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Michael Wookey, la petite musique de nuit

Michael Wookey, la petite musique de nuit

La musique de Michael Wookey est une musique nocturne, bricolée, bancale et profondément touchante. Elle semble faite de bric et de broc, comme des poupées fragiles dont les membres épars et disparates ont été assemblés par un savant bienveillant (ça change des savants fous, non?). Peut-être est-ce du au fait qu’il fabrique lui-même certains de ses instruments, toy pianos, orgues aux soufflets fatigués… Peut-être en est-il de ses chansons comme de ses outils, une cour des miracles musicale qui rassemble pêle-mêle l’ombre de Tom Waits, de Mark Everett (Eels) ou de Patrick Watson. On se rapproche parfois des mélodies acides et orchestralement foutraques de Cocorosie, on oscille entre cabaret et bande son pour road movie.

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Long Live  the Meadows, un titre touchant et profondément mélancolique d’Hollywood Hex

Le morceau qui ouvre cet album  a quelque chose de fantomatique avec ses arpèges de piano lointains, étouffés et ce chant qui exprime une frustration, comme un cri retenu. On imagine le port sombre aux bouges mal famés qui abritent le marin de Sailor avec ces trombones illustratifs qui ponctuent le morceau, telles des cornes de brumes qui résonneraient sur les flots d’un océan mystérieux. Je retrouve aussi dans ce travail musical ce que j’ai aimé chez un autre artiste qui navigue dans des eaux proches, Marteen  Devoldere (Warhaus), ces rythmes lents et envoutants, cette irrésistible envie de prendre un verre de whisky et de taper deux trois notes sur le clavier fatigué d’un piano désaccordé (vous voyez Harrison Ford dans Blade Runner? Humphrey « Play it again, Sam » Bogart dans Casablanca?) .

Red Hot Dollas est de ces titres. Le musicien y égrène la nostalgie d’une relation qui n’est plus celle d’avant, évoquant des images fulgurantes de voitures fonçant dans le salon de l’ex, convoquant des regrets mal digérés au travers d’un texte mi-chanté, mi-rapé.

Hollywood Hex est le deuxième album studio de l’artiste. En 2013, il sort Submarine Dreams, puis, en 2015, écrit Wild and Weary qui sert de B. O. au film documentaire  Lætitia sur la championne du monde de boxe thaï, Lætitia Lambert.

Bande annonce de Laetitia film pour lequel Michael Wookey a écrit la musique (Wild and Weary, soit, sauvage et harassant)

Pour ce deuxième album donc, l’anglo-américano-cantalo-aveyrono-parisien (originale comme nationalité. En fait, il est né à Southampton en 1983) s’est entouré d’habitués de ses sessions précédentes. Notamment Margaret Leng Tan, pianiste de Singapour qui collabora du début des années 80 jusqu’à sa mort en 1992 avec John Cage, et Pauline Dupuy, contrebassiste et Contrebrassens -iste, du nom d’un projet mené avec Michael Wookey autour des chansons du grand Georges. Sans oublier les arrangements de cordes suaves et douces joués par The Section Quartet. Jamais envahissante, la musique enrobe la voix grave et les mélodies trainantes du chanteur, lui laissant un large espace sans jamais permettre qu’on l’oublie au détour d’une envolée trop lyrique ; il n’y en a pas. Tout comme la production se refuse à tout effet grandiloquent et nous donne l’impression que l’artiste s’est assis près de nous pour nous conter une histoire. Toute l’émotion nait de ce subtil mélange entre une voix cassée et des instruments réparés, des sons aquatiques lointains, comme étouffés par l’épaisseur des sentiments, échos sonores d’une folie qui se glisse insidieusement sous les couches de raison. Car Hollywood Hex, comme l’évoque le musicien, pourrait bien être cet hommage à un ami d’enfance que nous avons perdu. Dans la folie ou dans la mort, peu importe, lorsque la conscience s’étiole, c’est le manque qui s’installe.

Bane, un voyage qui se termine sur un lit et parle du manque de l’autre que créée la distance. Physique ou psychologique.

Small Voice of Calm, qui vient clore cette descente dans les profondeurs de l’esprit, clame haut et fort que, oui, « je contrôle ». Pourtant, la musique vient démentir une telle assertion, puisque, comme pour prouver que tout part en sucette, des sons parasites s’installent, des crépitements couvrent progressivement la musique, des grincements viennent casser la mélodie. La voix se fait atone et éteinte, un peu comme Hal dans 2001 : a space odyssey lorsqu’on le débranche. En fait, rien n’est vraiment contrôlé, tout a lentement dérivé depuis ce Sailor d’ouverture pour nous amener au dénouement et nous laisser seul, dans le silence de ce couloir d’hôpital psychiatrique intérieur à crier dans le vide¹. Puis l’ensemble s’éteint, d’un seul coup. Nous laissant seul.

Alors, lorsque se rallument les lumières, nous restons assis, étourdis dans notre fauteuil, incapable de se sortir de ce que à quoi nous venons d’assister. Un moment de magie fugace a opéré et nous laisse tout chose. En réalité, toute l’habileté de Michael Wookey est d’avoir construit un récit sonore qui se suit comme autant de scénettes qui ne forment un tout qu’à l’écoute du morceau final. Hollywood Hex est certainement une des découvertes majeure de cette année, et 2018 commence pourtant musicalement très fort.

Un live pour 1dB de 2015 lors duquel on peut entendre des premières versions de certains morceaux d’Hollywood Hex mélangés à ceux du précédent album, Submarine Dreams (2013).

1 Référence cinématographique à découvrir. Rien à gagner, mais vous pouvez laisser un commentaire, j’y répondrais.

 

 

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