De brillants Amis pour célébrer l’âge de Glass à Nantes

Il y a 6 ans, en 2013, l’unique concert français de Philip Glass au bien nommé Lieu Unique (à Nantes) avait été gâché par une alarme intempestive que personne n’avait su/pu éteindre avant qu’elle ne s’arrête, mystérieusement, une fois le dernier spectateur parti. Beau joueur et surtout gentleman, Philip Glass n’avait cependant pas arrêté son concert! Le concert de Philip Glass au théâtre Graslin de Nantes était donc très attendu, ce 23 Mai 2019, d’autant qu’il avait déjà été reporté cet hiver.
Philip Glass, 82 ans depuis Janvier, est considéré, avec Steve Reich ou Terry Riley (venu avec son fils pour un concert exceptionnel au L.U fin Avril) comme un des pionniers de la musique contemporaine minimaliste, diatonique et à structure répétitive même si ses oeuvres plus récentes s’en sont davantage éloignées. Il a en effet par la suite composé des opéras, y compris en adaptant des textes littéraires, et des symphonies (comme la symphonie N°12, inspirée par l’album Lodger de Bowie et jouée par le Los Angeles Philarmonic en début d’année. Il a aussi composé des musiques de films et collaboré avec de nombreux artistes y compris folk rock, de Linda Ronstadt à Leonard Cohen en 2007 en passant par Ravi Shankar et…Aphex Twin. Cette fois ci, Philip Glass venait à Nantes accompagné d‘Anton Batagov au piano (avec lequel il partage aussi une passion pour le peuple tibétain et ses chants) et Lavinia Meijer à la harpe.
« Mad Rush », 1er titre joué par Philip Glass , à Nantes, ce 23 mai 2019. Ci dessus, à Montréal en Mars 2015.
20h05 précises…Le maestro entre en scène sous les appladissements nourris des spectateurs. Main gauche d’abord en action, vite relayée par la main droite et c’est parti pour un grand moment de piano avec « Mad Rush« , oeuvre de 1979 où le système répétitif reste caractéristique de cette période. L’étude N°12, commandée par Bruce Levingston en 2007, voit Philip Glass rejoint par Lavinia Meijer. Cette jeune harpiste néerlandaise née en Corée du Sud va nous révéler rapidement son talent et son brio en accompagnant toute la fin du morceau avec un jeu et des notes s’apparentant presque parfois à un clavier.
Philip Glass est sorti de scène pour laisser Lavinia Meijer, seule , interpréter deux de ses compositions: l’étude N°20 (de 2012) suivie de « The Hours« , composé pour le film éponyme québécois de 2002 (avec Meryl Streep et Nicole Kidman). Sur la 2ème partie du titre, elle est rejointe par Anton Bagatov au piano. Un grand moment de cette soirée!
Anton Batagov est un pianiste russe qui brille, dès son premier opus, « Vingt regards sur l’enfant Jésus » d’Olivier Messiaen, enregistré en 1990, alors qu’il n’a que 25 ans. Pendant 12 ans, entre 1997 et 2009, il arrête les concerts pour se consacrer à la composition et aux enregistrements. En retrouvant la scène, il joue bien sûr ses compositions, mais aussi continue à interpréter celles de Philip Glass. C’est d’ailleurs avec l’une de ces oeuvres, « Distant Figure », écrite par Glass pour Batagov que le concert se poursuit, alors que Batagov est resté seul en scène. Pour moi, cela va être l’un des deux sommets de cette soirée: Batagov est un brillant virtuose et sa dextérité et son talent vont enthousiasmer le public du théâtre Graslin. Ceux qui commençaient à se demander si Philip Glass reviendrait sur scène en oublient presque le maestro quand Batagov nous interprète, toujours avec autant de brio, « Night Train« , extrait de l’opéra Einstein on the Beach de 1976. Le final de ce titre pouvait autant ravir les amateurs de jazz…electro y compris par sa modernité!
Anton Batagov au piano sur « Night train »
Lavinia Meijer est de retour pour accompagner Anton Batagov sur « Closing » le titre/mouvement qui clôt l’oeuvre (et l’album éponyme) Glassworks en 1981 et le public est rassuré quand Philip Glass revient pour rejoindre ses « Friends » pour les 4 dernières minutes du concert. Piano à quatre mains, Batagov ayant glissé à gauche, et harpe nous procurent encore un grand moment! Devant les vivats du public insistant pour un rappel, notre trio se décide à rejouer ce dernier passage de leur concert.
Un très bon concert qui laisse tout de même un petit goût amer à de nombreux spectateurs. En discutant avec certains, à la sortie, force est de constater que beaucoup étaient déçus d’avoir vu Philip Glass disparaître pendant les deux tiers du concert… On devinait les sous entendus polis même si l’un de ces mélomanes m’a tout de même lâché « Vu son âge »….Mais Anton Batagov et Lavinia Meijer ont brillé, fort heureusement!
Les programmateurs de cette soirée auraient du nuancer l’intitulé de cette soirée: sur les tickets vendus ne figurait que le nom de Philip Glass….et à l’entrée du théâtre la mention « And Friends » apparaissait en petit et même pas en caractères gras…Les Friends méritaient mieux!!!