L’Or du Commun + Gringe + Columbine : La grand-messe Rap du Festival Avec le Temps

L’Or du Commun + Gringe + Columbine : La grand-messe Rap du Festival Avec le Temps
Gringe, sur la scène du Dock des Suds à l'occasion du festival Avec le Temps.

Chérie Fais tes valises, nous allons au Festival Avec le temps

Marseille, sa gare Saint-Charles, sa canebière, son vieux port… nous voici donc arriver dans la cité phocéenne ce samedi 16 mars, peu avant 18h, pour assister à la Grand-messe du rap, que nous offre l’affiche de la soirée au Dock des Suds, organisée par le Festival Avec Le temps. Cette appellation doit sans doute vous dire quelque chose, évidemment pour les plus anciens (comme l’auteur de ces lignes), elle nous renvoie à l’un des morceaux les plus intemporels de la chanson française, Avec Le Temps de Léo Ferré.

 « Avec le temps

Avec le temps, va, tout s’en va

On oublie les passions et l’on oublie les voix

Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens

Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid… ».

Après un 20e anniversaire tout flamme l’année dernière, le festival poursuit sur la même lancée du 12 au 17 mars, en surfant sur les braises encore vives de la dernière saison. 10.000 festivaliers avaient répondu présent, prenant d’assaut les lieux culturels emblématiques de la ville, où étaient programmés pas moins de 30 artistes durant une quinzaine de jours. Ce qui explique l’engouement pour les concerts de cette édition qui affichaient rapidement Sold Out, entre Clara LucianiFlavien Berger, ou encore Malik Djoudi, notre choix est fait. Ça ne sera pas l’une des grosses têtes citées plus haut, mais le plateau lourd du rap qui réunissait L’or du CommunGringe et Columbine, la nouvelle révélation du rap sur la scène du Dock des Suds.

Affiche Festival Avec le Temps 2019
Affiche Festival Avec le Temps 2019

Le lieu a tout l’air d’un ancien hangar réaménagé en salle de spectacles, situé à seulement trois arrêts de la gare Saint-Charles (même si une dizaine de minutes à pieds sont nécessaires à la sortie de la bouche de métro, pour arriver jusqu’à la salle). Après un bref passage par l’accueil pour récupérer nos Pass, la salle s’ouvre grandement à nous, dans une ambiance ressemblant à une salle de machine à sous. Le bar qui se trouve dans ce qui ressemble à une sorte de sas avant d’atteindre la salle, est pris d’assaut par le public en quête d’un rafraîchissement, sous cette atmosphère étouffante. On fend la foule pour atteindre le cœur du Dock des Suds, la grande salle est déjà bondée de monde et prête à en découdre joyeusement avec le premier venu.

L’Or du Commun, un diamant brut sur scène

Les trois MC’s du groupe débarquent sur scène avec le titre « Antilope » extrait de leur dernier album « Sapiens », Swing, Primero et Loxy provoquent tout de suite l’hystérie du public. C’est à eux que revient le privilège d’ouvrir cette soirée, Dignes représentants de la scène hip-hop bruxelloise, le trio affole le net depuis son featuring sur le titre « Apollo » avec Roméo Elvis

« Prison vide » réveillera encore plus le public, qui le chante d’un seul cœur. Il faut dire qu’il y’a beaucoup d’ados dans la salle ce soir, la plupart flanqué de leurs parents, reconnaissables dans les coins, ou assis au bar, l’écart de cette marée humaine. Certains prenant tout de même le risque de se mêler à la foule. La salle ressemble à tout sauf à « une prison vide », on a plutôt l’impression de se retrouver dans une soirée à ciel ouvert.

« Vous êtes encore avec nous Marseille » ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiii hurle la foule, « Il y’a un truc en commun entre Marseillais et Bruxellois c’est qu’on aime notre ville, on aime centraliser l’endroit où on vit, parce que c’est de là qu’on vient, parce que c’est dans nos gênes ». C’est le moment pour le groupe de décrocher son « Téléphone » et d’entendre le public répondre « Il n y’a personne au téléphone »

Le tube Homosapiens est repris par le public au retour du trio, après avoir feint une sortie de scène. Ils viendront au plus près de ceux qui se trouvent aux premières loges, pour une communion qui ne manquera pas de créer un petit mouvement de foule.

Après un jump endiablé, les Écolos responsables profiteront de leur passage pour adresser un message au jeune public en ce samedi de grandes manifestations pour la planète, « il faut sortir aussi pour la planète, je sais qu’il y en a plein parmi vous qui sont sortis dans la rue aujourd’hui. Je propose qu’on fasse un maximum de bordel pour la planète. »

C’est « Sur ma Vie », le deuxième single de Sapiens que le crew va tirer sa révérence, pas avant d’avoir bien fait danser et sauter le public dans tous les sens. « Sur ma vie que je vais faire ce qu’il faut » répond le public en cœur, la salle se divise en deux avant de se rentrer dedans comme dans une mêlée de rugby.

« Merci Marseille, restez les mêmes, soyez vous-même, aimez-vous les uns les autres… Jesuuuuussss » lance l’un des MC’s, à l’adresse du public qui réclame une autre. c’est peine perdu, le trio disparait derrière le décor…

Une petite pause s’impose, le temps pour les techniciens de procéder au changement de décor et pour nous de foncer vers le bar où s’attroupe déjà un petit groupe ayant eu la même idée que nous. Il fait chaud ou plutôt nous avons chauds, les gens du coin sont tous en gilets, tandis que nous, flanqués de nos doudounes d’hiver, on parait ridicules.

Gringe, la sincérité d’un Enfant Lune

A l’image de son premier album Enfant Lune, c’est sur le titre « Paradis Noir » extrait de ce dernier que Gringe, dans un survêt bleu nuit et bonnet vert pomme, vissé sur la tête, entre en scène dans l’obscurité totale. Tête baissée et micro dans la même gauche, l’ancien binôme de Orelsan dans Casseurs Flowters restera perché sur une petite estrade, au fond de la scène jusqu’à la fin du titre avant de regagner l’avant sous les vivats du public.

Gringe, sur la scène du Dock des Suds à l'occasion du festival Avec le Temps. © Léa Esposito
Gringe, sur la scène du Dock des Suds à l’occasion du festival Avec le Temps. © Léa Esposito

C’est devant une foule excitée que l’artiste se lance sur Konichiwa, rejoint par son Baker de la tournée Sidney Kuzco. La foule est comme transportée dans un tourbillon infernal aux cris de « Konichiwa pété ». Et si on dansait un peu sur « On danse pas » ? faut pas poser cette question deux fois au public qui n’a qu’une seule envie, celle d’envahir la scène, mais les vigiles veuillent au grain, impossible d’escalader les barrières, au risque de se faire expulser Manu Militari. Ils se contenteront de hurler en sautant dans la fosse « on ne danse pas, on danse pas, on danse pas… »

« Est-ce qu’il y’en a qui connaisse mon binome Casseurs Flowters ? »

« ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii »,

« Faites un maximum de Bordel pour mon pote Orel qui n’est pas là »

C’est seul sur scène, accompagné de Dj Pone qu’il reprendra le titre « déchiré », son titre en feat avec Orelsan, offrant une occasion aux irréductibles fans de pogos de s’adonner à leur quart d’heure de gloire. « C’est ma première grosse scène tout seul, merci Marseille. »

Les moments magiques de cette prestation resteront les reprises de « des histoires à raconter » et « à l’heure où je me couche » de son ancien crew Casseurs Flowters, que le public reprendra dans une ambiance œcuménique, smartphones allumés et bras en l’air.


L’enfant Lune n’a plus rien d’enfant à part dans l’apparence, à 38 ans il sort un premier album très profond, fruit d’une introspection sincère, qu’il partage ce soir avec son public Marseillais.

Celui qui a passé la moitié de sa vie à errer comme il l’affirme dans son « Mémo » d’ouverture, semble avoir trouvé la paix avec lui-même. Ce contre-exemple parfait qu’il évoque dans « Pièces détachées » va à l’adresse de son père pour ses absences et infidélités, un schéma que l’artiste semble reproduire aujourd’hui et qui l’intrigue. Il trouve au fond de lui la force de se pardonner son manque d’empathie en tant que grand-frère quand il évoque la schizophrénie de son frère dans « Scanner » et de son rapport à la spiritualité avec « Karma ». Une introspection nécessaire à l’Enfant Lune, afin de lutter contre ses vieux démons.

« Merci Marseille, je vous laisse en compagnie de mes potes de Columbine », lance le rappeur au bonnet et au jogging, un style un peu provoc, dans lequel beaucoup l’ont découvert dans la série Bloqués, affalé sur un canapé.

Columbine et son rap mélancolique

Leur premier album « Adieu Bientôt » est sorti en septembre dernier, les enfants terribles du Rap français, les Rennais de Columbine, conduit par FODA C et Lujipeka, étaient de la partie à cette soirée 100% rap. Le groupe aux deux mixtapes « Clubbing for Columbine » et « Enfants terribles » a choisit pour logo une colombe et une kalashnikov (l’agneau et la brute) qu’on retrouve aussi sur leur ligne de vêtements. Moins dans la provocation avec ce premier opus, le duo s’est assagi, plus introspectif et plus contemplatif qu’à son habitude, lui qui jadis jouait sur le terrain de l’invective.

le duo Columbine, sur la scène du Dock des Suds à l'occasion du festival Avec le Temps. © Léa Esposito
le duo Columbine, sur la scène du Dock des Suds à l’occasion du festival Avec le Temps. © Léa Esposito

C’est torse nu, pantalon couleur flamme laissant apercevoir son boxer siglé « Columbine », que Lujipeka arrive sur scène, suivi de Foda avec son maillot de football aux couleurs de la Juventus, lorsqu’elle joue à domicile. Même s’ils sont originaires de Bretagne, on peut dire que le groupe joue à domicile ce soir, Marseille faisant partie du territoire national. Jrefaiscequejevois, le titre qui ouvre l’album accompagne leur entrée sur scène, ce qui déclenche immédiatement l’emballement du public qui se met à chanter comme dans une chorale. ce même public qui, ne tenant plus en place avant le début du concert, s’est mis à chanter comme possédé par je ne sais quel sortilège.

« Bonsoir Marseille, est-ce que vous êtes chauds ce soir ? » lance Lujipeka au public qui ne se fait pas prier pour pousser son cri d’excitation. C’est à se demander qui du public ou de Columbine est en concert ce soir, tellement la foule récite les titres du bout des doigts.

Foda C et Lujipeka sur la scène du Dock des Suds, samedi 16 mars 2019. © saint_xsl1
Foda C et Lujipeka sur la scène du Dock des Suds, samedi 16 mars 2019. © saint_xsl1

Le duo enchaîne sur « Bart Simpson », le titre solo de Lujipeka et c’est toujours la même ambiance, le public égrène les paroles du titre en cœur « Tous les jours le même teeshirt comme Bart Simpson ».

Le public est jeune, la moyenne d’âge doit osciller entre 15 et 16 ans, en majorité des adolescentes qui s’époumonent à perdre haleine. Une drôle de frénésie qui accompagne la formation à chacun de leur passage, l’explication se trouve sans doute dans leurs textes qui trouvent écho auprès des jeunes.

Columbine, vu depuis le public de la fosse.
Columbine, vu depuis le public de la fosse.

Même si le groupe qui évoluait en un collectif de 8 artistes au départ, ne repose désormais que sur le duo, les autres membres ne sont jamais bien loin, puisque deux d’entre eux feront leur apparition sur scène au moment de jouer « Temps Electrique » du précédent EP ou Borderline le solo de Lujipeka et ses paroles schizophréniques

Il est temps de se dire « Adieu Bientôt », de façon mélancolique, un moment déchirant pour les fans qui ne veulent pas que le show s’achève. Certains vont se ruer sur le merchandising, tandis qu’en quittant la salle, d’autres plus déterminés, se donnaient rdv le 11 avril prochain au Zénith de Paris pour ce qui s’annonce comme un grand événement après leur show à l’Olympia le 24 octobre dernier.

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Il traîne une maladie non handicapante depuis sa plus tendre enfance, ce qui fait de lui un Mélomane. Il prend son pied sur du rap, RnB et les musiques urbaines. L’art moderne et contemporain le fascine tandis que la littérature apaise ses vieux démons.

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