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REMI : Du Hip-Hop australien avec un fond très solide!

REMI : Du Hip-Hop australien avec un fond très solide!

Sur la scène Hip Hop internationale, l’Australie n’est pas vraiment en tête. Pourtant, elle recèle en son sein une valeur montante des plus intéressantes, j’ai nommé REMI (en majuscules). Il s’agit d’un duo de Melbourne formé par le rappeur Remi Kolawole avec son producteur et ami Sensible J. Avec déjà deux albums à leur actif, Raw x Infinity (2014), et Divas & Demons (2016), REMI a d’ores et déjà été reconnu par ses paires, puisqu’il a travaillé notamment avec Joey Badass, a assuré la première partie de concerts de Kendrick Lamar, et est monté sur scène avec Gorillaz. Le duo était présent à l’édition 2018 des Escales de Saint-Nazaire pour deux concerts, Weirdsound a eu le plaisir de le rencontrer, un peu plus d’une heure avant le second concert.

Weirdsound : Remi, tu es australien, de père Nigérian et de mère Australienne. J’ai lu dans une interview que tu t’étais rendu compte assez rapidement de ta différence de couleur de peau. Tu as été aidé en cela par tes camarades de classe…

Remi : J’ai été quoi ?

W : Aidé ?

R : Aidé est un joli mot… (Il rit)

W : Excuse-moi ! Bien sûr, le mot « aidé » était à mettre et à comprendre entre guillemets ! (Remi, Sensible J et moi éclatons de rire) Je reprends donc… Te souviens-tu cependant d’une partie bénie et innocente de ton enfance ?

R : Honnêtement mes souvenirs d’enfance innocente remontent à loin. J’avais quatre ans quand j’ai été attaqué sur la question raciale pour la première fois. Donc mes souvenirs d’innocence sont assez ténus…

W : Cette première question est peut-être un peu raide, mais je partage avec toi cette mixité, c’est pourquoi je me suis permis de te la poser…

R : (Il éclate de rire) Non non non, t’inquiète ! J’avais compris !

W : (On reprend son sérieux et on continue…) Comment ont réagi tes parents au moment ou leur petit bonhomme rentrait de l’école triste, ou peut-être même en pleurant ?

R : C’est très difficile pour les parents… Surtout lorsqu’aucun des deux n’a vécu ce que tu vis. Mon père Nigérian a connu pas mal d’exclusions ici. Mais il pensait que ce serait plus simple pour moi, si ma couleur de peau était moins noire. Il pensait même qu’il n’y aurait pas de problème du tout. Pour ma mère qui est blanche, l’expérience de la pression était plus située sur le sexisme, la question raciale lui était étrangère. Donc tout le monde était perturbé, personne ne comprenait ce qui se passait. Toute la famille a dû apprendre ensemble et en même temps.

W : Comment est-ce de grandir en tant que Noir en Australie ?

R : Cela dépend vraiment de la question : « Comment, à quel point es-tu noir ? ». Les Noirs d’origine sont ceux qui prennent le plus cher. Si on devait les comparer dans leur lutte, ce serait à l’histoire des Noirs Américains. Pour les migrants venus des pays d’Afrique Noire, surtout en ce moment, il y a un racisme très fort lié à l’histoire des Noirs en Australie. En ce qui me concerne c’est différent ; je suis noir mais il y a des privilèges liés au fait d’être métissé donc moins foncé. Donc oui, ça a été très difficile pour moi, d’autant que j’ai vécu plus dans une partie très homogène et très blanche de la société. Mais maintenant que je suis entouré de plus de personnes noires, dont certaines issues du sud Soudan ou de Somalie, je me rends compte que pour elles c’est nettement pire.

W : Cette expérience t’a permis d’observer d’autres type de discrimination comme le sexisme ou l’homophobie ?

R : Oui, c’est quelque chose que j’ai appris à observer, et aujourd’hui encore j’apprends. Même dans les communautés opprimées, on les retrouve. Être noir n’implique aucune garantie de ne pas être homophobe ou sexiste. J’ai pu apprendre et observer, en ayant la chance de faire partie de cette industrie créative, la musique, où l’on est entouré de personnes très différentes qui ont toutes quelque chose à nous apprendre.

W : Parlons musique maintenant… Quelle musique écoutiez-vous gamins ?

R : (Il se met à rire avec Sensible J) J’ai grandi avec la pop. A la maison, il y avait Michael Jackson, George Michael, Marvin gaye, un peu de Stevie Wonder.

Sensible J : Pour ma part, il y avait beaucoup de George Benson. Mes parents faisaient tous les deux partie d’un groupe à Cape Town (Afrique du Sud), ils faisaient un genre de Funk Rock. Au Cap dans les années 70, mon père ne pouvait pas acheter de disque avec un Noir sur la pochette, les disquaires n’en auraient jamais proposé. Mes premiers disques étaient ceux de Steve Winwood, un chanteur de soul blanc et Deep Purple. Et bien sûr, après il y a eu Michael Jackson. Je suis allé au Bad Tour en 1987, ce concert a changé ma vie !

: Tu es allé au Bad Tour ? Waaaaah !!!… Je suis allé deux fois au History World Tour en 1997 !

SJ : Deux fois ? (Il rit)

W : Oui, le meilleur concert de ma vie !

SJ : Je ne te le fais pas dire !

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Remi Kolawole aux Escales de Saint-Nazaire édition 2018 – Photo ehyobro weirdsound

W : Comment vous êtes-vous rencontrés, et comment avez-vous fini par créer votre groupe ?

R : Je travaillais dans un magasin de vêtements à Melbourne, et la compagne de SJ travaillait dans ce magasin, elle était mon boss. Quand j’ai commencé à faire du rap à 19 ans, elle m’a dit que J faisait des beats et m’en a fait écouter. Je suis devenu fan sur-le-champ ! Je l’ai invité à manger. Vu qu’il était africain et mon père aussi, je me suis dit que je pourrais l’attirer avec des plats africains jusque chez moi ! Il a mangé, puis on a commencé à faire de la musique, c’était il y a 8 ans…

W : Quels sont les thèmes que tu abordes dans tes textes, en dehors de la discrimination ?

R : Je parle de ma vie, simplement… C’est le sens du hip hop pour moi ; ce qui se passe dans ta communauté, ce qui se passe en toi, dans ta famille. C’est regrettable et malheureux que la discrimination continue d’exister, mais en même temps je parle de ce qui m’inspire…

W : J’ai lu que tu avais voulu devenir infirmier, et donc soigner les gens. Peut-on finalement dire que tu essaies de les soigner par la musique ?

R : C’est dingue ! J’adorerais penser ça ! Mais je pense que la musique a des vertus thérapeutiques oui ! Il y a quelques jours nous étions à Lyon, et une femme m’a dit cette très belle chose, l’une des plus belles que j’ai entendues : « Je ne comprends pas tout ce que tu dis, mais je peux le ressentir« . C’est la définition même de la musique pour moi. Je n’entends pas toujours les paroles, ni où va la ligne de basse, mais les arrangements me font ressentir le truc, c’est plus fort que moi et ça me fait bouger. Ça, ce sont les vertus thérapeutiques de la musique pour moi.

SJ : Tu vois, on a joué hier ici, c’était extra. Il y avait plein de monde avec des vies sûrement très différentes, des jeunes et des moins jeunes, des blancs, des marrons, des noirs, tout le monde voulait passer un bon moment. Cela te montre ce que la musique peut faire. C’est assez simple !

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Remi Kolawole aux Escales de Saint-Nazaire édition 2018 – Photo ehyobro weirdsound

W : En intégrant ton équipe de football au lycée, tu as découvert le sexisme et la misogynie. Que penses-tu de tout ce qui se passe depuis que l’affaire Weinstein a éclaté ?

R : Je ne suis probablement pas la bonne personne pour répondre à cette question car je ne suis pas une femme… Nous avons appris toutes ces choses qui se sont passées, d’accord. Mais il suffit de regarder la culture populaire pour voir que ce genre de comportement a été non seulement accepté, mais aussi glorifié, que ce soit dans la musique, dans les films, dans l’art… En réalité, maintenant on sait, mais ce n’est pas vraiment une surprise. Je pense qu’il était simplement temps que cela arrive.  Pour tout, il doit y avoir à un moment une rotation, ou un virage. Et c’est l’un des effets positifs d’internet ; le savoir est devenu plus accessible, avec les sources de confiance bien sûr ! Mais en même temps quand tu essaies d’éduquer les jeunes sur le « comment être ensemble », tu réalises qu’ils tournent en rond dans un fonctionnement pernicieux. Donc oui, je suis très heureux des effet de l’affaire Weinstein, c’est juste, et cela devait arriver ! Le système est trop masculin, il faut le féminiser pour faire un contrepoids et en faire du passé.

W : Je voudrais que nous nous arrêtions sur « Ode to ignorance » issue de ton premier album, je l’apprécie vraiment. Le titre est sarcastique je suppose ?

R : (Il pouffe de rire) Je dois vraiment remercier J pour cette chanson. Quand j’ai commencé à faire de la musique, c’était pour le feeling, le rythme, et la mélodie. Puis je suis arrivé au point où il fallait que je parle de ma vie. Comme je te le disais tout à l’heure, j’ai grandi dans une communauté qui n’avait pas l’esprit très ouvert et dans laquelle tu as très peur de parler.  Mais d’une manière ou d’une autre, tu souffres : si tu ne parles pas, tu souffres, et si tu parles, tu te libères d’un poids mais inévitablement quelqu’un t’amènera un autre type de souffrance. Je remercie donc J de m’avoir fait me sentir à l’aise pour écrire ces choses et m’avoir aidé à les écrire.

(Le manager me fait discrètement comprendre que le temps tourne et qu’il ne me reste que 2 minutes… C’est moche car j’ai encore plein de questions dans ma besace !)

W : Si je te dis House of Pain, Lords Of The Underground, Public Enemy, Black Sheep, tu me réponds quoi ? Et que penses-tu du rap aujourd’hui qui ne pense qu’à faire de l’argent, avec l’image de la voiture, les filles légères et le reste ?

R : J, tu es la personne indiquée pour répondre à cette question !

SJ : Toi aussi tu connais ces groupes maintenant !

R : Ok on va répondre tous les deux ! J’ai eu la chance d’apprendre avec J, qui m’a fait connaître nombre de ces groupes. Black Sheep est vraiment l’un de mes favoris, ils sont bargeots ! Le soucis aujourd’hui est la question de l’équilibre. Il y a des gars qui se lancent de gros défis pour essayer de changer les choses.  Kendrick Lamar est l’un d’eux…

SJ : Kendrick Lamar est le Public Enemy des temps modernes je pense. Il fait danser ok, mais il transmet de réels messages pour les jeunes dans ses textes. Ces jeunes vont chercher sur Google le nom des personnes qu’il mentionne dans ses textes. Je regarde encore avec respect ceux qui sont mes références comme Chuck D (Public Enemy). Grâce à lui quand j’ai eu douze ans, je suis allé chercher dans une encyclopédie qui était Martin Luther King. J’ai appris par la musique, et Kendrick est l’exemple parfait de l’artiste populaire qui va dans le sens de la transmission.

: Encore une fois, on a besoin de plus de diversité dans la scène Hip-Hop. Le rap est basé sur la jeunesse. Mais il est tellement rare entre 17 et 25 ans d’en savoir assez sur le monde pour éduquer autrui. Le gros problème aussi, c’est qu’il n’y a pas assez de femmes, ni assez de personnes homosexuelles mises en avant au premier plan.  Nous avons en Australie une artiste géniale ; Sampa The Great, elle vient de Zambie et s’est installée à Melbourne. Elle traite de tous ces sujets dans ses textes, et dit des choses que nous avons tous vraiment besoin d’entendre. Mais le hip hop est clairement dominé par les hommes, avec cette misogynie imprimée, cette idée qu’il faudrait ne pas respecter les femmes ou à minima les traiter comme de la m… . Si cela reste ainsi, on ne peut pas espérer un retournement de situation. Il faudrait commencer par un travail d’éducation de la jeunesse, mais j’ai bien peur que ce ne soit pas la réalité factuelle. Donc il faut que nous entendions et écoutions les femmes ! Si elles étaient au premier plan, que ce soit en musique ou en politique, je suis convaincu que la tendance s’inverserait. Et sans les femmes, nous n’irons nulle part !

W : Merci à vous les gars, j’avais encore des questions, ce sera pour une prochaine fois j’espère ! Bon concert tout à l’heure !

R : Merci, on a passé un bon moment!

 

Remi Kolawole semble très content du déroulement de l’interview et des thèmes abordés. Son manager me demande mon mail, car ils projettent de revenir faire un concert à Paris. Affaire à suivre donc…

 

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