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Corrosion of Conformity : rien ne s’use, tout se transforme

Corrosion of Conformity : rien ne s’use, tout se transforme

1987, quelque part dans une rue des quartiers Nord-Est de Toronto. Un adolescent d’une quinzaine d’années apprend quelques tricks sur un skate rafistolé. Autant dire qu’il apprend à tomber. D’ailleurs, une trentaine d’années plus tard, il optera pour un rider plutôt qu’un street. Mais surtout, ses oreilles, toujours aux aguets, entendent un son, un bordel nerveux, mal maitrisé, enregistré à la va vite qui tranche avec les productions léchées du métal et du hard-rock qu’il écoute habituellement : « Quoi? Tu skates (enfin il essaie) et tu ne connais pas ces gars? » Ce qui lui passe entre les deux esgourdes ébahies, c’est Animosity, le deuxième album de Corrosion of Conformity. Immédiatement sous le charme de ce son brut, rugueux, qui envoie tout dans l’urgence et sans concession, il achète et ramène en Europe, Technocracy, un mini LP paru sur le label Metal Blade (Slayer, King Diamond, Anvil…), dont les deux faces sont identiques et qui se termine par :

Peut-on vraiment parler de morceau ou de musique avec ce titre de Technocracy? Le débat est lancé.

Mais c’est surtout la force des lyrics qui retient son attention. Comme sur Happily ever after qui décrit si bien ce modèle familiale américain du crédit, de la maison, des enfants et de la consommation qu’il commence à tenir pour mortifère et qu’il rejette.

« Happily ever after, I won’t buy this s…t »= »Ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants? Sans blague? Je n’achète pas ce genre de discours de m…de »,  qu’il dit le gars. Et ben pareil, dit le jeune homme de 15/16 ans qui les écoute (bon, l’adulte à mis de l’eau dans son vin. Mais pas beaucoup. L’aime pas ça, l’eau.)

Montons ensuite à bord de ce véhicule très prisé dans les années 80, la De Lorean modèle Doc Brown/Marty Mc Fly, et faisons un saut dans le futur (qui est en fait notre passé, mais qui, rapporté au présent du paragraphe précédent se situe dans le futur. Vous me suivez?). Nous sommes, d’après le compteur du tableau de bord, aux alentours d’aout 1994. Le soleil et la chaleur finissent d’étouffer Manhattan (que nous avons pris en premier, ensuite nous avons pris Berlin, Mr. Leonard Cohen, si, si!), et l’odeur du métal des poubelles emplit les narines d’un adolescent finissant (tardif, dirait-on) qui travaille quelques semaines dans une boite de prod du sud du Bronx, à l’angle de la 110th street. Les basses du Wu Tang dominent le paysage sonore de la grosse pomme, et c’est très bon! Mais sur les ondes, c’est Clean my wounds qui retient le plus son attention.

Avec Albatros, Clean my wounds, tout deux sur Deliverance (1994), est un des single le plus vendu de C.O.C.

L’album restera quatre mois d’affilé au Bilboard 200 USA. Là, le petit gars se dit que le groupe a fait un sacré chemin. Le chant s’est fait plus précis, les guitares ont été domptées et il se sent un peu trahis. Où sont passés nos jours heureux? Mais bon, il ramène quand même dans ses valises un exemplaire de l’album Deliverance et se penche sur les productions que le combo de Raleigh a bien voulu lâcher depuis sept ans. Il se rend bien compte qu’elle ne furent pas très nombreuses. Normal, le groupe a connu un passage à vide et des remaniements drastiques. Le line-up n’est plus le même : exit Mike Dean, exit Simon Bob Sinister. Bonjour un nouveau son qui fait entrer leur musique dans un autre continuum espace/temps. Bonjour le stoner naissant et  l’influence Black Sabbath bien plus reconnaissable.

Ce qui fait la nouvelle identité de C.O.C., en 1994, c’est bien sur aussi la présence de ce type aux cheveux gras et à la barbiche, Pepper Keenan¹. En jetant une oreille plus qu’attentive sur Blind, le précédent opus, c’est Vote with a bullet qui lui saute aux oreilles. Normal que ce fusse ce morceau qui fut choisi comme single! Ça déchire. Ah oui, mais ce n’est pas Keenan au chant. Car après le départ de Simon Bob, qui hurle sur Technocracy, c’est Karl Agell qui se coltine le micro. Il est parti fonder Leadfoot et a laissé la place à Keenan, arrivé en même temps à la guitare pour appuyer Woody Weatherman.

Allez, va voter! La Grande Illusion. Karl Agell au chant sur Blind (1992).

Puis les années s’écoulent, tranquilles. De nouveaux sons arrivent. C’est l’époque des Ninja Tunes, Warp et autres labels électro. Pourtant, en 2005, un morceau attire  l’attention du trentenaire. Ça commence comme un blues, façon Tony Iommi immédiatement suivi d’un shuffle bien lourd et de cette voix si reconnaissable, agressive comme il faut, mélodique, mais pas trop. C’est Stonebreaker.

Ah, toujours en colère, les petits gars! On ne les calme pas aussi facilement. Et ils ont bien un son à casser des pierres! Stonebreaker, sur In The Arms of God (2005).

Entre temps, le groupe qui avait signé chez Columbia, est passé chez Sanctuary, et voit le départ de Reed Mullin, batteur originel. C’est aussi le moment de la pause. Keenan rejoint Phil Anselmo et le batteur de Eyehategod, Jimmy Bowers qui a aussi officié chez C.O.C. au début des années 2000, pour continuer le travail commencé sur NOLA avec DOWN.

Le temps s’écoule, du vin passe sous les ponts et l’eau coule à flot, ou l’inverse, et, en ce début d’année 2018, le désormais quarantenaire découvre avec bonheur et délectation que, non, C.O.C. n’a rien lâché. Keenan est revenu, a un peu délaissé Down, Dean et Mullin qui tournaient et enregistraient toujours plus ou moins sous le nom de COC/COC-Blind sont également là! No Cross No Crown paru en ce début 2018 sur Nuclear Blast lui fait l’effet d’une madeleine de Proust, ou d’un voyage éclair en De Lorean, et notre homme court acquérir les albums qu’il a manqué.

Sur la pochette, ce sont bien Weatherman, Keenan, Mullin et Dean, le line-up de Deliverance qui sont crédités! Et quel album! On retrouve ce qui fait la force du groupe, une critique acerbe des mythes de notre époque avec The Luddite², ou de la religion avec Cast the first Stone… Les riffs bien heavy à faire pâlir d’envie Black Sabbath font toujours trembler les murs, et les solos branlants et fébriles des débuts de Weatherman sont aujourd’hui bien campés et font figure de marque de fabrique. La rage et la hargne des quatre gars trouvent des moments de calme et de répit avec de brèves ballades, « sucreries auditives », dixit Mullin³, (No Cross, qui rappelle étrangement Child in Time), vieille recette mise en place par leur producteur depuis Blind, John Custer. On retrouve les attaques mélodiques à deux guitares, la rugosité vocale de Keenan (qui n’avait pas chanté depuis douze ans!). Les silhouettes se sont bien un peu alourdies, mais celle de l’adolescent des rues de Toronto aussi (bon pas trop quand même). Et les ado qui jouaient vite et mal sur Technocracy ont depuis appris à maitriser leurs instruments, ont introduit une pincée de southern rock, de NWOBHM, ont donné plus d’ambiguïté à leurs paroles…

The Luddite (précédé de Novus Deus) qui ouvre ce dernier album.

Et l’ado qui skatait pas terrible dans les rues des quartiers résidentiels de la capitale de l’Ontario n’a guère progressé en tricks… Il a troqué ses rollers de trentenaire avec un longboard, mais ses esgourdes sont toujours aux aguets et No Cross No Crown n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Les quatre de COC n’ont donc rien laissé en chemin, ils l’ont juste transformé en quelque chose d’autre, de semblable, mais de différent. À partir d’un matériau de départ hasardeux, ils ont construit au fil du temps un édifice solide et lourd qui ravit les oreilles.

1 Pepper Keenan est avant tout un fan de COC. Dès les débuts de la formation, il entretient une correspondance avec le groupe.

2 John/Ned Ludd fut à l’origine d’un mouvement de protestation violent qui secoua l’Angleterre du début de l’industrialisation. Au XIXe naissant, les artisans voient alors leur métier disparaitre au profit des premières grandes entreprises textiles qui produisent à la chaine sur des métiers mécaniques. Ils prennent comme modèle Ned Ludd, dont l’existence n’est pas prouvée, qui aurait détruit plusieurs métiers à tisser à la fin du XVIIIe, qui devient symbole et étendard de leur lutte. Son nom est depuis devenu synonyme de refus de la technologie aveugle.

3 http://www.radiometal.com/article/corrosion-of-conformity-retrouvailles,287222

Pour en savoir plus sur l’actu du groupe :

http://coc.com/

https://www.facebook.com/corrosionofconformity/

Le label Nuclear Blast :

http://www.nuclearblast.de/fr/

 

 

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