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Black Devil Disco Club: pionnier de l’électro en 70!

Black Devil Disco Club: pionnier de l’électro en 70!

 

Lors du festival Levitation à Angers, j’eus la chance de rencontrer et d’interviewer Black Devil Disco Club dont le label Alter K publie ou republie les disques. Septuagénaire revenu sur le devant de la scène mondiale grâce à la fois aux Chemical Brothers qui « samplent » un de ses titres en 1999 et à Aphex Twin qui décide de ressortir l’album mythique de 1978 « Black Devil disco club ». Aujourd’hui, après des invitations et concerts de Rotterdam au Japon en passant par Detroit, il est ENFIN reconnu en France comme ayant été un pionnier voire LE pionnier de l’électro, avant Jean Michel Jarre, Laurent Garnier et bien d’autres de la « French touch« , alors qu’il disposait de petits moyens financiers mais d’un talent qui le plaçait trop en avance sur son temps, du moins en France!

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De la jeunesse ouvrière passionnée au « groupe génial » de l’Olympia de 1968:

Sans m’appesantir sur la jeunesse de Bernard Fèvre -aka Black Devil Disco Club- je voulais tout de même savoir comment le jeune banlieusard né, après la guerre, à Asnières en était venu à la musique ( même s’il a pris des cours de piano, pendant plusieurs années, mais qui ne lui ont « rien appris » car son prof de piano en était « resté au XIXème siècle »).

Pour Black Devil Disco Club, le rôle de « la salle des fêtes de Courbevoie » semble avoir été important… la mairie « organisait chaque week end le Teen club »  (Black Devil adore le terme anglais employé, même si lui ignore quasiment tout de l’anglais), rassemblant alors « toute la jeunesse du Nord Ouest de Paris »… »rassemblement multiethnique de jeunes, très en avance souvent musicalement » . « C’était l’époque du très jeune Stevie Wonder et de Ray Charles » qu’affectionne très vite Bernard Fèvre. Il va voir répéter puis rejoindre un groupe qui reprend les titres de Ray Charles et qui, devenu groupe de bals, est repéré par Régine.  » C’est là que j’ai quitté l’usine pour aller au casino de Deauville pour aller faire danser les gens ». Bernard Fèvre a alors 18 ans et il a donc rejoint, aux claviers, momentanément, le groupe « Les Vicomtes » (qu’il va quitter au retour de l’armée).

Je l’interroge alors sur les lieux qu’il fréquentait à l’époque, la musique qu’il aimait.

Bernard Fèvre fréquentait les lieux cultes de l’époque..le « Golf Drouot » ( son groupe y a joué 2 fois), le  » Gibus« .. mais « ce n’était pas ma boite préférée ».. »c’était le lieu de RV des musicos » et « on venait boire un coup »….. »L’image du Gibus, c’est Little Bob Story« .. »on y jouait de la musique un peu..lourdingue.. ».. »rock cra cra!! ».. (En fait Bernard Fèvre en profite pour redire qu’il n’affectionnait pas le Rock’n’roll U.S ( ado, il aimait cependant le rock français des « chaussettes noires » ) et qu’il préférait les « noirs américains« .

En 1969, aux claviers et chant…Bernard Fèvre et les Francs garçons!

 

Q: Alors, l’armée…puis les « Francs garçons » ?

Les  » Francs Garçons« ,  » cela avait commencé un peu avant l’armée  » ( A Berlin, 16 mois, sans apprendre un mot d’allemand) . « on répétait alors à la maison des jeunes de Becon Les Bruyères »…. » le groupe s’est alors monté avec 3 vieux et 3 jeunes » (B.F est alors le plus jeune). Pendant qu’il était à l’armée, ses copains des Francs garçons ont approché le directeur du  » Dom Camillo » ( Jean Vergnes..qui les fait longuement répéter et les nourrit) …. »Beaucoup d’artistes ont débuté au  » Dom Camillo »…Nougaro y jouait souvent… » bref, le lendemain de mon retour de l’armée, j’y chantais Yesterday »..  J’évoque alors les docs en noir et blanc datant de « télé dimanche  » et du côté « décalé » déjà!

B.Fèvre: « oui..mais comme je faisais les arrangements, j’aimais bien mettre des trucs que l’on trouvait chez les anglais ou les américains mais qui paraissaient incohérents avec la musique que l’on jouait »…. Les Francs garçons signent alors, en 1968, chez C.B.S (où ils sortent cinq 45t et deux albums, des titres « anachroniques » et psychédéliques parfois aussi tout en étant décalés: ils enregistrent par ex le chant des partisans avec orgue électronique!) et multiplient les tournées…avec Reggiani notamment..à Bobino, l’Alhambra et l’Olympia en 1968 (avec Josephine Baker)… Le lendemain sur « Europe 1 » Bernard Fèvre entend l’animateur s’exclamer  « J’ai vu un groupe génial, c’est un compromis entre les compagnons de la chanson et les Moody Blues« . ( J’avoue préférer les seconds). Bernard Fèvre joue alors de l’orgue électronique et rajoute des chambres d’écho…le bidouilleur de génie ( notre Brian Eno hexagonal?) est à l’œuvre: les Francs Garçons vont même représenter la culture musicale française (avec Bécaud) à l’expo internationale d’Osaka en 1970 avant de se séparer en 1972….

Les années 70 : Black Devil Disco Club is born!!..to be alive!! …Le choc du  » DEVIL ».

Q: Le grand choc c’est l’arrivée du synthé..au début des années 70?

Bernard Fèvre:  » oui.. c’est çà..Vangelis sur scène avec les Aphrodite’s child…on joue dans les mêmes galas ..et ce sont les sons qui sortent des machines qui m’intéressent…pas les hommes! »… »depuis l’âge de 16 ans j’étais avec des groupes basse/guitare/batterie..toujours un peu les mêmes sons »… Un peu plus tôt dans l’interview Bernard Fèvre m’avait déjà précisé qu’il « adorait, en fait, tous les changements, tout ce qui pouvait déranger la musique qui se jouait alors »….C’est pour cela qu’il avait « adoré la Soul, la bossanova, le disco, le reggae »…nous évoquons alors, un peu pèle mêle , Monsieur Moog, le célèbre inventeur de l’instrument du même nom, Tangerine Dream ou Klaus Schulze, gloires allemandes du début des seventies électroniques mais aussi E.L.P et Brian Eno.…( Aujourd’hui, Black Devil m’avoue n’être vraiment intéressé que par la « Trap music« ..sinon….. »rien de nouveau » !

« J’ai attendu 1973 pour m’acheter mon 1er synthé..que j’ai toujours »..Bernard Fèvre a aussi un moog, une clavinette…et le matériel dit « vintage » aujourd’hui…Korg, mini Korg, magnétophone Teac 4 pistes. Le synthé est alors le « Diable » pour un certain nombre de personnes de cette époque…qui ont peur du changement radical dans les sons..Voilà la naissance et la raison du choix du patronyme artistique de notre pionnier de l’électro made in France…..Black Devil Disco Club est né ( « Black » car c’est synonyme de danse m’expliquera plus tard Bernard Fèvre) et va enchainer, en quelques années de superbes productions….réalisées dans son « Home studio » (là encore, il fait partie des pionniers)…4 albums en 4 ans…sur le label Musak: « The strange world of Bernard Fèvre  » ( son  » meilleur album  » me confie t-il un peu plus tard..mais difficultés pour le ressortir? ) et « Suspense« (1975), Cosmos 2043 (1977) avec notamment le titre « earth message » et l’album « Black Devil disco club » de 1978, véritable pépite « space disco » comme on a souvent qualifié cet album…Fin des années 70…..Jean Michel Jarre, Cerrone ou Giorgio Moroder  encaissent les dividendes de leur succès, alors que Black Devil est quasiment inconnu…pourquoi? Les réponses ne sont pas simples….

https://www.youtube.com/watch?v=30hr7DyAuAY

Giorgio Moroder..1977….un tube sans doute plus facile à écouter et à écouler?

Black Devil Disco Club  était sans doute en avance sur son temps et, en France, lui même le reconnaît, c’était sans doute un gros handicap contrairement aux pays anglo-saxons. L’industrie du disque était frileuse et, de plus, Black Devil Disco Club n’était sans doute pas alors prêt non plus aux compromis imposés par le show biz avec lequel il entretient un rapport circonspect: il a été approché par un grosse maison et a rencontré Eddie Barclay qui l’avait contacté mais n’a pas accroché avec son équipe d’ingénieurs….le seul ingénieur du son qui trouvait grâce à ses yeux était J.P Gouache, son ingé-son…Peut-être aussi des productions ( comme celles de Moroder) plus faciles à écouter et à écouler pour les maisons de disques.

20 ans d’oubli et la Renaissance due aux..anglo-saxons!

Au moment où Black Devil s’interroge « qu’est ce que je suis, qu’est ce que je deviens » et hésite à se contenter d’ aller à la pêche, en tapant sur le net,  il tombe sur le lien entre lui et les Chemical Brothers. Les anglais ont sorti un album « Surrender » dans lequel ils ont « samplé » le titre de Black Devil Disco Club « Earth message » (album Cosmos 2043) dans « Got Glint?« ..malheureusement cela ne lui a quasiment rien rapporté, financièrement, car on a considéré que « le sample n’était pas assez volumineux »! « Je me suis alors dit..qu’est ce qui se passe », continue Bernard Fèvre qui essaie de retrouver l’éditeur et commence alors un invraisemblable imbroglio avec Jacky Giordano ( condamné pour escroquerie aux Assedic- plus de 6 millions d’euros-, en bande organisée, en 2008) qui avait co-signé notamment l’album de 1978, ceci bloquant jusqu’à une époque récente les droits d’auteur.

   1999…les Chemical Brothers samplent « earth message » de Black Devil

2004…..c’est l’année de la véritable renaissance?.... « Oui, c’est Aphex Twin qui décide, sur son label anglais Rephlex records de rééditer « Black Devil disco club »..Black Devil me dit même qu’il avait quasiment oublié cet album (!!?).;et que ce n’est qu’au bout de 30 secondes d’écoute que « des images du lieu reviennent, des personnages…Jacky G., J.P Gouache son preneur de son.. »….. »Et c’est là aussi que j’ai décidé de faire une suite..et cela a surpris tout le monde de la musique anglo-saxon car personne ne savait si cela avait été fait à l’époque ( années 70) ou maintenant !

Comment expliquer la difficulté d’être encore davantage reconnu en France?  Black Devil Disco Club me donne plusieurs explications:  » peu de culture musicale en France contrairement à la ……charcutière anglaise!(qui en a!!) »…Black Devil Disco Club dénonce aussi les « radios gold » qui passent des chansons que les gens sifflent mais sans savoir qui les a faites..le rôle des grands médias aussi…Ainsi, après avoir joué à Paris à la « Maroquinerie », il a eu droit à un article dans le « Figaro » car c’était un journaliste qui arrivait de « Libération »…..Il évoque aussi les « Belges plus malins »….( a joué à Gand). Les anglais ont, heureusement pour Black Devil Disco Club, su aussi lui donner une nouvelle chance: entre 2006 et 2011, Black Devil sort, chez Lo Recordings, 4 albums dont « Circus » (2011) où l’on retrouve, excusez du peu!, Nancy Sinatra, John Spencer mais aussi Faris Badwan (The Horrors) ou Nicolas Ker

black devil circus

Alors et Alter K? ( Alter K, label indépendant qui a réédité les 3ers albums en 2015).       » Je rencontre Olivier Rigout (directeur d’Alter K..qui était chez  » Naïve » auparavant) et lui propose de travailler avec lui ».. »Cela me permettait aussi d’avoir une relation avec des gens qui parlaient anglais » en devenant aussi des partenaires de Lo Recordings, Alter K a réussi à récupérer les droits pour exploiter les disques réédités. (Rephlex avait juste un contrat d’exploitation ponctuel pour Black Devil Disco club). C’est l’occasion aussi de souligner l’excellence du travail réalisé par Alter K : contrairement au travail « haché » réalisé chez Rephlex, Alter k a permis une « remasterisation  » des albums, réalisée à partir des originaux par Black Devil Disco Club lui même qui a « retiré tous les petits défauts »…

                                                                                En 2016 est sorti un autre album (chez Lo Recordings) « Orbit Ceremony 77 » qui est, en fait, un album exhumé/dépoussiéré des seventies….Aujourd’hui, Black Devil Disco Club assure qu’un nouvel album est prêt mais sans savoir qui pourra le sortir.

 » H- Friends » Live/ La Maroquinerie/ Paris/ Décembre 2016

En guise de conclusion à notre rencontre, je plagie un titre de l’album mythique de 1978 en lui demandant…Alors « No regrets » aujourd’hui?.

 » Non« …c’est même très sympathique d’être reconnu, mais c’est un peu tard »….et « il y a même des moments où cela me stresse un peu encore ».  » L‘important reste la scène« … Cela tombe bien car Black Devil Disco club prend plaisir à voir ses « Kids » heureux dans ses sets qu’il délivre avec toujours autant d’énergie! Lui même me disait qu’il « adorait encore danser, pourvu que la musique fût bonne »!

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2 h du mat’/17/09/  Black Devil assure un très bon set après les Black Angels!

Merci beaucoup à Black Devil Disco Club d’avoir répondu, dans la bonne humeur et avec beaucoup de gentillesse et simplicité à mes questions et Merci à Pascaline P. du label Alter K de m’avoir permis cette rencontre intéressante et de m’avoir procuré quelques documents permettant d’enrichir l’illustration de cet article!….

Nous espérons revoir maintenant Black Devil Disco Club à Nantes/ Stéréolux….ou au L.U???!!!ou dans toute autre salle!!!

Black Devil/ live à la « Maroquinerie »/ décembre 2016/ Paris/

Un lien vers Alter K!! http://alterk.bigcartel.com/

 

 

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