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À la dérive avec Drift Code de Rustin Man

À la dérive avec Drift Code de Rustin Man

Le chemin de l’ouverture d’esprit musical est un parcours long et semé de surprises. Je me rappelle la mienne de surprise lorsque l’on m’avait révélé après que je fusse tombé sous le charme de Out Of Season avec la voix de Beth Gibbons, que sous le pseudonyme de Rustin Man se cachait en fait Paul Webb, ex-bassiste du groupe Talk-Talk. C’est que j’avais passé les années 80 en apnée musicale, entre métal, punk et fusion. Pour le coup, le nom de Talk-Talk évoquait pour moi des minets en pantalon à pince, chantant gentiment Such A Shame à la télé pour une société endormie par le bling-bling et les couleurs fluo de l’ère Thatchero-Reaganienne. Aussi, l’écoute des derniers albums du quartet de new-wave londonien, suite à cette découverte, m’avait-elle agréablement surpris. Et voilà donc qu’arrive en cette fin de mois de janvier 2019, Drift Code, le nouvel album de Paul Webb qui s’aventure sur des chemins tortueux et addictifs.

Pour ce deuxième opus sous le nom de Rustin Man, le musicien s’est retranché dans sa grange/maison/studio dans un champ de l’Essex (and drugs and rock and roll, pardon, pas pu m’en empêcher), entouré de ses deux filles et de sa femme Sam (merci le dossier de presse pour ces éléments indispensables). L’homme a pris son temps pour enregistrer des morceaux qui, dit-il, lui sont, somme toute, venus assez facilement. Pourtant, il lui aura fallu pas moins de quinze ans pour les mettre en boite. Perdu au milieu d’un bric-à-brac amassé au fil des ans, il a patiemment assemblé les éléments qu’il enregistrait tout en retapant sa maison. Sa musique parait donc bien comme une transcendance de son environnement vital, puisqu’il avoue lui même :

J’en suis venu à penser que l’espace dans lequel vous écrivez ou enregistrez de la musique est très important, et ça vaut le coup de rendre cet environnement aussi magique et unique que possible.

Rustin Man

Le magnifique Vanishing Heart qui nous ouvre les portes de la grange propose une instrumentation qui  ferait penser à Piano de Tricky  avec une voix qui rappellerait le Bowie de Blackstar (we f…ing miss you Thin White Duke!) ou encore Robert Wyatt. On se laisse bercer et surprendre par l’ambiance qui se dégage de cet album. L’univers dans lequel le musicien nous invite à pénétrer est un condensé d’intimité, et de diversités. Car sur chaque titre, il s’évertue à incarner un personnage et à illustrer une expérience différente et particulière. Le résultat est aussi une grande richesse musicale, où piano, guitares, orgues, cuivres s’entremêlent pour raconter une histoire. Les mélodies et la voix particulière de Webb contribuent a créer une atmosphère étrange et envoutante qui constitue comme la ligne de conduite d’un récit global qui parcourrait l’ensemble de l’œuvre. On peut donc également écouter Drift Code comme on écouterait une BO. Le bref et très beau Brings Me Joy et la voix féminine, lyrique, qui vient comme un contrepoint à celle grave et monotone de Webb est à ce titre parlant. Il y a une véritable dynamique cinématique dans la façon dont le morceau est conçu.

Le texte évoque un homme libéré d’une relation sans amour. Webb s’amuse à incarner divers personnages tout au long des neuf titres du disque. Real. Edwin Burdis

Mais il ne faut pas se faire une fausse idée : ce n’est pas un album triste ou mélancolique. Toutes  sortes d’émotions traversent Drift Code. Our Tomorrows, plus groovy et psyché semble sorti d’un album des Doors—l’intention du chant est d’ailleurs sans doute inspirée des intonations d’un Morrison.

En fait, l’ensemble du disque semble être construit de façon à échapper à toute tentative de classification sans être au détriment d’une unité de style. On peut trouver au sein d’un seul titre une intro jazzy chantée à la Chet Baker (The World’s In Town) suivie d’une fin plus pop, aux guitares aériennes et psychédéliques, tomber ensuite sur un morceau instrumental joué sur ce qui ressemble à un mélotron accompagné d’un tuba, l’euphonium, et d’un synthé très old school, avec des ambiances très cinématographiques—Euphonium Dream— pour finir sur All Summer, ballade que l’on imaginerait volontiers jouée en fin de soirée par le musicien sur son piano au coin du feu dans sa grange.

J’ai appelé l’album Drift Code parce que c’est un Oxymore, un code est quelque chose de fixe, mais notre instinct nous pousse à vagabonder, à dériver. J’aime l’idée que la vie est un puzzle qui ne peut être assemblé parce que la réponse change tout le temps.

Rustin Man

Webb s’est donné à la fois le temps de se construire l’environnement nécessaire à l’éclosion de son œuvre, mais également celui suffisant pour apprendre à jouer de nombreux instruments. Et pourtant, on retrouve sur ce disque des collaborations de personnages connus (Lee Harris, le vieux compère de Talk-Talk à la batterie) et moins connus. Des orchestres locaux ou encore un des premiers synthé monophonique—le clavioline—joué par un percussionniste de musique latino qui se fait appelé Snowboy. Sinon, tous les autres instruments sont joués et ont été enregistrés par l' »Homme Rouillant ». Celui-ci voulait en effet que son travail ait un côté live et donne l’impression d’avoir été enregistré dans une seule pièce par un groupe de musiciens. Et, paradoxalement, il estime que le temps qu’il a mis à construire cette œuvre lui donne un côté déraciné. C’est tout le sens de l’oxymore du titre ; une apparence de fixité avec, sous cette couche de vernis, un glissement, une déambulation hasardeuse. Un peu comme si ces chansons étaient la manifestation d’une forme de dérive des continents intérieurs du musicien.

Le 1er février chez Domino, Drift Code est disponible en pré-commande en version LP Dom Mart exclusive (avec une photo dédicacée), version LP Indie exclusive (avec une photo), LD, CD et digital.

https://www.rustinman.com/

https://www.facebook.com/RustinManOfficial/

https://www.piccadillyrecords.com/counter/product.php?pid=126745

http://www.dominorecordco.com/

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