roy joue, le plus souvent seul, accompagné de sa guitare acoustique.

Quelques mois plus tard, Columbia/CBS, qui avait déjà repéré le talent de Roy Harper, produit son deuxième album, Come out Fighting Ghengis Smith. Le titre Circle , plus de 11 minutes, commence à révéler la véritable identité musicale de Roy Harper. Il s’en explique plus tard : « J’étais trop moderniste pour ce qui se passait dans les clubs folk. Je voulais moderniser la musique mais surtout moderniser les attitudes des gens envers la vie en général« . Mais Roy Harper s’éloignait trop, pour certains, d’un folk traditionnel que, pourtant, il affectionnait ! Columbia attendait des singles, des tubes et Roy Harper n’était pas du tout sur la même longueur d’onde !

Un concert inoubliable à Hyde Park!

Roy Harper 4 sept 1971 Hyde park photo Mauricio Comandini

Roy Harper joue à Hyde Park le 29 Juin 1968. C’est le premier concert gratuit de ces fameux concerts d’été du grand parc londonien. Il partage alors la scène avec T.Rex, Jethro Tull et Pink Floyd. Roy Harper a déjà commencé à tisser des liens musicaux avec ceux ci. C’est à Hyde park, le Samedi 4 Septembre 1971, que je vais voir Roy Harper pour son quatrième passage en 4 ans ! Je suis arrivé quelques jours avant pour rejoindre ma grande amie de lycée, A.M S. J’avais repéré dans le Melody Maker qu’un programme somptueux et immanquable nous attendait. Il y avait surtout Jack Bruce « and Friends », l’ex bassiste de Cream et mon groupe chouchou, King Crimson, dont j’avais les 3 premiers superbes albums.

Atmosphère cool et très parfumée (hum!) pour profiter au mieux de nos 18 ans et du programme musical proposé. Après Formely Fat Harry, groupe folk californien formé par l’ex Country Joe & The Fish, le bassiste Bruce Barthol, ce n’était pas Third Ear Band mais Roy Harper qui remplaçait, en dernière minute, le groupe psych-rock britannique ! Belle occasion de découvrir celui dont je connaissais seulement le nom mais pas la musique ! Quelle claque ! Seul, avec sa guitare et sa voix de falsetto, Roy Harper était capable de séduire et soulever l’enthousiasme des 80 ou 100.000 personnes présentes ! Le talent pur de l’artiste et cet album Stormock qui venait de sortir sonnaient comme une révélation pour moi.

Un des 4 titres de Stormcock en 1971 avec Jimmy Page aux côtés du brillant songwriter folk.

Bien sûr, Jack Bruce et ses « friends », Chris Spedding et le fabuleux batteur John Marshall entre autres, n’allaient pas me décevoir. King Crimson avait ouvert son set avec un nouveau morceau, Formentera Lady, qui allait figurer sur l’album Islands, sorti fin 1971. Avec des emprunts à ses 3 albums, le groupe terminait son set en apothéose avec l’inévitable 21st Century Schizoid Man. Mon amie avait aussi apprécié(ouf!) et ces premiers « grands » concerts londoniens allaient me laisser un souvenir impérissable! J’avais, de plus, découvvert un songwriter folk de premier plan.

Stormcock, l’album culte de Roy Harper

J’avais la chance de découvrir Roy Harper au bon moment car, 50 ans après, l’album Stormcock, paru en Mai 1971, est considéré comme un album culte, voire un chef d’œuvre pour beaucoup. Les hommages viennent de la critique musicale mais aussi de nombreux musiciens admirateurs du songwriter folk avant-gardiste. C’est le manager de Pink Floyd, Peter Jenner qui, en 1969, décide Roy Harper de signer pour 10 ans avec la filiale dite « underground » d’EMI, le label Harvest. Les 8 albums suivants sont ainsi enregistrés aux studios Abbey Road. L’album Stormcock ne comprend que 4 titres mais ils sont tous magnifiques !

Le bien nommé Hors d’Oeuvres constitue l’ouverture plus qu’appétissante de l’album. On y côtoie Donovan et Dylan mais avec cette touche de modernité en plus, de Progressive Folk. The Same Old Rock est brillantissime. Roy Harper, superbe avec sa guitare acoustique 12 cordes, est accompagné d’un certain Sir Flavius Mercurius à la lead guitar…aka Jimmy Page ! Dans le live enregistré chez Les Cousins en 1969, Roy Harper évoque d’ailleurs Jimmy Page avec qui il est devenu ami. Ce titre, de plus de 12 minutes, est, pour moi, un chef d’œuvre absolu qui ne prendra jamais aucune ride.

Un brillant démarrage de deuxième face d’album avec un jeu de guitare rappelant parfois Hendrix

La deuxième face du vinyle reflète la perfection. Sur One Man Rock and Roll Band, on retrouve la voix immédiatement reconnaissable de Roy Harper. Elle est au service d’un jeu de guitare somptueux rappelant Hendrix. L’album s’achève sur Me and My Woman, un titre de plus de 13 minutes. C’est une composition en plusieurs parties où le talent de Roy Harper, les arrangements de David Bedford et la qualité de l’enregistrement (Philip MacDonald a travaillé avec The Beatles) se conjuguent. David Bedford s’en expliquait: « C’est un peu comme un opéra. Les thèmes et les riffs de base sont récurrents. J’ai décidé de donner aux couplets une sorte de sensation baroque puis d’avoir de grosses cordes larges pour le refrain, afin de différencier les deux. Me and My Woman, c’était presque trois chansons fusionnées« .

A noter que David Bedford, que l’on retrouve ensuite sur plusieurs albums de Harper est connu pour ses multiples talents. En 1970, il joue du clavier dans le groupe de Kevin Ayers où il rencontre le jeune bassiste Mike Oldfield. Il va, dès lors, contribuer à arranger et diriger l’orchestre à cordes et la chorale de l’album enregistré après Tubular Bells, Hergest Ride. Pour ceux qui veulent(presque) tout savoir sur Stormcock, le titre est l’ancien nom anglais de la grive des brumes. Un oiseau dont le mâle a l’habitude de chanter par mauvais temps ! Cela peut refléter le début de carrière un peu difficile de Roy Harper mais aussi sa fascination pour les oiseaux. « Si je pouvais naître à nouveau, j’aimerais pouvoir voler » déclarait-il en 1994.

Roy Harper, un fou génial admiré.

Un des sommets de Stormcock. Un timbre de voix et une jeu de guitare inspirant Ian Anderson!

Roy Harper est talentueux, sans doute un peu fou et a du tempérament. Quelques exemples empruntés à ceux qui le côtoient depuis longtemps. Peter Jenner, son producteur pendant les années Harvest, l’avait dit dès les premières années: « Harper est un auteur compositeur formidable mais un peu fou« . Les membres du groupe Jethro Tull l’ont souvent vu chez Les Cousins, à Soho, où l’atmosphère est étouffante. Ian Anderson se souvient: »Il y avait un ventilateur de plafond et une nuit Roy a décidé que cela interférait avec l’ambiance de sa performance et il a crié -Veuillez éteindre le ventilateur-…. Je ne ferais pas cela si j’étais à ta place » lui a alors crié son grand admirateur Ian Anderson. Mais Roy Harper n’en avait cure !

En 1977, il critique la malbouffe du fast food de la station service de Watford dans le titre Watford Gap. « Une plaque de graisse et un tas de merde » lui vaut une plainte et le titre sera retiré du second pressage du disque ! Le titre reste dans la version américaine et revient plus tard lors d’une réédition… alors qu’un Mc Do s’est installé à Watford Gap !

Il a aussi du caractère pour résister aux pressions commerciales, ce qu’admirent ses amis de Led Zeppelin et Pink Floyd. Jimmy Page adorait notamment sa liberté et son refus de faire des singles. A partir de l’album Stormcock, l’admiration pour Roy Harper ne cessera de croître. Au début des années 2000, beaucoup de musiciens s’en réclament encore. En 2006, Johnny Marr (The Smiths) déclare à propos de Stormcock : « Si jamais il y avait une arme secrète d’un disque, ce serait Stormcock. C’est intense, beau et intelligent. C’est le grand frère, en plus méchant, de Hunky Dory de Bowie« . En 2011, dans le magazine Bomb, Joanna Newsom confie qu’elle a écouté cet album en boucle pendant 2 ans et qu’il a eu une influence déterminante sur son album Ys en 2006.

Fleet Foxes, en 2011 aussi, déclare s’être inspiré de Stormcock pour leur album Helplessness blues. Les hommages et références durent depuis longtemps. Ainsi, Glen Cornick (le 1er bassiste de Jethro Tull que j’ai vu fin 1972 avec son « nouveau » groupe, Wild Turkey, au Marquee à Londres) affirmait que le jeu de guitare et la voix de Ian Anderson s’inspiraient directement de Roy Harper. En 1970, le dernier titre de l’album Led Zeppelin III , Hats off to(Roy) Harper, est un coup de chapeau appuyé à Roy Harper. Peter Gabriel-avec Kate Bush-et Elisabeth Fraser ont repris aussi le titre Another day. Enfin, pour les amateurs de Pink Floyd, notons que c’est Harper qui chante Have a Cigar sur l’album Wish You Were Here !

HQ, un de mes 3 disques incontournables de Roy Harper.

The Game, 13 minutes avec Chris Spedding, David Gilmour et John Paul Jones

Impossible de détailler tous les albums de Roy Harper. Je me contenterai d’en évoquer encore deux, pour moi incontournables ; en 1975 paraît l’album HQ. Un nouvel opus, brillant paru aux Etas-Unis sous le titre When an Old Criketer Leaves the Crease. C’est la chanson qui clôt l’album avec des cordes arrangées, une nouvelle fois, par David Bedford. Aux côtés de Roy Harper, on trouve, entre autres, John Paul Jones, le bassiste de Led Zep, complétant le bassiste Dave Cochran et les guitaristes Chris Spedding (vu avec Jack Bruce) et David Gilmour. A la batterie c’est le talentueux et atypique batteur Bill Bruford. Celui ci avait fondé Savoy Brown avant de rejoindre Yes puis King Crimson. Je l’ai d’ailleurs revu avec King Crimson avant de le retrouver, en 1976, avec Genesis !

Harper a prétendu que HQ était son album préféré. Je ne le savais pas jusqu’à récemment et encore moins en 1975 lors de mon achat ! Il a été enregistré en mars 1975 aux studios Abbey Road, dans le studio voisin où Pink Floyd enregistrait Wish you were Here. C’est donc Roger Waters qui demanda à Harper d’y chanter. Il faut absolument connaître et écouter cet album HQ. The Game, autant rock que folk, qui ouvre l’album, avec Gilmour et Spedding aux guitares, est magnifique, soutenu à la basse par John Paul Jones. Roy Harper enchaîne ensuite avec The Spirit Lives, une diatribe anti cléricale, agrémentée d’un parfum rockabilly par la guitare de Spedding. Referendum(Legend) ou le titre final, avec son arrangement superbe de cordes font aussi partie des sommets de la discographie de Roy Harper.

Sans cordes mais aussi beau en 2012, le titre qui cloturait l’album HQ en 1975.

Roy Harper, l’homme et le mythe.

Le dernier album studio de Roy Harper, Man & Myth, date de 2013. Roy Harper a décidé de quitter momentanément la campagne irlandaise d’où il gère aussi son propre label Science Friction. Après plus de 10 ans sans album studio, c’est le boss du label Bella Union, Simon Raymonde, l’ex Cocteau Twins, mais aussi le californien Jonathan Wilson (voir son dernier album Dixie Blur paru au printemps 2020) qui l’ont convaincu d’ enregistrer de nouvelles chansons. Quand on retrouve sur scène les deux compères, c’est sublime comme à Londres en 2016. Une partie de ce dernier album est enregistré en Californie, le reste en Irlande .C’est un nouveau chef d’œuvre.

On y trouve un nouveau casting de rêve avec, bien sûr, Jonathan Wilson (co-producteur aussi), Pete Townshend-l’ex Who et fan de toujours- ou l’écossais Andy Irvine, fondateur de Planxty. La voix de Roy Harper a évolué mais n’a rien perdu de sa vigueur comme le montre le titre d’ouverture, The Enemy, au parfum dylanesque. Il n’a rien perdu, non plus, de sa plume acerbe. En témoigne un titre comme Cloud Cuckooland où l’on apprécie la guitare de Pete Townshend. Critique de l’état du monde capitaliste où l’on répète toujours les mêmes erreurs : « We are condemned to make the same mistakes, over and over again« .

Roy Harper chante aussi l’amour sur Heaven is Here, la mort sur The Exile et le temps qui passe dans January Man. L’émotion y est palpable. Les cordes, et notamment le violon, font merveille à nouveau comme sur d’autres titres, Time is Temporary ou The Stranger. A déguster sans modération pour tous ceux qui ont pu être déçus de l’évolution d’un autre poète folk, Dylan.

January man, le temps qui passe.

Epilogue: Roy Harper, le songwriter folk trop peu connu en France !

J’espère, bien sûr, modestement que j’aurai contribué à élargir un peu l’audience de Roy Harper. Songwriter brillant, apparu dans le milieu du Protest Song londonien de la 2ème moitié des 60’s, il a su, d’emblée, montrer l’originalité de son progressive folk. Une plume poétique et rebelle, une voix où se mêlent incantations et déclamations, et une guitare acoustique 6 ou 12 cordes pour refléter un talent incroyable. Pourquoi le connait-on si peu en France? Mystère ! Un jour, on le portera aux nues au panthéon du Folk tel un John Martyn, Richard Thomson ou une poignée d’autres.

Mes albums incontournables : en vinyle (ou cd!): Stormcock (1971), HQ (1975), Man & Myth (2013)(le vinyle contient aussi le cd)

Disponibles seulement en CD : Live at Les Cousins (live de 1969 mais réalisé en 1996)

En CD avec DVD: Live at Metropolis (London) enregistré en 2011 et paru en 2012. Roy Harper y joua pour ses 70 ans. Il ne faisait plus aucun concert depuis 10 ans (excepté une apparition annuelle en Irlande) et avait invité Joanna Newsom en 1ère partie. Mon 5ème bijou incontournable !

Roy Harper et Jimmy Page en 1984

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